lundi 9 avril 2018

La vie haut-marnaise et auboise du sergent Fricasse




«Je suis né le 13 du mois de février 1773, dans le village nommé Autreville, à deux lieues de Chaumont en Bassigny, chef-lieu du département de la Haute-Marne. Je suis fils légitime de Nicolas Fricasse, jardinier, et d'Anne Corniot, de la dite paroisse.» Ainsi commence le journal de marche du sergent Jacques Fricasse, «publié pour la première fois par Lorédan Larchey d'après le manuscrit original» en 1882.
Il s'agit du plus célèbre témoignage provenant d'un volontaire de la République, à tel point que des manuels scolaires en reproduiront des extraits. Grâce à ce récit, le parcours militaire de Jacques Fricasse, entre 1792 et 1800, est bien connu. Il n'en est pas de même pour sa vie civile. Lorédan Larchey, qui tenait ce journal de Jules de Forge, de Vesoul, ne souffle mot de son destin dans son propos introductif. C'est cet aspect que nous aborderons ici.

Le berceau paternel du soldat se situe dans les Vosges. Le grand-père, Claude Fricasse (ou Frigasse), était domicilié à Jubainville, près de Neufchâteau. Le père, Nicolas, exerçait la profession de jardinier à Autreville-sur-la-Renne, et c'est dans ce village, le 9 avril 1771, qu'il a pris pour épouse Anne Cornuot, fille d'un vigneron. Jacques est leur deuxième enfant. Une fille, Jeanne (mariée en 1796 à Longchamp-sur-Aujon avec Charles Choquet), est née en effet à Autreville le 3 février 1772. Un autre fils, Jean, verra le jour dans ce village le 24 mars 1775 à Autreville, puis deux garçons à Juzennecourt, en 1776 et 1778.

En effet, alors que Jacques est très jeune, Nicolas Fricasse part travailler comme jardinier auprès du seigneur de Juzennecourt. «C'est dans cet endroit que j'ai été élevé et que mes parents m'ont appris à connaître ce que devait savoir un honnête homme», écrira le futur sous-officier. Puis le père s'en va cultiver les jardins des Bernardins de Clairvaux, où son fils s'instruit.

Lorsque la Révolution éclate, Jacques, qui n'a que 16 ans, est au service du marquis de Messey, officier seigneur de Braux-le-Châtel, puis à celui de Quilliard, commandant la garde nationale du canton de Châteauvillain (devenu Ville-sur-Aujon). C'est à l'appel de celui-ci qu'il se porte volontaire en août 1792 pour rejoindre le Bataillon Biron, 3e bataillon de volontaires nationaux de la Haute-Marne. Durant le séjour de l'unité dans la région de Wassy où elle s'organise, Fricasse est nommé caporal au sein de la 6e compagnie du capitaine Lemoine. Le 12 avril 1793, tous font mouvement pour Metz puis l'armée du Nord. Ainsi commence sa période militaire...

Devenu sergent dans la 3e demi-brigade d'infanterie de ligne (après être passé par la 127e), le Haut-Marnais ne reverra sa Champagne natale qu'en 1799 ! Il venait d'être blessé d'une balle à l'avant-bras gauche lors de la bataille de Lecco, en Italie. Entre-temps, sa famille s'est installée à Longchamp-sur-Aujon, premier village aubois après la Haute-Marne, et lorsque le sous-officier reprend le chemin du retour vers son régiment, le 7 novembre 1799 (après avoir assuré l'instruction de conscrits haut-marnais à Chaumont), c'est accompagné de son frère Jean. Celui-ci «avait quitté le 9e chasseurs à cheval, pour venir prendre du service dans la 3e demi-brigade de ligne qui était en ce moment en Italie.» Mesurant 1,76 m, le cadet sera en effet incorporé dans la 3e demi-brigade d'infanterie de ligne le 22 décembre 1799 (il sera versé au 25e régiment par ordre du ministre de la Guerre en 1811).

Le sergent Fricasse ne restera pas longtemps sous l'uniforme. Le 27 septembre 1800, il est renvoyé dans ses foyers, et revient à Longchamp-sur-Aujon le 20 octobre. Il s'y établit comme jardinier.
Le 10 avril 1801, Jacques Fricasse se marie avec Anne Loillet, née à Ville-sous-La-Ferté, demeurant à Outre-Aube. Quelques jours plus tard, le 7 mai, sa mère Anne Cornuot décède à Longchamp.

L'ancien sous-officier deviendra garde forestier, à Longchamp, puis, veuf, domicilié à la ferme d'Outre-Aube, il se remariera le 11 janvier 1813 à Maranville, en Haute-Marne, avec Edmée Jeudy, de quatorze ans sa cadette.

Ensuite, son métier l'amène à Baroville, près de Bayel, et c'est dans ce village qu'il décède le 23 mai 1833, à l'âge de 60 ans. Il ne semble pas avoir eu de descendance.

Sources : Journal de marche du sergent Jacques Fricasse ; registres paroissiaux et d'état civil de la Haute-Marne et de l'Aube.