dimanche 12 octobre 2008

Fratries d'officiers (2) : les Mercier

Un autre exemple de fratrie avéré : celle des trois frères Mercier, de Bourbonne-les-Bains. Le père, Nicolas, est boulanger, la mère s’appelle Jeanne-Marie Maupin.

L’aîné, Jean-Claude, voit le jour (et est baptisé) le 27 février 1769 dans la cité thermale. Comme Hoche, il sert au moment de la Révolution dans les Gardes françaises, puis dans la garde de Paris, avant de rejoindre, en 1792, comme capitaine, le 1er bataillon des volontaires de la Liberté. Sa carrière est fulgurante : chef de bataillon en juin 1792, chef de brigade en octobre 1794 – il a 25 ans, il prend le commandement de la 72e demi-brigade d’infanterie de ligne (dite de deuxième formation) en 1796. Il se bat en Hollande, lorsqu’il est mortellement blessé, le 10 vendémiaire an VIII (septembre 1799), lors de la bataille de Bergen (remportée par l’armée du Nord du général Brune contre les Anglo-Russes). Dans sa correspondance, le général Vandamme rapporte la grave blessure du « brave » chef de brigade Mercier, qui aurait été promu général de brigade sur le champ de bataille, selon certaines sources – mais Georges Six ne le recense pas dans son dictionnaire. Le Bourbonnais succombe quatre jours plus tard… A noter que celui qui le remplacera à la tête de la 72e se nomme également Mercier, mais lui est Ardennais...

Deux frères de Jean-Claude Mercier ont servi dans cette même 72e demi-brigade. D’abord Charles-Antoine, né à Bourbonne le 29 janvier 1772. A 19 ans, il est élu lieutenant au 1er bataillon de volontaires de la Haute-Marne. L’homme est brave : il est blessé près de Menin (1793) et à Sprimont (1794). Avec son bataillon, il passe dans la 85e demi-brigade, puis il rejoint son frère Jean-Claude à la 72e. Capitaine (1796), officier de grenadiers, il se marie en l’an VII dans sa ville natale – mais divorcera rapidement. Après 1800, sa carrière s’oriente vers le commandement des places : il est en poste à Cherbourg, puis obtient la responsabilité de Saint-Quentin (Aisne) en 1809, avant de recevoir celle du fort Saint-André et d’être retraité en 1810. Nous ignorons le lieu et la date de son décès.

Il semble que Pierre-Gérard Jacquot ait commis une – rare – erreur en indiquant, dans sa thèse sur les bataillons de volontaires nationaux de la Haute-Marne, que Charles-Antoine servait comme capitaine dans la Garde et qu’il était membre de la Légion d’honneur. Il y a visiblement confusion avec un autre frère, Charles-Nicolas, né à Bourbonne le 3 avril 1781. Lui aussi rejoint la demi-brigade commandée par Jean-Claude, en 1797 (il a 16 ans). Deux ans plus tard, il est sous-lieutenant, puis lieutenant en 1800. Privilège : Mercier va rejoindre la prestigieuse Garde impériale. En 1811, il est identifié comme capitaine de la 3e compagnie du 1er bataillon du 2e régiment de tirailleurs. Il est alors membre de la Légion d’honneur, et surtout chevalier d’Empire (depuis le 9 mai 1811). Il est toujours capitaine lorsqu’il est blessé à Lutzen (2 mai 1813), dans les rangs du prestigieux 1er régiment de grenadiers à pied de la Garde (à la tête de la 4e compagnie du 1er bataillon). Il passe la même année chef de bataillon au 10e régiment de tirailleurs de la Garde, puis, sous la Restauration, il sert successivement au 43e puis au 3e de ligne, comme major. Chevalier de Saint-Louis le 26 août 1814, il se rallie aux Cent-Jours. Selon Richard Darnault, il aurait été muté au 5e régiment étranger mis sur pied à Amiens avec des déserteurs belges, sous les ordres du colonel Douarche, et selon Pierre G. Jacquot, il servait plutôt au 7e régiment de tirailleurs de la Garde, avant d’être licencié en septembre 1815. Mercier, qui avait été blessé à la jambe droite à Friedland (1807), à la cuisse gauche à Eckmühl (1809), se retire à Bourbonne.

Cette ville où résident de nombreux officiers des armées impériales fait l’objet d’une surveillance particulière de la part des autorités publiques. Le sous-préfet de Langres n’a-t-il pas dénoncé au préfet le « mauvais esprit » soufflant sur la cité, insufflé selon lui par un certain colonel Lacroix, fils d’un ancien préfet des Bouches-du-Rhône, qui y a « séjourné tout le printemps et l’été » 1815 ? En fait, Charles-Henri Delacroix (Paris 1779 – Bordeaux 1845), effectivement fils d’un préfet à Marseille, frère du fameux peintre Eugène Delacroix, colonel du 9e chasseurs à cheval sous l’Empire et aide de camp du prince Eugène de Beauharnais.
Les cas qui préoccupent particulièrement les représentants du roi, ce sont ceux de deux majors, chevaliers d’Empire d’ailleurs : Joseph Armand, né à Taulignan (Drôme) en 1772, major du 12e puis du 23e léger, établi à Bourbonne où il s’est marié en 1813 (il y meurt en 1845), et Mercier. « On observe, peut-on lire dans une note préfectorale transmise au gouvernement, que le sieur Mercier, qui fait sa résidence à Bourbonne, y voit beaucoup M. Armand, ex commandant au 22e de ligne (sic), retiré aujourd’hui dans cette ville où il est remarqué par ses mauvaises opinions, et malgré que le major Mercier affecte depuis environ deux mois de mettre quelque réserve dans ses discours, on lui a entendu tenir, de concert avec le sieur Armand ces jours derniers, des propos très insultants contre la famille royale. »
Ce qui ne l'empêchera pas de reprendre du service, comme lieutenant-colonel, au sein du 63e régiment d'infanterie de ligne à Clermont-Ferrand, en 1824, en compagnie d'autres officiers supérieurs haut-marnais (son compatriote et conscrit bourbonnais François-Armand Mongin-Forcelle, chef de bataillon, Jean Naudet, de Hortes, major).
Resté célibataire, Charles-Nicolas Mercier décédera dans sa ville natale le 30 juin 1836, à seulement 55 ans.