mercredi 3 juin 2009

"Grognards de Haute-Marne"


Le 12 juin, a paru, aux éditions Dominique Guéniot, à Langres, notre premier ouvrage napoléonien, "Grognards de Haute-Marne".

En voici le texte de présentation figurant en quatrième page de couverture :


"Charles de Gaulle, le plus illustre des Haut-Marnais, vient de naître lorsque décède à Langres en 1891, à l’âge de 97 ans, celui que nous pensons être le dernier
Grognard vivant dans ce département. Ultime témoin d’un furieux quart de siècle qui, de 1792 à 1815, a vu les soldats français, d’abord dans les armées révolutionnaires, puis dans les troupes impériales, parcourir un continent européen déchiré et s’y battre.
Durant l’Empire, plus de 13 000 enfants de Haute-Marne – théâtre de la
dernière victoire de Napoléon Ier avant Waterloo -, conscrits ou volontaires, ont porté l’uniforme. Résignés, mais disciplinés, ils ont rejoint leurs régiments pour combattre de l’Espagne à la Russie, des îles du Danemark à l’actuelle Croatie. Nombre d’entre eux ont servi au sein du glorieux 14e de ligne, décimé à Eylau. D’autres ont alimenté les unités des gardes nationales mises sur pied par le département pour défendre les côtes de Belgique, les places de Neuf-Brisach ou de Langres.
Sous l’uniforme, ils ont vécu l’inimaginable : les affres de la détention sur le
sinistre îlot de Cabrera, aux Baléares ; la retraite de la Grande-Armée, dans des conditions épouvantables, depuis Moscou ; la vision de leur camarade capturé par les guérilleros espagnols et supplicié. Mais ils ont aussi accompli des actions d’éclat, gagné au feu la croix de la Légion d’honneur, voire un galon d’officier ou un titre de noblesse d’Empire.
Beaucoup, parmi ceux qui sont devenus officiers, ont fait preuve d’un grand
mérite. C’est le colonel Deponthon, d’Eclaron, qui, faisant preuve d’une rare prémonition, n'a caché à l’empereur des Français aucun des risques d’une campagne en Russie... Les colonels Habert, de Nijon, et Isidore Martin, de Saint-Dizier, qui ont lancé leurs cuirassiers contre les carrés britanniques à la fin de la bataille de Waterloo… Chaudron-Rousseau, de Bourbonne-les-Bains, colonel à 19 ans – un record dans l’histoire de l’armée française ! –, tombé comme général en Espagne… L’un des trois frères Jobert, de Pressigny, qui a franchi le Danube à la nage lors d’un coup de main audacieux... Ou encore le commandant Laloy, de Chaumont, qui a fait un rempart de son corps entre son général et des insurgés espagnols.
Plus de 3 000 Grognards haut-marnais ne sont pas revenus de ces campagnes
incessantes, davantage victimes des épidémies qui ravageaient alors les hôpitaux que du feu ennemi. Les autres ont retrouvé leurs terres, se sont mariés, ont passé le reste de leur existence à travailler, vivant, pour 3 163 d’entre eux, assez longtemps pour recevoir, sous le règne de Napoléon III, la médaille de Sainte-Hélène. Mais tous ont été marqués à jamais par leur expérience de soldat.
C’est leur histoire que nous nous proposons ici de vous présenter".

Il s'agit du premier ouvrage consacré au Premier Empire dans le département et destiné au grand public, depuis la relation de la Campagne de 1814 en Haute-Marne proposée par F.-F. Steenackers (dans le dernier quart du XIXe siècle !).

C'est ici l'occasion de rendre hommage à notre précurseur Pierre-Gérard Jacquot. D'origine haut-marnaise (sa famille vivait à Ageville, près de Nogent, durant la Révolution), il exerçait la profession d'avocat à Saint-Dizier - il fut d'ailleurs bâtonnier de la Haute-Marne. Membre du Souvenir napoléonien et représentant de l'Association pour la conservation du patrimoine napoléonien en Haute-Marne, Me Jacquot est l'auteur d'une incontournable thèse de 3e cycle sur "Les bataillons de volontaires nationaux en Haute-Marne" (Dijon, 1979), d'un ouvrage sur la terreur blanche dans le département ("Opposition et terreur blanche, ou la fidélité aux souvenirs"), de nombreux articles ("La Haute-Marne napoléonienne", dans La Revue du Souvenir napoléonien, etc.) et ouvrages inédits ("Les Haut-Marnais et la Campagne de Russie", "Les Haut-Marnais et la Campagne de Pologne"...). Nous associons, à cet hommage à un homme qui s'était retiré à Cirfontaines-en-Ornois (canton de Poissons) et aujourd'hui disparu, le souvenir de Jean-Marie Chirol, le fondateur du club Mémoires 52 qui, lui aussi, s'était intéressé à cette période passionnante. Malheureusement, sa "Gazette de la Campagne de 1814" n'avait alors pas trouvé d'éditeur, tout comme Pierre-Gérard Jacquot qui avait également produit une synthèse des événements de cette campagne de notre département. Nous leur rendons aujourd'hui, modestement, cette justice...

.

Les Morlant et le 11e chasseurs à cheval

Voici le fruit de nos dernières recherches historiques. Elles concernent la famille meusienne De Morlant (rebaptisée, Révolution oblige, Morlant).

Chez les Morlant, il y a d'abord l'illustre François-Louis, qui commandait en second les chasseurs à cheval de la Garde et qui a trouvé la mort à Austerlitz. Son nom figure sur l'Arc de Triomphe à Paris, bien qu'il n'ait pas été promu au grade de général.

Mais il y aussi Jean-Pierre. Lorsque nous nous sommes intéressé à l'histoire du 1er bataillon des gardes nationales de la Haute-Marne, mis sur pied en août 1809 à la suite du débarquement britannique dans l'île de Walcheren, nous étions resté très sceptique quant à une parenté supposée - c'est la presse de l'époque qui l'assurait - entre l'adjudant-major de Morlant, chef d'escadron retiré à Ceffonds (pour la petite histoire, le village natal du père de Jeanne d'Arc), et le héros d'Austerlitz. Or les registres d'état civil de la commune sont formels : ils confirment que François-Louis et Jean-Pierre sont bel et bien frères.
Né le 9 mai 1761, à Souilly (Meuse) comme son illustre frère, Jean-Pierre de Morlant, dit Morlant, est le fils de Jean-Pierre, évuyer et officier d'infanterie, et d'Elisabeth de Bonnay.
Comme le frère du futur maréchal Moncey, comme un membre de l'illustre famille de Nolivos, c'est par son mariage que Jean-Pierre "fils" de Morlant s'établit en Champagne méridionale sous l'Ancien Régime. Epoux d'Anne-Gabrielle Delalain (fille d'un docteur en droit de Montier-en-Der), le jeune homme est qualifié d'officier au 5e régiment de chevaux-légers lorsque naît un fils, à Montier, en 1783. Au moins un garçon (en l'an III) et une fille (en l'an VIII) verront également le jour au sein de son couple. A l'aube de la Révolution, il est lieutenant au sein du 11e régiment de chasseurs à cheval, puis capitaine le 1er juillet 1792. Il aurait également servi, selon ses dires, dans la cavalerie (sic) de Seine-Inférieure (un escadron de volontaires nationaux ?) avant de se retirer à Ceffonds. En l'an III, il est qualifié de cultivateur. En l'an VIII, de propriétaire. En 1809, il reprend donc du service, à 47 ans, comme adjudant-major du 1er bataillon de la Haute-Marne, dont il prendra d'ailleurs le commandement peu avant sa dissolution au printemps 1810. La même année, il est destiné à rejoindre le Régiment des gardes nationales de la Garde (futur 7e voltigeurs de la Garde). L'a-t-il rejoint ? Trois ans plus tard, Morlant sollicite un emploi dans les gardes d'honneur - une lettre en ce sens est adressée au général Clarke. Ici encore, il n'est pas certain qu'il ait obtenu satisfaction. Il décède en 1818 à Ceffonds, à l'âge de 57 ans.

Nous l'avons dit : Jean-Pierre Morlant a eu au moins deux fils. Le premier, Louis-Elie-Hypolite, est baptisé le 13 août 1783 à Montier-en-Der. Il a pour parrain officiel son oncle paternel Louis-Elie de Morlant, un eccléstiastique. Mais celui qui est présent à la cérémonie pour représenter ce prieur, c'est son autre oncle... François-Louis, le futur héros d'Austerlitz. Comme ce dernier, comme son père, Hypolite va servir comme officier au 11e chasseurs à cheval. Si l'on s'en réfère au tableau Martinien, c'est un cavalier brave jusqu'à la témérité. Il suffit d'énumerer ses blessures : à Heilsberg, comme sous-lieutenant ; à Rudulna, à La Moskowa, à Wilna, à La Katzbach, à Waimar, comme capitaine. C'est bien lui qui est fait baron d'Empire en 1811, et non son oncle François-Louis (à titre posthume). L'occasion ici de rectifier une confusion (excusable) faite par le regretté Dr Hourtoulle dans son ouvrage sur La Moskowa : le capitaine de Morlant qui servait en Russie au sein du 11e chasseurs n'est pas le fils du major des chasseurs à cheval de la Garde, mais son neveu. Meusien d'origine, c'est à Verdun que le baron de Morlant décède le 21 février 1815, alors qu'il n'a pas 32 ans, dans son logement, rue de la Boucherie, ainsi que nous l'a révélé le registre d'état civil de la cité.

Enfin, il y a Charles-Rose Morlant, le moins connu, né le 20 mai 1795 à Ceffonds. C'est à 17 ans, le 11 mai 1812, qu'il entre en service... au sein du 11e chasseurs (dont le dépôt est alors à Verdun) ! C'est aussitôt la campagne de Russie. En décembre, le jeune homme est fait prisonnier près de Wilna, sans doute au moment où son frère officier est touché. Blessé, épuisé, il meurt le 27 mars 1814 en captivité.
A noter que le chef d'escadron Jean-Pierre Morlant est encore le beau-père du lieutenant Nicolas-Remy Diderot, de Montier-en-Der, officier du 14e de ligne, époux de sa fille Calixte-Louise-Marie-Rose.