Fils de François, Joseph Armand naît le 24 mai 1772 à Taulignan, dans la Drôme (arrondissement de Montélimar). A 19 ans, il entre en service comme soldat au 12e régiment d’infanterie légère le 1er janvier 1791. Jusqu’en 1799, il va servir continuellement dans les Alpes et en Italie, passant successivement caporal en 1793, sergent en 1795, enfin sous-lieutenant le 29 juillet 1797. Présent au siège de Mantoue, à la bataille de Rivoli, il a été blessé d’un coup de feu à la jambe droite à Castiglione.
Armand, qui passe lieutenant le 30 janvier 1799, s’est encore distingué dans les Grisons, puis se bat à Zurich. Il est capitaine le 9 mars 1800. Plusieurs Haut-Marnais servent alors comme officiers dans la 12e demi-brigade légère, comme le lieutenant Nicolas Baptault (un Bourguignon qui se fixera à Chaumont), le capitaine de Susleau de Malroy (bientôt retraité malgré son jeune âge) et le lieutenant Hubert-Jean-Baptiste Devaux (ce Chaumontais perd l’œil droit au passage du Mincio et sera mis à la retraite en l’an XIII), tous deux issus du 1er bataillon auxiliaire de la Haute-Marne.
Armand est bien toujours capitaine de carabiniers – et non chef de bataillon depuis le 5 juillet 1803, comme le stipule son dossier de légionnaire - lorsqu’il s’illustre lors de la campagne de Pologne. Sous les ordres du maréchal Lefebvre (le 12e léger du colonel Jeannin sert dans la brigade Dufour de la division Michaud), il participe à la prise de Grisvalde (sic - 27 janvier 1807), au siège de Stralsund, mais selon ses déclarations, c’est surtout lors du siège de Dantzig qu’il fait preuve de bravoure : à la tête d’un détachement de 110 hommes du 2e bataillon, Armand pénètre dans plusieurs redoutes, notamment celle défendue par douze pièces de canon, dans la nuit du 6 au 7 mai 1807. Une action qui lui vaut d’être fait chevalier de la Légion d’honneur le 10 mai 1807, puis officier le 3 juin.
Il convient, à ce stade du récit, de se poser cette question. Un autre régiment léger, le 2e, se bat aussi à Dantzig, et dans ses rangs sert un homonyme, le chef de bataillon – et futur colonel - Claude-Joseph Armand (originaire de l’Ain), à qui ses biographes attribuent une action d’éclat lors de ce siège. Y a-t-il eu deux officiers d’infanterie légère nommés Armand à s’être distingués sur les bords de la Baltique ? Y a-t-il confusion entre les deux ?
Ce qui est certain, c’est que c’est bien notre homme qui se bat comme un lion avec le 12e léger à Heilsberg, le 10 juin 1807, dans la redoute du centre, récoltant pas moins de neuf blessures : un coup de feu à l’épaule, un éclat d’obus au-dessus de l’œil gauche, trois coups de biscaien à la tête, deux au côté gauche, un au bras gauche, deux coups de crosse de fusil à la jambe droite ! Laissé pour mort, il est fait prisonnier jusqu’à la paix de Tilsitt.
A partir de 1808 (jusqu’en 1811), le Dauphinois sert en Espagne, commandant, l’année suivante, le II/12e léger. Il se bat à Talavera, à Almonacid, au passage de la Siera Morena (21 janvier 1809), bousculant avec son bataillon 5 000 Espagnols défendant un pont (il fait 50 prisonniers). Il reçoit encore une blessure – une balle à l’avant-bras gauche – à la bataille d’Albuhéra, le 16 mai 1811.
Promu major en second le 9 août 1812, Joseph Armand est nommé major (lieutenant-colone) du 23e léger le 28 mai 1813.
Le souci de guérir ses blessures l’a-t-il amené à séjourner à Bourbonne-les-Bains ? Nous le pensons. Il est déjà chevalier d’Empire lorsqu’il se marie en effet dans la cité thermale, le 1er septembre 1813, avec Jeanne-Françoise Thomas-Derevoye. Le capitaine Etienne Jalabert, du 23e léger, assiste à cette union.
C’est à Bourbonne que le major Armand, qui est passé le 5 août 1814 au 15e, choisit de se retirer.
Mais le nouveau régime veille. Armand est, avec Charles Mercier, l’un des deux officiers supérieurs bourbonnais, tous deux chevaliers d’Empire d’ailleurs, dans le collimateur de la préfecture. « On observe, peut-on lire dans une note de 1816 transmise au gouvernement, que le sieur Mercier, qui fait sa résidence à Bourbonne, y voit beaucoup M. Armand, ex commandant au 22e de ligne (Ndlr : en fait au 12e puis au 23e léger), retiré aujourd’hui dans cette ville où il est remarqué par ses mauvaises opinions, et malgré que le major Mercier affecte depuis environ deux mois de mettre quelque réserve dans ses discours, on lui a entendu tenir, de concert avec le sieur Armand ces jours derniers, des propos très insultants contre la famille royale. » Y a-t-il eu des sanctions judiciaires contre ces deux hommes ? Nous n’en avons pas trouvé trace – Mercier (qui a repris du service comme lieutenant-colonel durant la Monarchie de Juillet) meurt en 1836, et Armand le 4 octobre 1845, à l’âge de 73 ans.
Sources : base Léonore ; Archives départementales de la Haute-Marne.
jeudi 8 octobre 2009
mardi 6 octobre 2009
Félix Guyardin, un demi-solde sous surveillance
A 25 ans, Nicolas-Marie Guyardin est, déjà, officier supérieur. Une belle carrière se profile donc encore pour ce jeune homme, usuellement prénommé Félix, né à Langres le 12 octobre 1787. Sauf que les Bourbon qui lui ont donné la croix de Saint-Louis ne lui pardonneront jamais son ralliement à l’Usurpateur durant les Cent-Jours…
Comme le Chaumontais Laloy, comme les frères bourbonnais Chaudron-Rousseau, Guyardin est un fils de « régicide » – surnom de ces députés qui ont voté la mort du roi Louis XVI – qui a choisi le métier des armes. En février 1804, il intègre la jeune école spéciale militaire de Fontainebleau, dont il sort pour être nommé sous-lieutenant le 14 septembre 1805 et affecté au 103e de ligne. Un corps commandé par le colonel Taupin qui se bat à Iéna (le nom figure sur son drapeau), en Espagne. En 1809, Guyardin est déjà passé lieutenant (le 22 décembre 1806), au sein du 103e désormais commandé par un Haut-Marnais, le Wasseyen Rignoux.
Il est promu capitaine le 11 juillet 1810, puis chef de bataillon, le 1er mai 1813, au 43e de ligne, avant de rejoindre un mois plus tard l'état-major général. Ayant servi de 1809 à 1812 dans la péninsule, il prend part à la Campagne de Saxe et est fait chevalier de la Légion d'honneur le 19 novembre 1813. Si l’on s’en réfère aux travaux de Martinien, il n’est pas blessé durant les campagnes impériales.
Il est qualifié de chef d’escadron lorsqu’il est fait chevalier de Saint-Louis, le 16 janvier 1815. « Il feignait (sic) alors du dévouement pour les Bourbons, écrira plus tard le préfet de la Haute-Marne. Mais il s'est démenti avec tant d'éclat en 1815 et a montré une haine si violente qu'il ne saurait en revenir. » Traduction : le Langrois s’est rallié à Napoléon. Officier d’état-major, c’est lui qui porte un fameux ordre du maréchal Soult, major-général de l’armée du Nord (engagée en Belgique), destiné au général Vandamme, commandant du 3e corps, le 16 juin 1815. Le lendemain, si l’on s’en réfère aux travaux de Pierre de Wit sur la campagne de Belgique, il est officiellement présenté comme le sous chef de l’état-major de ce même corps, en lieu et place de l’adjudant-commandant Trezel, qui vient d’être blessé à Ligny. Un 3e corps qui ne se bat pas à Waterloo mais qui suit le destin des troupes placées sous les ordres du maréchal de Grouchy.
Le retour des Bourbon sur le trône de France signifie la fin de la carrière de Guyardin. Fin 1815, il est qualifié de chef de bataillon d’état-major en demi-solde, retiré à Choilley, près de Prauthoy, berceau des Guyardin (tandis que son père, forcé à l’exil, a dû s’établir en Suisse, accompagné de son épouse et d’une fille). Il y est notamment présent en 1818 lors du mariage d’un ami, le capitaine Couroux.
Mais le nouveau régime, servi par ceux là-mêmes qui ont été mis en place par le précédent (Napoléon), veille. Voici ce que le sous-préfet de Langres écrit en 1821 au préfet à propos des voyages des demi-solde de son arrondissement (il y en a 76, sur 100 officiers en demi-solde ou en non-activité). « Quel que soient au fond leurs sentiments, ils n'en manifestent pas de coupables... Il en est un qui fait notoirement exception. Je suis forcé de le nommer. C'est M. Guyardin, chef de bataillon en non activité. Sa résidence est à Choilley. Il n'y est jamais. Il se trouve dans tous les lieux où la légitimité est menacée. On a de lui l'opinion qu'il est agent, et c'en est un très actif, du Comité directeur (sic)..." Quelques jours plus tard, le préfet n'hésite pas à signaler le cas Guyardin au maréchal Victor, qui vient d'être nommé commandant des 6e, 7e, 18e et 19e divisions : « Cet officier, fils d'un régicide, avait reçu pendant la Première Restauration la croix de Saint-Louis et, je crois, celle d'officier de la Légion d'honneur… Mais je crains beaucoup que les menées secrettes (sic) ne soient pas moins hostiles que les discours. Quoique fort peu riche, il voyage sans cesse. Il était à Paris le premier jour de juin (1820). On le connaît à Lyon, à Grenoble et dans le Piémont... On ne peut pas douter qu'il ne soit l'agent d'une faction. Je l'ai, depuis longtemps, signalé à M. le directeur général de la Police ».Guyardin a-t-il été poursuivi pour ces « menées secrètes » ? Nous l’ignorons. Selon son dossier de la Légion d'honneur, il meurt le 10 mars 1827, à 40 ans, sans héritier (si ce n'est sa soeur, qui réside à Sens). Nous n'avions pas retrouvé son lieu de décès, jusqu'à ce que récemment, Mme Marie-Claude Finot, qui a étudié les familles de Choilley et Dardenay, nous apporte la réponse. L'officier, nous écrit-elle, est décédé "en la maison de santé des docteurs, rue du Bois à Vanves en laquelle il s'était retiré pour cause de maladie. Quelques années auparavant, lui et sa soeur (mariée au capitaine Hérard) avaient vendu aux communes de Choilley et de Dardenay la maison héritée de leur père. Ladite maison est devenue ainsi le presbytère du village (pendant presque un siècle et demi)". Autre question : l’officier a-t-il été promu, ne serait-ce que provisoirement, lieutenant-colonel durant les Cent-Jours ? Nous pouvons le penser. Il est en effet invariablement présenté comme chef de bataillon ou lieutenant-colonel dans les travaux de Pierre de Wit, et c’est avec second grade qu’il apparaît lors du mariage du capitaine Couroux (ancêtre du sénateur Charles Guené).
A noter que son frère aîné, Emile, Polytechnicien, lieutenant d'artillerie, a été tué en Espagne.
Comme le Chaumontais Laloy, comme les frères bourbonnais Chaudron-Rousseau, Guyardin est un fils de « régicide » – surnom de ces députés qui ont voté la mort du roi Louis XVI – qui a choisi le métier des armes. En février 1804, il intègre la jeune école spéciale militaire de Fontainebleau, dont il sort pour être nommé sous-lieutenant le 14 septembre 1805 et affecté au 103e de ligne. Un corps commandé par le colonel Taupin qui se bat à Iéna (le nom figure sur son drapeau), en Espagne. En 1809, Guyardin est déjà passé lieutenant (le 22 décembre 1806), au sein du 103e désormais commandé par un Haut-Marnais, le Wasseyen Rignoux.
Il est promu capitaine le 11 juillet 1810, puis chef de bataillon, le 1er mai 1813, au 43e de ligne, avant de rejoindre un mois plus tard l'état-major général. Ayant servi de 1809 à 1812 dans la péninsule, il prend part à la Campagne de Saxe et est fait chevalier de la Légion d'honneur le 19 novembre 1813. Si l’on s’en réfère aux travaux de Martinien, il n’est pas blessé durant les campagnes impériales.
Il est qualifié de chef d’escadron lorsqu’il est fait chevalier de Saint-Louis, le 16 janvier 1815. « Il feignait (sic) alors du dévouement pour les Bourbons, écrira plus tard le préfet de la Haute-Marne. Mais il s'est démenti avec tant d'éclat en 1815 et a montré une haine si violente qu'il ne saurait en revenir. » Traduction : le Langrois s’est rallié à Napoléon. Officier d’état-major, c’est lui qui porte un fameux ordre du maréchal Soult, major-général de l’armée du Nord (engagée en Belgique), destiné au général Vandamme, commandant du 3e corps, le 16 juin 1815. Le lendemain, si l’on s’en réfère aux travaux de Pierre de Wit sur la campagne de Belgique, il est officiellement présenté comme le sous chef de l’état-major de ce même corps, en lieu et place de l’adjudant-commandant Trezel, qui vient d’être blessé à Ligny. Un 3e corps qui ne se bat pas à Waterloo mais qui suit le destin des troupes placées sous les ordres du maréchal de Grouchy.
Le retour des Bourbon sur le trône de France signifie la fin de la carrière de Guyardin. Fin 1815, il est qualifié de chef de bataillon d’état-major en demi-solde, retiré à Choilley, près de Prauthoy, berceau des Guyardin (tandis que son père, forcé à l’exil, a dû s’établir en Suisse, accompagné de son épouse et d’une fille). Il y est notamment présent en 1818 lors du mariage d’un ami, le capitaine Couroux.
Mais le nouveau régime, servi par ceux là-mêmes qui ont été mis en place par le précédent (Napoléon), veille. Voici ce que le sous-préfet de Langres écrit en 1821 au préfet à propos des voyages des demi-solde de son arrondissement (il y en a 76, sur 100 officiers en demi-solde ou en non-activité). « Quel que soient au fond leurs sentiments, ils n'en manifestent pas de coupables... Il en est un qui fait notoirement exception. Je suis forcé de le nommer. C'est M. Guyardin, chef de bataillon en non activité. Sa résidence est à Choilley. Il n'y est jamais. Il se trouve dans tous les lieux où la légitimité est menacée. On a de lui l'opinion qu'il est agent, et c'en est un très actif, du Comité directeur (sic)..." Quelques jours plus tard, le préfet n'hésite pas à signaler le cas Guyardin au maréchal Victor, qui vient d'être nommé commandant des 6e, 7e, 18e et 19e divisions : « Cet officier, fils d'un régicide, avait reçu pendant la Première Restauration la croix de Saint-Louis et, je crois, celle d'officier de la Légion d'honneur… Mais je crains beaucoup que les menées secrettes (sic) ne soient pas moins hostiles que les discours. Quoique fort peu riche, il voyage sans cesse. Il était à Paris le premier jour de juin (1820). On le connaît à Lyon, à Grenoble et dans le Piémont... On ne peut pas douter qu'il ne soit l'agent d'une faction. Je l'ai, depuis longtemps, signalé à M. le directeur général de la Police ».Guyardin a-t-il été poursuivi pour ces « menées secrètes » ? Nous l’ignorons. Selon son dossier de la Légion d'honneur, il meurt le 10 mars 1827, à 40 ans, sans héritier (si ce n'est sa soeur, qui réside à Sens). Nous n'avions pas retrouvé son lieu de décès, jusqu'à ce que récemment, Mme Marie-Claude Finot, qui a étudié les familles de Choilley et Dardenay, nous apporte la réponse. L'officier, nous écrit-elle, est décédé "en la maison de santé des docteurs, rue du Bois à Vanves en laquelle il s'était retiré pour cause de maladie. Quelques années auparavant, lui et sa soeur (mariée au capitaine Hérard) avaient vendu aux communes de Choilley et de Dardenay la maison héritée de leur père. Ladite maison est devenue ainsi le presbytère du village (pendant presque un siècle et demi)". Autre question : l’officier a-t-il été promu, ne serait-ce que provisoirement, lieutenant-colonel durant les Cent-Jours ? Nous pouvons le penser. Il est en effet invariablement présenté comme chef de bataillon ou lieutenant-colonel dans les travaux de Pierre de Wit, et c’est avec second grade qu’il apparaît lors du mariage du capitaine Couroux (ancêtre du sénateur Charles Guené).
A noter que son frère aîné, Emile, Polytechnicien, lieutenant d'artillerie, a été tué en Espagne.
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