mercredi 30 décembre 2015

Un héros de Valoutina (1812) : le lieutenant Etienne

(Dessin signé Frédéric Berjaud, auteur de l'excellent blog consacré aux soldats de la Grande Armée). 

 Dainville-Bertheléville est aujourd'hui une commune de la Meuse. Très proche de la Haute-Marne, elle a même fait partie, durant la Révolution, de ce département. C'est ici qu'a vu le jour, alors que le village se nommait Dainville-aux-Forges, le 14 novembre 1776, Théodore Etienne, fils de François Etienne et de Marie-Anne Bourlier. Une famille qui va s'établir à Roches-sur-Rognon, où le père exerce la profession de forgeron, puis à Ecôt-la-Combe. Contrairement à ce qu'indique le registre des matricules des soldats de la 12e demi-brigade d'infanterie de ligne, Théodore Etienne n'est donc pas né à Roches, village proche de Doulaincourt, mais il y est domicilié, lorsqu'il rejoint comme fusilier, avec son compatriote Louis Fayolle, la 2e compagnie du 1er bataillon auxiliaire de la Haute-Marne, à 23 ans. C'est toujours avec Fayolle (futur sergent) qu'il est incorporé dans la 12e demi-brigade, le 10 juin 1800, où il devient successivement caporal (1803) puis sergent (1806), ceci après avoir été blessé d'un coup de feu à Iéna. A nouveau touché le 25 décembre de la même année, Etienne est nommé sous-lieutenant (8 juin 1809), à 33 ans. 
Lieutenant (28 décembre 1810), il s'illustre le 19 août 1812 lors de la bataille de Valoutina, à l'occasion d'une des premières affaires de la Campagne de Russie. Durant cette bataille qui voit le général de division Gudin tomber pour la France, Etienne, alors officier au 2e bataillon, blesse de plusieurs coups de sabre le général de brigade russe Toutchkow, frère de deux autres généraux, qu'il capture. Pour ce fait d'armes, le Haut-Marnais est promu capitaine et fait – comme son compatriote Vacherot - membre de la Légion d'honneur, le 20 août 1812. Etienne se distingue encore à La Moskowa, le 7 septembre 1812, en étant un des premiers entrés dans la fameuse grande redoute (où il aurait été blessé). Touché à nouveau le 5 novembre durant la retraite, puis le 14 septembre 1813 à Peterswald (quelques semaines auparavant, il a été fait officier de la Légion d'honneur), il est capturé le 11 novembre 1813 à Dresde et ne rentre en France qu'en juin 1814. 
 Capitaine au 29e régiment d'infanterie de ligne (ex-Légion du Nord) sous la Restauration, Etienne est promu chef de bataillon et cesse de servir fin 1831. Il était l'époux, depuis 1822, de Caroline-Virginie Labitte, originaire de Paris. Théodore Etienne décède à Saint-Germain-en-Laye le 11 avril 1837, à 61 ans.

mardi 8 décembre 2015

Le capitaine Férand et le siège de Saragosse

Pierre-Charles Férand voit le jour à Saint-Dizier le 16 mai 1782. Son père, Etienne, était, sous l'Ancien Régime, conseiller du roi, lieutenant particulier au bailliage et lieutenant général de police dans la cité bragarde.
Le jeune homme est domicilié à Moëslains lorsqu'il est incorporé le 26 février 1804 au 14e régiment d'infanterie de ligne, le régiment des conscrits haut-marnais. Caporal (15 juillet 1804), fourrier (21 février 1805), le Bragard est blessé à Austerlitz, avant d'être nommé sergent (16 février 1807) après Eylau. Sergent-major (11 avril 1807), Férand est promu sous-lieutenant par décret impérial (21 juillet 1808), à 26 ans. Selon A. Martinien, le Bragard – mentionné sous le nom de Ferrand - est blessé le 21 janvier 1809 lors du deuxième siège de Saragosse. 
 Ouvrons ici une parenthèse. Durant ces opérations de sinistre mémoire, conduites par le maréchal Lannes, nombre de Haut-Marnais du 14e se sont illustrés. C'est le cas, par exemple, du sergent-major André-Isidore Grolère, de Villars-Saint-Marcellin, d'Aubin Jourdheuil, de Saint-Vallier, ou de Nicolas Lombard, de Silvarouvres. Ont trouvé la mort durant ce siège, notamment, Joseph Aubriot, de Poinson-lès-Grancey, François Chevallier, de Chézeaux, Antoine Lejoux, d'Isômes, Antoine Paris, de Serqueux, Jean Poisot, de Palaiseul, Pierre-Vincent Passerat, de Gudmont, Nicolas Porte et Pierre Robert, de Boubonne ; ont été blessés Clément Denisot, de Maizières-sur-Amance, le grenadier Pierre Fuselier, de Charmes-en-L'Angle, ou François Minguet, de Longeau, tous futurs officiers. 

 Férand, de son côté, passe lieutenant, et c'est avec ce grade qu'il est blessé, le 12 avril 1813 à Villena. Capitaine retraité, revenu à Saint-Dizier, l'officier se marie en décembre 1814 dans la cité bragarde avec Anne-Marguerite Pouzol, nièce du capitaine de cavalerie retiré Jean Pouzol, 75 ans, domicilié à Saint-Dizier. Férand reprend du service durant les Cent-Jours, comme capitaine du Corps-franc de la Haute-Marne. Puis il devient greffier. Et c'est dans sa ville de naissance qu'il décède, le 23 décembre 1825, à seulement 43 ans.

mardi 15 septembre 2015

Jean-Baptiste Jacot, un officier haut-marnais parmi d'autres

Il subsiste toujours, aujourd'hui, un canton de Poissons. Mais depuis la réforme de la carte cantonale, en vigueur début 2015, il a été reconfiguré. Au XIXe siècle, la circonscription, d'ailleurs originellement baptisée canton de Sailly, comptait 24 communes. C'est un peu plus que le nombre d'officiers haut-marnais du Premier Empire que nous avons pu identifier comme étant originaires de ce secteur : 20, dont 17 y ont vu le jour. A ce stade de nos recherches, le canton de Poissons ne représente donc que 2 % du nombre total d'officiers du département. Parmi eux, trois officiers supérieurs : le major Gillet, de Poissons, le chef d'escadron d'Esclaibes d'Hust, d'Echenay, et le chef de bataillon Pierret, de Cirfontaines-en-Ornois. Parmi toutes ces carrières, une, totalement ignorée, nous a paru digne d'être mise en lumière : celle du lieutenant Jean-Baptiste Jacot. Comme Nicolas Lecler, natif de Noncourt-sur-le-Rongeant, ce laboureur né à Saudron, en limite de la Meuse, le 8 avril 1775 est entré au service au sein du 1er bataillon de réquisition de Joinville, le 3 septembre 1793. Son presque homonyme Pierre-Gérard Jacquot, historien de l'Empire en Haute-Marne retiré à Cirfontaines, a précisé qu'à la suite de la levée en masse décidée durant ce mois, six bataillons ont été mis sur pied dans les six districts, totalisant 4 061 hommes. A la différence du bataillon de Chaumont, héroïque sur le plateau du Geisberg, voire du bataillon de Langres, nous sommes peu renseigné sur l'histoire du bataillon de Joinville qui, aux ordres du lieutenant de gendarmerie Pierre-Denis Lefebvre, a compté jusqu'à 579 hommes. Si ce n'est qu'il a été versé au régiment Royal-Deux-Ponts (99e régiment d'infanterie) puis, en 1796, dans la 102e demi-brigade d'infanterie de ligne. Cela ne concerne pas tous les réquisitionnaires joinvillois : le lieutenant Jean-François Féron, de Mathons, passe ainsi dans la 96e demi-brigade, Henry Lepoix, de Rupt, et Louis Nicole, de Betoncourt-le-Haut, tous futurs officiers, dans la 92e (via la 177e demi-brigade). Revenons à la 102e demi-brigade. Cette unité nous est bien connue : un des plus fameux mémorialistes du Premier Empire, le capitaine Routier, y a servi. Elle se bat à Zurich (1799), puis, caporal en décembre 1800, Jacot est nommé sergent le 1er décembre 1806, un an après la bataille de Caldiero – car le régiment ne se bat pas à Austerlitz, mais en Italie. Passé dans les grenadiers (Jacot mesurait 1,80 m), l'enfant de Saudron devient sergent-major puis, le 14 octobre 1811, à 36 ans, il est nommé sous-lieutenant par décret. Avant d'être promu lieutenant. En service dans la 1ère compagnie du 4e bataillon du même régiment, Jean-Baptiste Jacot est admis le 17 juin 1813, pour fièvre, à l'hôpital militaire de Liebenthal, en Prusse. Il y décède le même jour. Il n'avait que 38 ans. Ce fils de Nicolas n'était pas le seul Haut-Marnais à avoir servi comme officier au sein du 102e de ligne, qui s'est battu, outre à Caldiero, dans le royaume de Naples, à Sacile, à La Piave, à Raab et à Wagram (1809), puis en Catalogne et en Saxe (tout en opérant parallèlement en Italie). Issus du même bataillon de Joinville de 1793, trois enfants de Cirey-sur-Blaise, les futurs chefs de bataillon Joseph-Nicolas Gaugé et Pierre-Gabriel Ternot, ainsi que le sous-lieutenant Pierre-Remy Petitjean, mais également le sous-lieutenant Pierre-Nicolas Mollot, de Dommartin-le-Franc, le capitaine Claude Bertrand, d'Autigny-le-Petit et le sous-lieutenant Joseph Giroux, de Courcelles-sur-Blaise, ont servi comme officiers au sein de ce régiment. Tout comme les sous-lieutenants Jean-Baptiste Thée, de Blaise, et Jean-Baptiste Lavocat, d'Arc-en-Barrois. Nous concluerons cette évocation en précisant que sur les 17 officiers nés dans le canton de Poissons, un a servi dans l'artillerie (Esclaibes d'Hust, d'Echenay), trois dans la cavalerie (Bourotte et Voillemier, de Poissons, Fortier, de Noncourt-sur-le-Rongeant), et tous les autres dans l'infanterie (dont Joseph Pierrot, futur chef de bataillon dans la Légion étrangère). Un seul est mort sous l'Empire : c'est Jacot.

samedi 22 août 2015

"Le brave Mercier", colonel mort au champ d'honneur à 30 ans

Le 19 septembre 1799, le général Brune, commandant l'armée de Hollande composée de soldats français et bataves, affronte des troupes britanniques et russes qui viennent de débarquer aux Pays-Bas. Le choc a lieu à Bergen. Parmi les unités engagées, la 72e demi-brigade d'infanterie de ligne. Elle a pour chef de corps un Haut-Marnais de 30 ans, Jean-Claude Mercier. Fils de Nicolas, boulanger, et de Jeanne-Marie Maupin, le chef de brigade (colonel) a vu le jour le 27 février 1769 à Bourbonne-les-Bains. Issu des Gardes françaises (comme Hoche), passé par la garde nationale de Paris, commandant à 23 ans du 1er bataillon des volontaires de la Liberté, le Bourbonnais a été promu chef de brigade en octobre 1794. Deux ans plus tard, il a été placé à la tête de la 72e, où servent ses frères Charles-Antoine (capitaine) et le jeune Charles-Nicolas (sous-lieutenant à 18 ans, futur lieutenant-colonel), ainsi qu'un compatriote, le chirurgien Morlot. A la journée de Bergen, deux bataillons de la demi-brigade, venus d'Alkmaar, ont été lancés sur l'ennemi par le général de division Vandamme, commandant la réserve de l'armée, afin de soutenir la brigade Aubrée. L'on se bat dans les dunes. Dans ses «mémoires historiques sur la campagne du général Brune en Batavie», un officier d'état-major apporte des détails sur l'action de la 72e : «Le général Abercromby, dans le dessein de tourner cette troupe, y fit aussitôt présenter deux bataillons ; mais le chef de la 72e, Mercier, qui s'aperçut à propos de ce mouvement, rassemble quelques braves, se met à leur tête, et vole à la rencontre de l'ennemi. Il l'attaque, l'arrête dans sa marche, lui détruit beaucoup de monde, jette le désordre dans ses rangs, et le force à regagner la plage ; mais il est lui-même blessé mortellement». Selon le général Brune, «le brave chef de brigade Mercier a eu les deux cuisses percées d'une balle». Transporté à Bois-le-Duc, il y expire quatre jours plus tard. Une plaque perpétuera sa mémoire. Selon l'historien haut-marnais Emile Jolibois, l'officier aurait été promu général de brigade sur le champ de bataille par Brune. Mais ce dernier ne mentionne pas cette nomination dans son rapport. D'ailleurs, Georges Six ne recense pas Mercier dans son dictionnaire des généraux. A noter, coïncidence, que la 72e demi-brigade d'infanterie sera confiée à un autre chef de brigade Mercier ! Mais lui est Ardennais, et il tombera à Marengo. Durant les campagnes de la Révolution et du Consulat, outre Mercier, au moins douze Haut-Marnais de naissance ont obtenu le grade de chef de brigade : l'artilleur Cousin de Dommartin (Dommartin-le-Franc), à 25 ans ; Salme (Aillianville), à 27 ans, à la tête de la 3e demi-brigade de bataille ; Denayer (Joinvile), à 48 ans, d'abord dans la gendarmerie puis à la tête du 21e régiment de dragons ; Defrance (Wassy), adjudant-général à 23 ans, puis chef de corps du 11e puis du 12e régiments de chasseurs à cheval ; Doré de Brouville (Wassy), à 40 ans, chef de la 85e demi-brigade d'infanterie puis versé dans la gendarmerie ; Potey (Langres), à 46 ans, chef de la 86e puis de la 103e demi-brigades d'infanterie ; les artilleurs Degoy (Bologne) et Florinier (Joinville) ; Perrin (Poinson-lès-Grancey), adjudant-général chef de brigade à 26 ans ; Menne (Corlée), chef de la 23e demi-brigade, et Girardon (Chaumont), chef à 38 ans de la 12e demi-brigade ; enfin, Chaudron dit Chaudron-Rousseau (Bourbonne), adjudant-général chef de brigade à moins de 19 ans !

mardi 4 août 2015

Le chef de bataillon Robert, héros de Valoutina

Nous sommes en juin 1809. Moins d'un mois avant la bataille de Wagram. Le 14, le capitaine Mathieu-Roch Robert, 32 ans, capitaine au 12e régiment d'infanterie de ligne, membre de la Légion d'honneur (depuis le 14 brumaire an XIII), se présente devant l'officier d'état civil de la commune de Bourbonne-les-Bains. Il va convoler en justes noces. La promise n'est pas Haut-Marnaise d'origine. Jeanne-Baptiste Henriat (ou Henryat) a vu le jour à Porrentruy, en Alsace, il y a 22 ans. Mais sa mère, veuve d'un colonel chevalier de Saint-Louis, réside en Haute-Marne. Emettons une hypothèse crédible : le capitaine Robert l'a rencontrée au cours d'un séjour aux eaux de Bourbonne. Né le 16 août 1777 au Puy, cet ancien volontaire du 1er bataillon de la Haute-Loire en 1792, officier depuis l'an X, a en effet été blessé, comme lieutenant, à Iéna. Capitaine depuis le 6 mai 1807, il se marie donc en Haute-Marne, devant notamment Jean-Alexis Louvrier, capitaine retiré à Serqueux, dans le canton de Bourbonne, et Mouchet, autre membre de la Légion d'honneur, chirurgien à l'hôpital local. C'est donc dans cette région que le foyer Robert reste établi. En 1813, un fils décède dans la cité thermale, à l'âge de 3 ans. L'Auvergnat est alors chef de bataillon. Depuis le 18 juin 1812. Et il a particulièrement souffert en Russie. L'on précise que le 19 août 1812, à la journée de Valoutina, «il enfonce la ligne ennemie au début de l'action avec son bataillon, il est blessé dans l'action, et dans l'obscurité, d'un coup de feu à la poitrine, et frappé de 22 coups de lance. Il a également son cheval tué sous lui, et eut le bras cassé dans sa chute. Il est laissé pour mort mais sera évacué...» Robert n'est pas le seul Haut-Marnais de naissance ou d'adoption touché durant la bataille avec le 12e de ligne : le capitaine Henry Guérinot, 23 ans, de Langres, est tué, le sous-lieutenant Jean Dauvé, de Leffonds, est blessé. Quant au capitaine Louis-Edouard de Beaufort, 26 ans, de Frampas, il est promu chef de bataillon le lendemain.
Les fantassins français au combat en Russie. Promu major (lieutenant-colonel) le 28 décembre 1813, Robert ne restera pas longtemps à Bourbonne. En 1817, il est situé au Puy, sa ville natale. Et décède le 14 décembre 1847.

lundi 4 mai 2015

Bicentenaire de 1815 : le corps franc de la Haute-Marne

Durant les Cent-Jours, des corps francs destinés à combattre en cas d'invasion ont été institués par un décret de Napoléon signé le 22 avril 1815. Il précise qu'une ou plusieurs unités seront mises sur pied dans chaque département, que ses hommes ne sont tenus à aucun uniforme particulier, que «des primes seront accordées aux partisans pour les prisonniers qu'ils feront et en fonction de leur importance». Le texte ne le précise pas, mais nous savons que pour chaque prisonnier une prime de 30 F sera donnée, et de 100 à 400 F pour des officiers. 
C'est le chef de bataillon bourguignon Henri Fremiet, 35 ans, qui est chargé d'organiser le corps franc de la Haute-Marne. Fils de laboureur, il est né à Messigny, en Côte-d'Or, le 8 juillet 1780. Entré en service volontairement en l'an III, il sert successivement dans la 74e demi-brigade d'infanterie de ligne, la 104e demi-brigade, le 11e régiment d'infanterie de ligne. Sergent-major, il se distingue le 22 mai 1809, et sera fait membre de la Légion d'honneur. Sous-lieutenant en 1811, lieutenant en février 1813, Fremiet est promu capitaine au 143e régiment d'infanterie de ligne en août. Aide de camp du général de la Hamelinaye, il est fait chef de bataillon sur le champ de bataille de Montereau, et blessé le 26 mars 1814. La cinquième blessure de sa carrière. Si ses états de services précisent qu'il est affecté à l'état-major général le 5 mai 1815, nous supposons que c'est sa qualité d'officier originaire de la 18e division militaire du général Veaux, dont le siège est à Dijon, qui lui vaut sa mission haut-marnaise. Grâce à des pièces conservées par les Archives départementales de la Haute-Marne, nous connaissons les conditions d'organisation de l'unité. C'est le 10 mai 1815 que le chef de bataillon Fremiet arrive dans le département. Autorisé à délivrer des commissions de capitaines, lieutenants et sous-lieutenants, il commence sa tournée de recrutement trois jours plus tard, tandis que le 15 mai, le maréchal Davout, ministre de la Guerre, confirme sa mission à Fremiet, qui doit lever un corps franc composé de 1 000 fantassins et 300 cavaliers, «et le commander»
 Au 17 mai 1815, lui qui envisage l'organisation de trois bataillons peut d'ores et déjà annoncer 300 enrôlés. Parmi eux, 64 levés, en trois jours, à Saint-Dizier et sa région. Le même jour, Fremiet dresse un tableau des officiers destinés à encadrer l'unité : le major Guichard, de Montigny-le-Roi (chargé de la cavalerie), le chef de bataillon Martel, de Saint-Dizier, le capitaine de chasseurs à cheval Simon, de Joinville, le chef de bataillon Guignard, de Vignory (il doit commander un bataillon), le capitaine Perron (sic), de Saint-Dizier, le lieutenant Collot, de Varennes, le lieutenant Paton, de Rouécourt, le lieutenant de chasseurs à cheval Margot, de Saint-Dizier, le garde général forestier Desrues, de Saint-Dizier, son homologue Royer, de Wassy, le lieutenant de chasseurs à cheval Malot, de Joinville, le lieutenant Deschamps, de Joinville, Cousot, de Chaumont, Rabasse, de Droyes, mais encore le lieutenant de chasseurs à cheval Vautrin, de Saint-Dizier, le lieutenant de Simony, de Betoncourt... Dans le Journal de Paris, on écrit, de Chaumont, le 3 juin 1815 : «M. le chef de bataillon Fremiet a été commissionné par SA le prince ministre de la Guerre, en qualité de chef de corps franc pour ce département. L'organisation de ce corps est très avancée ; déjà plus de 1 000 hommes en font partie, et tout porte à croire qu'il sera fort de près de 2 000 hommes. Les gardes forestiers de ce département qui formeront les compagnies d'élite sont également organisés en trois compagnies, et les officiers sont nommés... Dans un rapport du 1er de ce mois, de M. Hachette, capitaine chargé de l'organisation des corps francs dans le canton d'Auberive, on lit ce qui suit : «L'attachement de nos braves montagnards pour la personne de notre auguste Empereur est digne d'éloges, les habitants des communes d'Auberive, de Germaine et de Praslay se sont particulièrement distingués, en se faisant inscrire presqu'en totalité. Les trois bataillons de grenadiers de la garde nationale de ce département, réunis à Langres, sont maintenant armés...» Au 10 juin 1815, confirme Fremiet, le corps franc de la Haute-Marne réunit 47 officiers et 675 enrôlés volontaires, ainsi que neuf officiers et 311 gardes forestiers. Sous-inspecteur des eaux et forêts à Châteauvillain, l'ancien officier de cavalerie Rouillier prétend les commander, mais un jugement négatif est porté sur lui. Nous noterons que sur 986 hommes (selon un autre document), seuls 458 sont armés. 
 Celui qui se veut également un donneur d'ordres du corps franc, c'est le nouveau préfet de la Haute-Marne, le jeune François-Marie Fargues, 30 ans, jusqu'alors sous-préfet de Melun, nommé le 1er mai 1815 en remplacement de Jerphanion, «auquel nous avons accordé une retraite» (Napoléon) – il sera encore nommé dans le département en 1830. 
Le corps franc a-t-il agi contre l'ennemi ? Les documents font défaut pour l'affirmer. Nous savons que le 1er juillet 1815, le préfet Fargues enjoint le major Guichard, commandant les chasseurs volontaires à cheval, à harceler l'ennemi pour que celui-ci occupe un minimum de territoires au moment d'une suspension d'armes. Le lendemain, il informe son homologue des Vosges que le lieutenant-colonel Fremiet, «commandant les chasseurs volontaires de mon département», est autorisé à pousser des reconnaissances dans les Vosges. D'autres informations nous seront apportées par les autorités de la Restauration. Des partisans sont ainsi signalés dans les bois de Saint-Blin, fin juillet. Un «homme à cheval» armé d'une lance et d'une carabine aurait, dans le même secteur, été aperçu près de la ferme de Saint-Hubert. Près de Damrémont, des coups de fusil auraient été tirés sur des hussards hongrois, mais le maire de Bourbonne-les-Bains assure, le 11 juillet, que les chasseurs volontaires n'en seraient pas les auteurs, mais des paysans de Provenchères-sur-Meuse. Pour clore cette évocation, signalons qu'un Haut-Marnais, Pierre-Martin Brocard, natif de Meuvy, était colonel du 1er corps franc de l'Aube, et qu'un Chaumontais, Didier, servait comme capitaine au 1er corps franc de la Côte-d'Or du fameux colonel Pelletier de Chambure. A son sujet, lire l'importante étude de Jean-Marie Thiébaud et Gérard Tissot-Robbe, «Les corps francs de 1814 et 1815. La double agonie de l'Empire» (2011).

mercredi 1 avril 2015

dimanche 22 mars 2015

Bicentenaire de Waterloo (3) : six Haut-Marnais morts en Belgique

Pour l'heure, nous avons identifié une demi-douzaine de grognards haut-marnais ayant perdu la vie lors de la campagne de Belgique. Deux appartenaient à la Garde impériale. D'abord Pierre Doussot, né à Fayl-Billot en 1787. Incorporé en 1807 au 7e régiment d'artillerie à pied, il devient premier canonnier dans l'artillerie à pied de la Garde (7 mai 1815). Blessé, prisonnier, il est hospitalisé à Ath le 3 juillet 1815 et décède le 13. Ensuite un grenadier justifiant d'une carrière bien remplie : Jean Royer. Né à Chaumont en 1774 (lieu-dit Saint-Aignan), l'homme entre en service en 1792. Destiné à servir au sein du 2e bataillon de volontaires de la Haute-Marne, il rejoint en fait le 1er bataillon, passant ensuite dans la 85e demi-brigade d'infanterie de ligne puis la 34e. Blessé à Austerlitz, caporal, membre de la Légion d'honneur, il est retraité le 15 août 1811 et revient à Chaumont. Ce qui ne l'empêche pas de rejoindre volontairement, durant les Cent-Jours, la 1ère compagnie du 1er bataillon du 3e régiment de grenadiers à pied de la Garde, où il est incorporé le 11 mai 1815. Blessé d'un coup de feu à l'abdomen, Royer est hospitalisé le 30 juin à Mons, où il décède le 3 juillet. Parmi les fantassins, citons encore Nicolas Frenizy (Chassigny 1792), soldat au 77e régiment d'infanterie de ligne, blessé le 18 juin. Ce dernier décède le 8 juillet à Nivelles ; le jeune tambour François Herbinot, né en l'an XIV à Saint-Dizier, arrivé au 100e régiment d'infanterie de ligne le 7 mai 1815, mortellement blessé et décédé le 30 juin à Nivelles (le registre le porte déserteur !) ; Simonnot (Arc-en-Barrois), soldat au 1er régiment d'infanterie légère, mortellement blessé le 18 juin ; Jacques Thevignot, né dans le canton de Châteauvillain en 1793, voltigeur au 2e bataillon du 77e régiment d'infanterie de ligne (ex-93e), tué le 16 juin.

lundi 16 mars 2015

Bicentenaire de Waterloo (II) : jugé sous la Restauration

Carrière éclectique que celle du capitaine Pierre-Joseph Thomassin. C'est un Chaumontais, né le 19 mars 1770. Il est le fils d'un avocat en parlement, François-Nicolas, et il est le cousin germain d'un lieutenant de pontonniers, mortellement blessé lors du siège de Gaëte en 1806. C'est le général de Beurnonville, selon les déclarations de ce dernier, qui le fait entrer en service. En l'an VIII de la République, Thomassin est attaché à la personne du général Junot, dont il est peut-être déjà l'aide de camp. Puis il sert, comme sous-lieutenant, en 1802, dans le 5e régiment de dragons, dont le chef de brigade en titre n'est autre que Lucien Bonaparte. Le frère du Premier consul intervient alors pour que le Chaumontais obtienne une place de lieutenant dans la garde de Paris. Requête entendue puisqu'en 1804, Thomassin est adjudant-major dans la cavalerie, commandée par le colonel Goujet, de ce corps. C'est en cette qualité qu'il est fait membre de la Légion d'honneur, comme capitaine de dragons, le 14 juin 1804. Puis il semble que ce soit lui que l'on retrouve, à nouveau comme aide de camp du général Junot, lors de l'expédition du Portugal, en 1807-1808. Passé dans la gendarmerie, Thomassin – peut-être dès 1805 – est placé à la tête de la compagnie de la Dordogne, à Périgueux, jusqu'en 1812, puis à celle de la Marne, à Châlons-en-Champagne. Il entre dans l'Histoire fin décembre 1815, lorsqu'il est arrêté, emprisonné à l'Abbaye et jugé le 16 mai 1816 comme complice du général Rigau. Que lui reproche-t-on ? De n'avoir pas, conformément à un ordre donné par le maréchal Victor, le 20 mars 1815 (donc lors du retour de Napoléon), arrêté Rigau, commandant du département de la Marne, qui avait «forcé» les troupes de Châlons à crier «Vive l'empereur». Et d'avoir, le 8 avril, adressé une lettre au général Lallemand, ancien aide de camp (comme lui) de Junot, dans laquelle il évoque notamment «notre cher empereur». Durant le procès, où le général Rigau, en fuite, n'est pas présent, Thomassin reçoit les témoignages de satisfaction du préfet de la Marne et du chef d'escadron Durival (gendarme anciennement en poste à Chaumont). Et pour sa défense, le Haut-Marnais assure que sa lettre n'avait d'autre but que de donner le change au général Rigau qui se «défiait» de lui, et pour preuve de son attachement au roi, qu'il a demandé sa retraite pendant «l'usurpation». Arguments convaincants, puisque Thomassin sera acquitté. Celui que Beurnonville considérait comme le «meilleur officier» de la gendarmerie cessera de servir le 1er juillet 1818, après 20 ans de carrière, reviendra en Haute-Marne, où il sera brièvement, en 1826-1827, maire du village de Saint-Martin-sur-la-Renne. Puis il résidera à Chaumont, au 490 rue du Palais, où il décède le 27 février 1832. Thomassin était marié avec Victoire Applagnat, une Lavalloise épousée en 1812.

vendredi 13 mars 2015

Bicentenaire de Waterloo (I) : la mort du sous-lieutenant Voilliot

Jean-Baptiste-Hilaire Voilliot naît le 14 janvier 1783 à Chamouilley, près de Saint-Dizier. Il est le fils de Jean-Baptiste, forgeron. Le jeune homme entre en service en l'an XIII de la République, dans la 111e demi-brigade d'infanterie de ligne. Fusilier puis voltigeur, Voilliot est nommé caporal en 1809, puis sergent-major en 1813. Il a 31 ans lorsque le 5 février 1814, il est promu sous-lieutenant. Durant la Campagne de Belgique, le 111e de ligne appartient à la division du général de Bourmont (de triste mémoire), et c'est au cours de la bataille de Waterloo que le sous-lieutenant Voilliot trouve la mort. Il est, à notre connaissance, l'un des trois officiers haut-marnais tombés durant ces combats, avec le lieutenant-colonel de carabiniers Bel (Langres) et le chef de bataillon Quilliard (Aubepierre-sur-Aube).

vendredi 27 février 2015

Deux grognards haut-marnais distingués il y a 200 ans

(Photo issue du blog de Christophe Bourrachot). C'est entre l'île d'Elbe et les côtes de la Provence, le 27 février 1815, que deux grenadiers haut-marnais de la Garde impériale sont faits membres de la Légion d'honneur par Napoléon, à bord du brick L'Inconstant. Tous deux servaient alors au sein de la 1ère compagnie du bataillon de l'île d'Elbe. Né le 10 juin 1778 à Laneuvelle (près de Bourbonne-les-Bains), fils de Pierre, vigneron, Nicolas Pionnier est entré en service en juin 1797 au sein de la 102e demi-brigade d'infanterie de ligne. Il s'est battu à Marengo, a servi dans la péninsule italienne jusqu'en 1809, puis sur les côtes de Méditerranée en 1810, avant de rejoindre, le 5 juin 1812, la 8e compagnie du 1er régiment de chasseurs à pied de la Garde impériale. Blessé durant les campagnes impériales, Pionnier a participé aux opérations en Russie, en Saxe, en France, puis est parti pour l'île d'Elbe le 12 avril 1814. Il combattra en Belgique puis rejoindra la Légion de la Haute-Marne sous la Restauration. Retiré à Laneuvelle, il décède le 14 octobre 1852. Son camarade Pierre Lavoignet (ou Lavoinier) a vu le jour à Champlitte (Haute-Saône), en 1784. Il a servi à partir de l'an XIII dans le 28e régiment d'infanterie de ligne, et rejoint les chasseurs à pied de la Garde (juillet 1813), après avoir été blessé à Eylau. Comme Pionnier, sa distinction ne lui sera reconnue qu'en 1832. Deux anciens sous-officiers de la région ayant participé au vol de l'Aigle, Nicolas Choux, des chasseurs à pied de la Garde, né dans les Vosges, futur imprimeur à Chaumont (et membre de la Légion d'honneur en 1813), et l'ancien maréchal des logis-chef de lanciers polonais de la Garde, Adrien Monin, alors en poste à Clairvaux, viendront attester qu'ils ont été témoins de la récompense impériale accordée Lavoinier, qui était propriétaire à Chaumont (il décédera en 1862). A noter qu'un futur médaillé de Saint-Hélène langrois, Yves Beylier, alors âgé de 18 ans et sans doute originaire de l'Isère ou du Vaucluse, aurait participé à la marche de l'empereur sur Paris avant de rejoindre le 3e régiment de tirailleurs de la Garde.

mercredi 18 février 2015

Pierre Perrot, un brave né à Orquevaux la paisible

Charmant village du canton de Saint-Blin environné de forêts, aujourd'hui cher au souvenir de la famille de Saint-Exupéry, Orquevaux a vu naître de valeureux combattants de l'Empire. C'est ici qu'a grandi le colonel d'artillerie Christophe Pelgrin, disparu en Russie. C'est ici qu'a vu le jour, le 20 juin 1782, Pierre Perrot. Fils d'Henry, cultivateur, et de Marguerite Thomas, ce charpentier, conscrit de l'an XI de la République, a été appelé, parmi une centaine de Haut-Marnais, à rejoindre le 34e régiment d'infanterie de ligne, où servaient déjà ses compatriotes issus du 1er bataillon de volontaires nationaux de la Haute-Marne, comme les cousins Gardel et Jacquot, de Sommancourt, futurs capitaines, dont la carrière a été évoquée sur ce blog. Le jeune homme de 23 ans, qui mesure 1,60 m, est incorporé le 18 octobre 1805, en pleine Campagne d'Autriche, à quelques semaines d'Austerlitz. Perrot prend part aux opérations de la Grande Armée, jusqu'en 1807. Il est blessé le 14 juin 1807, à Friedland, d'un coup de feu à la jambe droite. Puis on le retrouve, en 1808 et 1809, en Espagne. Ses états de services précisent qu'il combat à Saragosse et à Astorga. Caporal le 8 mars 1809, l'enfant d'Orquevaux sert l'année suivante au Portugal. Puis il est muté, le 26 avril 1812, jour de sa promotion au grade de sergent, dans une cohorte de premier ban de la garde nationale, appelée à participer à la recréation du 152e régiment d'infanterie de ligne (le 12 janvier 1813). Perrot, qui a hérité du numéro de matricule 9, y retrouve un compatriote, le chef de bataillon Royer de Fontenay, natif de Donnemarie, près de Nogent. Durant la Campagne de Saxe, il est promu, par décret impérial, sous-lieutenant, le 25 octobre 1813. Il a 31 ans. Passé au 18e régiment d'infanterie de ligne, il est situé, fin 1815, comme sous-lieutenant en activité. Puis, l'année suivante, en demi-solde, dans son village natal. Mais Perrot est rapidement retraité, pour blessures, après seize ans de services, puisque c'est dans cette situation qu'il se marie en mai 1816 avec Marie André, 25 ans. Sa vie est courte : le 15 avril 1819, alors qu'il n'a que 37 ans, le sous-lieutenant Pierre Perrot décède à Orquevaux. Son frère Jean, né en 1785, grenadier au 105e régiment d'infanterie de ligne, a été retraité en août 1812. Parmi ses homonymes originaires d'Orquevaux, Henri Perrot, fils de Jacques, a trouvé la mort lors de la bataille de Vitoria (1813) en Espagne, et Pierre Perrot, sergent au 39e régiment d'infanterie de ligne, a été rappelé au service lors des Cent-Jours.