jeudi 27 janvier 2011
Les aides de camp haut-marnais
Un aide de camp sous l'Empire (avec l'aimable autorisation de Jérôme Croyet).
Aide de camp. Sous l’Empire, une fonction prestigieuse et non dépourvue de dangers. Pour résumer : elle constitue la première courroie de transmission entre un général ou un maréchal auquel cet officier est attaché et son environnement, c’est-à-dire avec un supérieur hiérarchique ou avec ses troupes. Reconnaissables à leur brassard, les aides de camp parcouraient inlassablement le champ de bataille, généralement porteurs d’un ordre écrit ou oral, parfois derniers remparts entre leur protecteur et l’ennemi. Les plus grands mémorialistes du Premier Empire ont rempli la fonction d’aide de camp : Marbot – du maréchal Augereau ; Gonneville – du général Rioult d’Avenay ; Ségur – de Napoléon lui-même…
Aucun Haut-Marnais n’a été l’aide de camp de l’empereur – même si deux, Deponthon et Berthemy, ont été ses officiers d’ordonnance. Toutefois, nous avons identifié 31 officiers nés ou domiciliés dans le département ayant rempli cette fonction auprès d’un maréchal, d’un général de division ou de brigade. Ils méritaient bien ce rapide hommage.
En précisant d’abord que huit d’entre eux – plus du quart ! - ont servi des maréchaux d’Empire. Et, parfois, non des moindres. Ainsi, le Dervois Pierre-Augustin Berthemy a-t-il été celui, comme colonel, de Joachim Murat, roi de Naples – qui en fera d’ailleurs un de ses généraux. Mais nous citerons aussi les Chaumontais Christophe Laloy, aide de camp du maréchal Davout de 1812 à 1815, et Charles Denys de Damrémont, celui du maréchal Marmont (presque un voisin, puisque natif de Châtillon-sur-Seine) de 1811 à 1813. Moncey s’attacha les services du gendarme fronclois Henry Doré de Brouville, sans doute dès 1808 (officieusement) en Espagne, puis officiellement en 1810, et ceux de son propre frère, le chef d’escadron Claude-François Jannot de Moncey, ancien maire de Longeville-sur-la-Laines. Etienne Martin (de Beurnonville), de Laferté-sur-Aube, a été l’aide de camp de Macdonald. Quant au maréchal Kellermann, duc de Valmy, il a été servi successivement par les capitaines Philippe-Henri Richard de Cendrecourt, de Pouilly-sur-Meuse, et Symon de Latreiche, de Bourmont.
Difficile de savoir précisément pour quelle raison tel officier a été attaché à la personne d’un maréchal ou d’un général. On peut penser – même si rien ne confirme cette hypothèse – que la même origine géographique n’est peut-être pas étrangère au choix du lieutenant chaumontais Denys de Damrémont comme aide de camp du général wasseyen Defrance. En revanche, il est indéniable que les liens familiaux expliquent l’attachement du capitaine Charles-Armand de Failly au général d’Anthouard (c’est son cousin), ou celui du capitaine Henry Guillaume au général Curial – celui-ci est le gendre du futur ministre Beugnot, auquel les Guillaume sont apparentés (à noter par ailleurs que Curial a été servi par le Bragard Le Petit de Brauvilliers). Quant à Martin (de Beurnonville), d’être le neveu maternel du général de Beurnonville n’a sans doute pas constitué un obstacle à son attachement au futur maréchal Macdonald. Reste, pour les autres, certainement ce motif : les valeurs militaires et humaines. Cinq (Cournault, d’Esclaibes d’Hust, Lavilette, Pierre-Victor Huot, Plivard) sont ainsi polytechniciens, tandis que sept ont été formés par l’école spéciale militaire de Fontainebleau puis Saint-Cyr. On peut également souligner l’origine sociale de ces aides de camp : treize sur 31 sont issus de la noblesse d’Ancien régime, or l’on sait que plusieurs maréchaux étaient sensibles au prestige du nom. A l’inverse, Berthemy est fils de perruquier, Jobert d’un recteur d’école.
On retiendra également que la fonction d’aide de camp n’éloigne pas du danger, bien au contraire. Si aucun Haut-Marnais ne trouve la mort sur un champ de bataille, plusieurs seront blessés dans l’exercice de leurs fonctions. Berthemy : à Austerlitz, Eylau et La Moskowa. Marc-Pierre Huot de Goncourt : à La Moskowa. Laloy : dans une île du Danemark. Lemoyne : à Ulm et Austerlitz.
A contrario, l’Histoire retiendra – à tort ou à raison - deux noms de Haut-Marnais comme les symboles de l’infamie lors des événements d’avril 1814 : Cendrecourt, aide de camp du général Marulaz, qui aurait adressé des signaux à l’ennemi lors du blocus de Besançon, et Denys de Damrémont, qui signa la capitulation du 6e corps.
A noter encore que, parmi les aides de camp haut-marnais, deux frères ont rempli cette fonction : Marc-Pierre et Pierre-Victor Huot de Goncourt, de Bourmont, le premier attaché au général Roussel d’Hurbal à 25 ans, le second au général Pouget.
Que le bourg de Bourmont (tout comme Langres) est le lieu de naissance de trois aides de camp, que Chaumont a été la patrie de cinq titulaires de cette fonction, et que chacun des petits villages d’Aprey et de Pouilly-sur-Meuse en a vu naître deux.
Que sept aides de camp sur 31 viennent de l’arme de l’artillerie.
Que l’officier parvenu le plus âgé à cette fonction est Baptault (41 ans), le plus jeune Martin de Beurnonville (20 ans).
Que Denys de Damrémont a pratiquement traversé tout l’Empire en qualité aide de camp (de 1807 à 1814).
Et qu’enfin cette fonction a, pour plus de la moitié d’entre eux, marqué une étape importante, si ce n’est déterminante, dans la carrière militaire : avant la fin de l’Empire, Berthemy sera général (napolitain), Denys, Lemoyne et Martin, colonels, Baptault, Cournault, Doré de Brouville, d’Esclaibes d’Hust, de Failly, Guillaume, Marc-Pierre Huot de Goncourt, Jannot de Moncey, Laloy, Maillard de Liscourt, de Montarby, Popon, Symon de Latreiche, majors, chefs de bataillon ou d’escadron.
Les aides de camp haut-marnais
Baptault Nicolas-Denis, né en Saône-et-Loire en 1769, membre de la Légion d’honneur, capitaine au 12e léger, aide de camp du général Offenstein (1810), qui commande le département de la Haute-Marne. Sera colonel du 1er régiment de la Haute-Marne (1813-1814). Etabli ensuite à Chaumont où il meurt.
Berthemy Pierre-Augustin, né à Montier-en-Der en 1778, sous-lieutenant au 8e de cavalerie (1801), aide de camp du général d’Hautpoul, blessé à Austerlitz, à Eylau. Capitaine (1807), officier d’ordonnance de Napoléon (1807-1810). Major, aide de camp du maréchal Murat (1812). Colonel (1812), blessé à La Moskowa, puis maréchal de camp napolitain (1813).
Berthel Jean, né à Goncourt en 1774, capitaine au 105e de ligne, aide de camp lui aussi du général Offenstein (février 1814).
Cournault Henry, né à Langres en 1783, capitaine du génie, aide de camp du général Kirgener (1811-1813), jusqu’à la mort de celui-ci. Sera colonel.
Doré de Brouville Henry, né à Buxières-lès-Froncles en 1774, capitaine de gendarmerie, aide de camp du maréchal Moncey (1810). Sera chef d’escadron – et major à titre provisoire - au 4e régiment de gardes d’honneur.
Cendrecourt (Richard de) Philippe-Henri, né à Pouilly-sur-Meuse en 1772, lieutenant, aide de camp du maréchal Kellermann (an XIV). Capitaine, aide de camp du général Marulaz (1809). Considéré comme « le » traître de la place de Besançon (1814).
Denys (de Damrémont) Charles, né à Chaumont en 1783, lieutenant, aide de camp du général Defrance, en 1807, puis à partir de la même année du maréchal Marmont auquel il sera attaché jusqu’au grade de colonel (1813) et à la capitulation de Paris. Tué comme général en Algérie.
Esclaibes d’Hust Louis-Auguste, né à Echenay en 1783, lieutenant d’artillerie, aide de camp du général Vallée (1809) en Espagne. Sera chef d’escadron, puis colonel en Algérie.
Failly (de) Charles-Armand, né dans la Meuse en 1780, Bragard par son mariage, capitaine d’artillerie, aide de camp du général d’Anthouard (1811), son cousin. Futur député de la Haute-Marne.
Germay (de) Louis-Jean, originaire de Suzannecourt, lieutenant d’infanterie, aide de camp du général Menard (1813), puis capitaine.
Guerin Claude-Joseph, né à Morlaix (Finistère) en 1788, domicilié à Saint-Dizier, rejoint le général Pelletier (dont il serait le cousin) en Pologne. Lieutenant, aide de camp de Pelletier en Russie, et durant les Cent-Jours (comme capitaine).
Guillaume Henry, né à Chaumont en 1786, capitaine de cavalerie, aide de camp du général Curial (1809). Sera major de dragons puis de cuirassiers.
Huin Martin-Hyacinthe, né à Andelot en 1778, capitaine, aide de camp du général Thévenot (février 1814) dont il connaissait la famille.
Huot de Goncourt Marc-Pierre, né à Bourmont en 1787, capitaine d’infanterie, aide de camp du général de cavalerie Roussel d’Hurbal de 1812 à 1815. Promu entre-temps chef d’escadron. Blessé à La Moskowa. Père des frères Goncourt.
Huot Pierre-Victor, né à Bourmont en 1783, frère du précédent, capitaine d’artillerie, bref aide de camp du général Pouget (1809). Quittera l’armée en 1811.
Jobert Etienne-Nicolas, né à Pressigny en 1778, capitaine d’infanterie retraité, commissionné aide de camp début 1814 (nous ignorons auprès de quel officier il était attaché).
Laloy Pierre-François-Christophe, né à Chaumont en 1786, fils de député régicide, sous-lieutenant d’infanterie, attaché au général Fririon en 1808, blessé dans une île du Danemark la même année, aide de camp du général d’Hastrel (1809) puis, capitaine, aide de camp du maréchal Davout (1812-1815). Entre-temps promu chef de bataillon.
Lavilette Claude-Etienne, né à Langres en 1779, sous-lieutenant d’artillerie, aide de camp du général Lariboisière, en 1806. Meurt en Russie comme capitaine de l’artillerie de la Garde.
Lemoyne Hilaire, né à Chaumont en 1771, officier de cavalerie, aide de camp de plusieurs généraux sous la Révolution. Chef d’escadron, aide de camp du général Bourcier, blessé à Ulm et Austerlitz. Sera colonel de chasseurs à cheval.
Le Petit de Brauvilliers Jules, né à Saint-Dizier en 1791, lieutenant, aide de camp du général Curial (1813), puis capitaine, aide de camp du général Briche (février 1815). Sera chef d’escadron sous la Restauration.
Leveling Hartman, né à Coblentz en 1787, capitaine, aide de camp du général Beurmann, en 1813. Vivra à Bourbonne-les-Bains.
Loyal Antoine, né à Aprey en 1775, capitaine d’infanterie, aide de camp du général Gruardet, en 1813.
Maillard de Liscourt Louis-Edouard, né à Langres en 1778, lieutenant en second d’artillerie (1804), aide de camp du général Faultrier, futur major (1813).
Martin (de Beurnonville) Etienne, né à Laferté-sur-Aube en 1789, lieutenant d’infanterie, aide de camp du général Macdonald (1809-1813), puis capitaine (1810). Sera promu colonel d’infanterie en 1813 à 24 ans, puis général sous la Restauration.
Moncey (Jannot de) Claude-François, né à Besançon en 1752, domicilié à Longeville-sur-la-Laines, chef d’escadron de gendarmerie, aide de camp de son frère le maréchal (an X).
Montarby (de) Jean-Antoine, né à Dampierre en 1780, lieutenant de cavalerie, aide de camp du général Maupetit (1807). Sera capitaine (rang de chef d’escadrons) de dragons de la Garde.
Ollivier Jean-Baptiste-Victor, né à Aprey en 1790, lieutenant du génie, aide de camp du général Sarrut en Espagne. Terminera sa carrière comme colonel.
Plivard Jean-Baptiste, né à Langres en 1789, capitaine d’artillerie, aide de camp du général Tirlet, en 1814.
Popon Jean-Mathurin, né à Paris en 1781, officier d’infanterie, capitaine, aide de camp d’un général (non identifié), en 1813. Sera chef de bataillon et vivra à Nogent puis à Meuvy.
Ruaut Joseph-Antoine, originaire de Pouilly-en-Bassigny, capitaine (1814), aide de camp du général Picard, en 1815.
Symon de Latreiche Charles-Guillaume-Fortuné, né à Bourmont en 1774, capitaine, aide de camp du maréchal Kellermann, en 1808. Servira plus tard dans l’entourage du maréchal Berthier puis dans l’état-major du maréchal Marmont, comme chef de bataillon (et peut-être comme major).
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