mercredi 29 décembre 2010

Le dernier combat du "brave" général Salme

« J’approuve que les généraux Salme, Ficatier, Lorencez soient envoyés en Catalogne. » Datés du 14 avril 1810, depuis le palais impérial de Compiègne, ces quelques mots de Napoléon valent onction. Certes, la péninsule ibérique est grande mangeuse d’hommes et notamment de généraux, mais cet accord montre que l’empereur ne s’oppose plus à un réemploi définitif de Jean-Baptiste Salme.
Un général absent des premières campagnes napoléoniennes, en raison d’une disgrâce expliquée par ses amitiés républicaines. C’est que l’homme, général à 27 ans, commandait déjà une division de troupes révolutionnaires, qui fit tomber Grave, Utrecht… C’était il y a déjà seize ans.

La carrière du général Salme a déjà fait l’objet de plusieurs publications. Louis Heitz lui a consacré un ouvrage quasi introuvable aujourd’hui. Un auteur s’est penché sur la carrière de cet homme dans les « Cahiers haut-marnais ». Et son compatriote Didier Desnouvaux a apporté de nouveaux éléments biographiques dans cet article :
http://www.histoire-genealogie.com/spip.php?article868

Rappelons toutefois les grandes lignes de la carrière chaotique de Jean-Baptiste Salme, fils de laboureur, né à Aillianville, dans le canton de Saint-Blin, en 1766. Entré dans le métier des armes comme dragon en 1784, il s’enrôle à Neufchâteau dans le 1er bataillon de volontaires nationaux des Vosges, où il est nommé sous-lieutenant en 1792. Marié la même année, il prend part aux premières opérations sur le Rhin, récoltant deux blessures en 1792 et 1793. Son ascension est plutôt rapide, puisque le voilà lieutenant-colonel du 15e bataillon des Vosges, puis chef de la 3e demi-brigade de ligne, enfin, le 30 mars 1794, général de brigade. Il n’a pas 28 ans. Servant sous le général Pichegru à l’armée du Nord, blessé à Malines, Salme s’illustre dans la campagne de Hollande à la tête de la 4e division. Après une première destitution, il retrouve son arme d’origine, la cavalerie, en prenant le commandement d’une brigade de dragons de l’armée de Sambre-et-Meuse. Destitué à nouveau en raison de son amitié avec Pichegru, réintégré, désigné pour l’armée d’Egypte grâce à ses liens avec le général Kléber, il ne peut embarquer, rejoint l’armée de Naples de Macdonald, et prend part à la funeste campagne de 1799, au cours de laquelle il est blessé et fait prisonnier. Désigné – éloigné ? – pour l’armée de Saint-Domingue, il y est nommé général de division à titre provisoire en 1892 par le général Leclerc… et renvoyé en France. Comme l’a rappelé Didier Desnouvaux, plusieurs motifs ont été avancés pour expliquer ce renvoi : son état de santé, une liaison supposée avec Pauline Bonaparte (la femme du général Leclerc), une suspicion de marché noir, ou, plutôt, ses violentes critiques sur le rétablissement de l’esclavage dans l’île… Mis à la retraite en 1803, à seulement 37 ans, il se retire en Alsace, dans la famille de sa femme, puis à Neufchâteau, d’où il sollicite à plusieurs reprises sa réintégration dans l’armée. Il obtient pour la première fois gain de cause, en 1809, à la tête d’une brigade de gardes nationales – lui, l’ancien commandant de division ! - dans les Flandres, puis donc en Espagne.
A noter que, jusqu’à cette nouvelle affectation, la carrière de Salme a été étrangement similaire avec celle du général Humbert : lieutenant-colonel d’un bataillon vosgien, général de brigade en 1794 (il se battra ensuite en Bretagne puis débarquera en Irlande), affecté à l’armée de Saint-Domingue, suspecté lui aussi d’une liaison avec Pauline Bonaparte (décidément…), renvoyé en France, destitué en 1803… sauf que lui ira ensuite se fixer aux Etats-Unis où il se battra à La Nouvelle-Orléans contre les Anglais et où il décédera.

Revenons à la carrière du général Salme. Désigné le 16 avril 1810 pour l’armée de Catalogne, l’enfant d’Aillianville va recevoir le commandement d’une brigade composée de deux unités françaises, les 7e et 16e de ligne, au sein d’une division majoritairement italienne. Dont Harispe, promu le 10 octobre 1810, prendra le commandement.
C’est le maréchal Macdonald qui, le 24 avril 1810, prend la direction de cette armée (en réalité le 7e corps des troupes de la péninsule), dont Souham commande la 1ère division. Macdonald, sous les ordres duquel Salme a déjà servi, Souham sont des vétérans des campagnes de la Révolution.

Nous sommes peu renseignés sur la conduite de Salme durant les opérations de 1810. En janvier 1811, sa brigade participe à une expédition dirigée sur Molins del Rey, le col d’Ordal et Villafranca. Le 16, un lieutenant du 7e de ligne est blessé à Vals. Passé depuis cinq jours sous les ordres du général Suchet, ce régiment, aux ordres du chef de bataillon Miocque, est attaqué le 31 dans les défilés de Manresa et perd 3 ou 400 hommes, dont les capitaines Aubonix et Grossambert, du 7e.

Bientôt, les troupes de Catalogne vont participer au siège de la ville catalane de Tarragone, au bord de la Méditerranée. Selon leur chef, le général Suchet, le général Harispe, chef de la 3e division (dont Salme commande la 1ère brigade), passe le 4 mai 1811 le Francoli afin de faire rentrer l’ennemi dans la ville. « Les postes espagnols établis en avant de l’Olivo, appuyés par l’artillerie du fort, opposèrent une résistance vigoureuse et opiniâtre. La brigade Salme les attaqua à plusieurs reprises. Elle parvint à les repousser, et à gagner le terrain nécessaire à son établissement. Ce premier combat nous coûta 180 hommes tués et blessés, parmi ces derniers huit officiers, entre autres le lieutenant Brenier du 7e qui reçut quatre blessures, et le lieutenant Bouthier du 16e qui ne voulut point quitter sa compagnie »Dans la nuit du 13 au 14 mai, Salme se met à la tête de huit compagnies d’élite des 7e et 16e de ligne français, du 2e léger et 4e de ligne italiens et enlève des retranchements en avant du fort Olivo, pierre angulaire du dispositif de défense espagnol.
Dans la nuit du 27 au 28 mai 1811, il y eut, devant le fort, une sortie des assiégés. L’ouvrage « Journaux des sièges faits ou soutenus par les Français dans la péninsule », qui s’inspire des mémoires du maréchal Suchet, raconte : « Le général Salme, qui veillait sans relâche au succès de l’opération, avait ses réserves toutes prêtes : il accourut aussitôt, et il criait : « Brave septième en avant ! » lorsqu’un biscaïen le frappa à la tête et le renversa mort. Nos soldats, furieux de la perte de leur général, se précipitèrent sur les Espagnols, les culbutèrent, et les poursuivirent jusque sous les murs du fort ».La mort du général haut-marnais est vivement ressentie dans les rangs de l’armée. Ainsi, le 31 mai, Suchet écrira au maréchal Berthier : « La mort du général Salme, qui réunissait toute la confiance de sa brigade, bien loin de ralentir l’ardeur de ses troupes, n’a fait naître en elles que le désir de le venger ». Dans ses mémoires, Suchet enfoncera le clou : « Le général Salme réunissait au plus haut degré les premières qualités militaires ; son audace, son intrépidité entraînaient le soldat. Le général en chef ressentit un véritable chagrin de la perte de cet officier général, qui était depuis fort peu de temps sous ses ordres, mais dont il avait apprécié les services, et pour lequel il avait obtenu une récompense (Note : la Légion d’honneur), dont la nouvelle arriva quelques jours après sa mort. Toute l’armée le regretta… » En hommage à ce chef estimé, le fort Olivo sera d’ailleurs baptisé fort Salme, sur ordre du général Suchet.
De son côté, l’anthologie « Victoires et conquêtes » n’aura que des mots élogieux pour Salme : « La franchise, la loyauté, la cordialité rehaussaient ses vertus guerrières. Sa bienveillance et son extrême générosité tempéraient et dominaient son caractère ardent et sévère. L’honneur seul guidait toutes ses démarches, et la considération générale dont il jouissait était le fruit d’une conduite toujours exempte du moindre reproche. Longtemps disgracié par Napoléon, qui lui reprochait d’être trop républicain, Salme s’était résigné à vivre, comme Fabricius et Curius Dentatus, du produit de ses travaux champêtres. Militaire actif, instruit et vigilant, autant qu’ami généreux, désintéressé, d’une probité sévère, il était surtout attentif à veiller aux besoins des soldats ; il leur inspirait une estime, une confiance et un attachement sans borne… Avec le sang des Espagnols massacrés, pour ainsi dire, sur sa tombe, les soldats écrivirent sur les murs d’Olivo : « Notre brave général Salme vengé »…. » Nul doute que ces lignes, peu courantes dans cette anthologie, ont été couchées sur deux pages par un admirateur, si ce n’est un intime, du général Salme.
Même Thiers, auteur d’une inestimable histoire du Consulat et de l’Empire, évoquera un « jeune général de très grande espérance » ! Un « jeune » officier toutefois âgé de 45 ans, et général depuis 17 ans !

C’est le 28 juin 1811 que la ville de Tarragone capitulera. Un succès qui vaudra au général lyonnais Suchet – dont l’histoire familiale sera étroitement liée avec Rimaucourt – le bâton de maréchal d’Empire. Il est à noter que le siège aura été particulièrement meurtrier pour la brigade Salme, qui sera confiée au général meusien Ficatier. Au 7e de ligne, les chefs de bataillons Valot et Miocque ont été mortellement touchés, le chef de bataillon marnais François-Joseph Failly blessé. Au 16e de ligne, le chef de bataillon Revel a été tué, le chef de bataillon Poulin Faucaucourt blessé.

Didier Desnouveaux précise, au sujet de la mort du Haut-Marnais, que « Napoléon fit également déposer dans son cercueil les brevets de général de division et de baron de l’Empire. Ce titre ne fut pas régularisé et le décret fut simplement enregistré à la chancellerie sans délivrance de lettres patentes ni d’armoiries ».Le nom du général Salme est inscrit sur l’Arc de Triomphe. Et une rue de son village natal perpétue son souvenir.

lundi 13 décembre 2010

Un ancien postillon de Napoléon dans la Guerre de Sécession

Le 24 avril 1861 – soit onze jours après la capitulation du Fort Sumter, en Caroline du Sud, point de départ de la Guerre de Sécession américaine -, un citoyen pennsylvanien d’origine française s’enrôlait, en qualité de capitaine, dans les rangs du 18th Pennsylvania infantry regiment. Ses particularités : il est âgé de 65 ans, et la majorité des hommes de la compagnie qu’il commande sont Français de naissance ou d’origine. Plus étonnant : c’est un ancien serviteur – comme postillon - de l’empereur Napoléon Ier, qu’il a accompagné jusque dans son exil de Sainte-Hélène 46 ans plus tôt !

Selon différentes sources américaines, Jacques-Olivier Archambault – c’est son nom - est né à Fontainebleau, près de Paris, en 1796 (le 22 août, a priori). Il est le frère cadet d’Achille-Thomas, né quatre ans plus tôt, et, confirme le fameux valet Marchand dans ses mémoires, les frères Archambault faisaient partie de la maison impériale.

Achille, précisera Las Cases dans ses souvenirs, est entré au service de l’empereur en 1805 – il avait donc 13 ans. Attaché aux écuries, il a suivi Napoléon à l’île d’Elbe, où il a été nommé brigadier des valets de pied, puis a participé à la Campagne de Waterloo, avant d’accompagner son « maître » à Sainte-Hélène, en compagnie de son frère. Piqueur au sein de la maison impériale – soit la personne chargée de la responsabilité d’une écurie, Achille a participé au nettoyage du corps de Napoléon à son décès le 5 mai 1821. « Membre de la commission chargée de ramener en France les cendres de Napoléon Ier » (dixit son dossier de légionnaire), Achille sera fait chevalier de la Légion d’honneur le 14 janvier 1853. Il résidera à Sannois, en région parisienne, où il décèdera en 1858. C’est à lui, vraisemblablement, que Napoléon a légué, dans son testament, la somme de 50 000 F.

Quant à Joseph, il s’installe aux Etats-Unis, d’abord à Philadelphie. Fréquentant notamment Joseph Bonaparte, il se fixe ensuite à Newton, et devient propriétaire du fameux Brick hôtel.

Malgré son âge avancé, cet habitant du comté de Buck s’enrôle donc dans les rangs de l’armée nordiste, appelant au service ses concitoyens français qui seront regroupés dans la compagnie C – son lieutenant, Constantin Pequignot, est natif de Frahier, en Franche-Comté. Le 18th Pennsylvania du colonel Lewis a une très courte existence : organisé à Philadelphie en avril 1861, il tient garnison à Baltimore et à Pikesville, avant de cesser de servir en août.

Toujours capitaine, Archambault passe dans les rangs du 2nd Pennsylvania cavalry regiment (ou 59th Pennsylvania regiment) du colonel Price, en qualité de commandant de la company A. Ce corps se bat notamment à Cedar Mountain, à Antietam (1862), à Gettysburg (1863), prenant part enfin à la poursuite du général Lee jusqu’à la reddition d’Appotamox court house (1865). Durant ce conflit fratricide, les pertes du 2nd Pennsylvania cavalry sont de 60 tués.

Parvenu au grade de major en 1862 – le 19 mai ou le 27 juin, selon les sources – l’ancien postillon de Napoléon meurt à Philadelphia le 3 juillet 1874.

Sources : « Mémorial de Sainte-Hélène » ; différents sites Internet consacrés aux régiments de volontaires de Pennsylvanie et au comté de Buck.

jeudi 25 novembre 2010

Officiers de hussards

La cavalerie légère impériale a compté jusqu’à quatorze régiments de hussards. Soit à peu près autant que le corps des cuirassiers. Pourtant, les Haut-Marnais ont été relativement peu nombreux à servir comme officiers de hussards, du moins à la lecture des renseignements que nous avons pu recueillir. Neuf ont pu être identifiés, dont un sous toute réserve : un major (lieutenant-colonel), un lieutenant et sept sous-lieutenants. Au moins cinq ont été blessés, et un seul aurait péri durant les campagnes.

Borssat Louis-Camille, né à Gex, fils du président du tribunal du district de cette ville. Marié à Parnot en l’an III. Sous-lieutenant au 3e hussards, sous le Consulat. Est situé, en 1817, sous-lieutenant pensionné à Parnot (dont il sera maire).
Bruillon Nicolas (Villars-en-Azois 4 juin 1770). Soldat au régiment de Flandres infanterie (1789), passé au 6e hussards (1793), sous-lieutenant (21 septembre 1806), il sert dans ce régiment jusqu’au 18 avril 1810. Compte plusieurs blessures. Habite à Autricourt (Côte-d’Or). Membre de la Légion d’honneur.
Joffroy Louis-Marie (Bar-sur-Aube, Aube 16 janvier 1786). Fils de Jean-Louis, marchand à Joinville. Admis vélite de la Garde le 20 février 1806, affecté aux chasseurs à cheval de la Garde (dans la 4e compagnie), officier le 8 octobre 1807, il est sous-lieutenant au 5e hussards. Sa solde de retraite est fixée par lettre du 30 mars 1808. Officier pensionné en raison d’une blessure, domicilié à Wassy, il se marie en 1808 à Flammerécourt. Vit toujours à Wassy, en 1810.
Lacroix François (Joinville 9 août 1782 – Saulx, Haute-Saône 4 juillet 1863). Chevalier de la Légion d’honneur le 18 septembre 1813. Sous-lieutenant au régiment de hussards du Haut-Rhin. Sous-lieutenant au 7e lanciers polonais, il est arrêté à Paris en 1815 pour abus de confiance (mais son colonel renonce à porter plainte).
Lambert Louis-Nicolas-Félix (Chaumont 22 septembre 1772). Fils de Godefroy Lambert, capitaine de cavalerie, chevalier de Saint-Louis. Chasseur à cheval au 4e régiment (1792), hussard au 10e régiment (an XII), maréchal des logis chef (1807), sous-lieutenant (1er mai 1811), lieutenant (1er mai 1813). Blessé d’un coup de feu à Lutzen, fait chevalier de la Légion d’honneur le 14 juin 1813. Passe au 1e hussards (juillet 1814). Sert au corps d’observation du Jura à Belfort. Lieutenant au 2e (sic) hussards, en résidence à Chaumont en 1815. Retiré à Autreville-sur-la-Renne.
Lapique Charles-Louis (Joinville 1765 – Strasbourg 1827). Major au 8e hussards (1808), pour mémoire.
Laroche Jean-Baptiste. Sous-lieutenant dans la 3e compagnie du 3/8e hussards, blessé, hospitalisé le 28 mai 1809, il meurt le 25 juin à Vienne. Il serait Haut-Marnais (de Langres ?).
Michelin Joseph (Leuchey 3 avril 1785 – Villiers-sur-Suize 25 mars 1869). Il sert du 10 avril 1802 à 1816 au 3e hussards. Sous-lieutenant au 3e, il est blessé le 29 janvier 1814 à Brienne. Membre de la Légion d'honneur (18 septembre 1808), lieutenant au 3e hussards, il est demi-solde à Villiers-sur-Suize (il résidait à Voisines lorsqu'il a été retraité à la suite de ses blessures). Médaillé de Sainte-Hélène.
Oriot Pierre-Roch (Orges 13 décembre 1784). Fils d’un chirurgien mort d’épidémie en 1813. Promu sous-lieutenant (29 septembre 1813), servant au 10e hussards, il est blessé le 13 mars 1814 à Reims (Martinien). En résidence à Chaumont en 1815, il se rallie durant les Cent-Jours. En demi-solde du 10e hussards à Chaumont, fin 1815, il sert à nouveau sous la Restauration : en 1823, il est toujours sous-lieutenant, au 6e hussards (du Haut-Rhin), puis est promu capitaine en 1829.

vendredi 12 novembre 2010

Hommage aux morts d'Eylau : une cérémonie qui fera date



Une vue de la cérémonie (photo Céline Clément, Journal de la Haute-Marne).
Mission remplie. La cérémonie organisée le 11 novembre 2010 dans le village de Frettes (Haute-Saône) a rencontré un grand succès. En témoigne la présence de 320 personnes dans l'église du village, restées après une cérémonie battue par la pluie et le vent pour se délecter des trois conférences proposées par MM. Thierry Choffat, Alain Pigeard et Bernard Quintin.

L'hommage aux morts haut-saônois et haut-marnais d'Eylau, marqué par la découverte d'une plaque sur le monument aux morts, a été rehaussé par la présence fort appréciée :
. des Grognards lingons, groupe de reconstitution historique du 14e de ligne (onze participants venus de Haute-Marne, Alsace, Bourgogne et région parisienne) ;
. des musiciens de La Lyre cheminote de Chalindrey (52) ;
. d'une quarantaine de jeunes de l'Etablissement public d'insertion de la Défense de Langres (52), dont deux ont lu de larges extraits du poème "Le Cimetière d'Eylau" de Victor Hugo ;
. des porte-drapeaux de la région de Fayl-Billot (52) et du Souvenir français de Haute-Saône ;
. de représentants de la gendarmerie, etc.
... et de plusieurs centaines de personnes venues de la Haute-Saône et de la Haute-Marne, bien sûr, mais également de tout le quart Nord-Est de la France, de la région parisienne...

Que toutes celles et tous ceux qui ont contribué à la réussite de cette manifestation inédite - son élaboration, sa publicité, sa tenue - soient ici chaleureusement remerciés.

lundi 8 novembre 2010

Le chef de bataillon Pierre Magnien, de Millières

Fils de Jean, cabaretier, Pierre Magnien voit le jour à Millières (canton de Clefmont) le 8 juillet 1774. Il entre en service le 18 mars 1793, comme fusilier au 21e bataillon de volontaires nationaux des réserves, qui se battra avec l’armée du Nord. Cette unité passera dans la 67e demi-brigade d’infanterie de ligne en mai 1796.
Magnien est blessé d’un coup de feu à la cuisse droite en l’an IV. Caporal en l’an VIII, sergent en l’an IX, sergent-major en l’an X, il est promu sous-lieutenant le 1er octobre 1806.
Il prend part aux campagnes de la Grande-Armée en 1807, puis sert en Allemagne en 1809, puis en Hollande et en Catalogne à partir de 1810.
Lieutenant depuis le 25 février 1809, capitaine le 22 juin 1811, il commande une compagnie de voltigeurs du 67e de ligne. Ses faits d’armes : le siège de Figuieres, les affaires de Saint-Celany et Laganigon. Selon un site consacré au 67e, le capitaine Magnien se distingue le 11 mars 1812, surprenant dans la nuit un poste espagnol près de Castelfollit et brisant une grande quantité d’armes. « Cette opération fait le bonheur du capitaine Magnien », dira un officier d’état-major.
Promu chef de bataillon le 1er janvier 1814 (le même jour que son compatriote Gaugé, de Cirey-sur-Blaise), il se distingue avec l’armée de Lyon à Mâcon.
Chevalier de la Légion d’honneur le 1er novembre 1814, il n’est pas conservé, sous la Restauration, dans les effectifs du 67e de ligne, devenu 63e.
Voilà pourquoi, durant les Cent-Jours, il prend le commandement du 1er bataillon de grenadiers de la garde nationale de la Haute-Marne.
En demi-solde à Millières, fin 1815, puis établi à Forcey, l’année suivante, il est chef de bataillon retraité lorsqu’il décède dans son village natal, le 23 novembre 1846.
Il ne s’agit pas ce capitaine Magnien, adjoint à l’état-major du général Bourdesoulle, qui refuse de suivre Marmont dans sa défection en 1814, ni du capitaine d’état-major Magnien qui se distingue à Saragosse en 1808.

lundi 18 octobre 2010

Généraux à moins de 25 ans

C’est durant les périodes les plus critiques de notre Histoire contemporaine que des hommes ont exercé, jeunes, de hautes responsabilités. C’est notamment le cas des militaires. Ainsi, au moment du désastre de 1940, le plus jeune général de l’armée française était âgé de 50 ans : il s’agissait de Jean de Lattre de Tassigny, futur maréchal de France. Mais un an plus tard, c’est à l’âge de 38 ans et demi qu’un capitaine d’active, Philippe de Hauteclocque, alias « Leclerc », était promu brigadier par le général de Gaulle. Mieux : c’est à 29 ans que le résistant Jacques Delmas, alias « Chaban-Delmas », officier de réserve, a reçu ses deux étoiles pour représenter le général de Gaulle en zone Nord, comme délégué militaire national ! Un record qui ne risque pas d’être battu : aujourd’hui, les benjamins du corps des généraux sont quadragénaires.
C’est en fait durant la Révolution qu’ont servi de très jeunes généraux. Le record étant détenu, à notre connaissance, par le futur roi Louis-Philippe : il était lieutenant-général (général de division) à un mois de son 19e anniversaire, se battant à Jemmapes ! Quant au plus jeune commandant d’armée, il s’agit de François Marceau, nommé à l’âge de 24 ans.
Voici une liste, non exhaustive, de Français et étrangers promus généraux avant l’âge de 25 ans – grâce au fameux dictionnaire de Georges Six. A noter, concernant la Haute-Marne, que le benjamin des généraux reste Elzéar-Auguste Cousin de Dommartin, promu brigadier – le même jour que son camarade de promotion à l’école de Metz, Bonaparte – à 25 ans et trois mois. Et que le plus jeune colonel – sans doute même le benjamin au niveau national – est Guillaume Chaudron-Rousseau, promu adjudant-général chef de brigade à 19 ans et demi !



19 ansOrléans (d’) Louis-Philippe, né le 6 octobre 1773, lieutenant-général (général de division) le 11 septembre 1792 à 18 ans et 11 mois. Le plus jeune général de la Révolution et de l’Empire… et futur roi de France sous le nom de Louis-Philippe.

21 ansLéorier Joseph PA, né le 30 juillet 1772 dans le Loiret, adjudant-général chef de brigade à titre provisoire en 1793 à 21 ans, général de brigade le 27 janvier 1794 à 21 ans et 6 mois ; mais il refuse cette promotion pour occuper la fonction de chef de brigade.
Bonaparte Jérôme, né le 15 novembre 1784, promu contre-amiral en 1805 à 21 ans. Général de division en 1807 à 22 ans et demi.

22 ansVandamme Dominique, né le 5 novembre 1770 dans le Nord. Lieutenant-colonel des chasseurs du Mont-Cassel, général de brigade le 27 septembre 1793 à 22 ans et 10 mois. Sera général de division.

23 ansSchramm Jean-Paul A, né dans le Pas-de-Calais le 1er décembre 1789. Major de voltigeurs de la Garde, général de brigade le 26 septembre 1813 à 23 ans et 10 mois. C’est le plus jeune militaire – hors famille impériale - promu général sous l’Empire. Et c’est le dernier à mourir : en 1884, sous la Troisième République !
Davout Louis, né le 10 mai 1770 dans l’Yonne, lieutenant-colonel de volontaires de l’Yonne en septembre 1791 à 21 ans, général de brigade le 25 juillet 1793 à 23 ans et 2 mois. Sera général de division en 1800, puis maréchal d’Empire.
Lanusse François, né le 3 novembre 1772, adjudant-général chef de brigade le 24 novembre 1794 à 22 ans, général de brigade le 27 avril 1796 à 23 ans et 6 mois, général de division, mort en Italie en 1801.
Watrin François, né le 29 janvier 1772 dans l’Oise, général de brigade en 1794 à 22 ans (ou le 1er janvier 1796 à 23 ans et 11 mois), puis général de division, mort à Saint-Domingue en 1802.

24 ans.Abbatucci Jean-Charles, né le 15 novembre 1771 en Corse, général de division le 10 juillet 1796 à 24 ans et 9 mois. Tué lors de la Campagne de l’armée du Rhin.
Bonaparte Napoléon, né le 15 août 1769 en Corse, général de brigade à titre provisoire le 25 novembre 1793 à 24 ans et 3 mois. Sera général de division, puis Premier Consul… et empereur.
Loison Louis H, né le 16 mai 1771 dans la Meuse, adjudant-général chef de brigade provisoire en mai 1793 à 22 ans, général de brigade le 26 août 1795 à 24 ans et 3 mois. Sera général de division.
Marceau François S, né le 1er mars 1769 dans l’Eure-et-Loir, lieutenant-colonel au 1er bataillon de l’Eure-et-Loire en mars 1792 à 23 ans, général de division le 10 novembre 1793 à 24 ans. Commande une armée au même âge. Tué en 1796 en Allemagne.
Mermet Julien AJ, né le 9 mai 1772 dans le Nord, colonel du 10e hussards, général de brigade le 18 novembre 1796 à 24 ans et 6 mois. Sera général de division.
Reynier Jean-Louis E, né le 14 janvier 1771 en Suisse, général de brigade le 13 janvier 1795 à 24 ans. Sera général de division.

mardi 20 juillet 2010

Fratries d'officiers (I) : les Jobert

Trois membres de la Légion d'honneur nommés Jobert - dont deux recensés par la base Léonore - sont nés entre 1775 et 1781 dans le village de Pressigny, canton de Fayl-Billot. Tous trois sont les enfants de Nicolas Jobert, recteur d'école, et de Jeanne Mulson. Et tous trois seront officiers dans un même régiment : le 21e de ligne.

L’aîné, François, voit le jour le 23 juillet 1775. Il entre en service au 3e bataillon d’Indre-et-Loire, en 1793, puis passe dans la 21e demi-brigade de ligne. Fait prisonnier à Manheim, en l’an IV, puis à Milan, en l’an VII, il est promu sous-lieutenant le 30 mai 1803, puis lieutenant le 16 avril 1804, enfin capitaine le 20 février 1809. Chevalier de la Légion d’honneur depuis le 2 septembre 1809, il passe chef de bataillon le 23 du même mois, puis major en premier (lieutenant-colonel) le 7 septembre 1813, affecté au 69e de ligne. Onze jours plus tard, il est blessé d’un coup de feu au mollet gauche, à Kemnitz, en visitant des avant-postes en Saxe, ainsi que le précise l'historique du 69e. Après la chute de Napoléon, François Jobert est fait chevalier de Saint-Louis le 27 novembre 1814. Après les Cent-Jours auxquels il prend part avec le 69e de ligne, il n’est pas employé, mais reste situé « en activité », toujours comme major du 69e, dans sa commune de Pressigny. La suite de sa carrière, de sa vie ? On le retrouve avec son épouse non loin de son village natal, à Guyonvelle, où il exerce la profession de juge de paix du canton de Laferté-sur-Amance. Il y décède le 13 mai 1833, à l'âge de 58 ans. Parmi ceux qui viennent déclarer son décès : son fils, médecin à Guyonvelle (connu pour ses contributions fournies aux instances médicales) et son frère Jean-Baptiste.

Celui-ci est né à Pressigny le 20 mars 1781. Son dossier de médaillé de Sainte-Hélène précise qu’il est entré en service le 26 septembre 1798. Il n’a donc que 17 ans. Son corps d’affectation : la 21e demi-brigade de ligne. Onze ans plus tard, il est sous-lieutenant, toujours dans le même régiment, et il s’illustre lors de la Campagne d’Autriche. Au point de figurer dans les fameux « Fastes de la gloire », rebaptisés – après une récente réédition – « Dictionnaire des braves de Napoléon ». Son fait d’armes : se mettre à la tête de 40 nageurs, dans la nuit du 29 au 30 juin 1809, traverser le Danube et capturer, avec d’autres éléments, dans une île près de Presbourg, près de 600 hommes (dont un colonel) et deux pièces de canon. Action au cours de laquelle il est blessé à cinq reprises ! C’est à l’issue de cette campagne qu’il est fait membre de la Légion d’honneur le 21 septembre 1809. Selon l’inestimable anthologie « Victoires et conquêtes des Français », qui rapporte également cet exploit, et Martinien, Jobert a encore été blessé à Wagram, le 6 juillet 1809. Sa carrière, toujours selon son dossier MSH, s’arrête le 13 février 1813, à 32 ans, sans doute en raison de ses blessures (à La Moskowa, à nouveau). Il est capitaine pensionné lorsqu’il se retire à Pierrefaites (canton de Laferté-sur-Amance), où il se marie en novembre 1814. Jobert reprend provisoirement du service aux Cent-Jours en se voyant confier le commandement de la 3e compagnie du 2e bataillon de chasseurs de la garde nationale de la Haute-Marne, fin juin 1815. Médaillé de Sainte-Hélène, le capitaine Jobert décède dix ans plus tard, en novembre 1867, à l’âge de 86 ans.

Quant à Etienne-Nicolas, né à Pressigny le 1er mai 1778, ses états de services, complétés par son dossier de membre de la Légion d’honneur, nous ont été révélés par Pierre-G. Jacquot dans une brochure inédite, «La campagne de Russie et les Haut-Marnais ». Voici ce que l’historien de l’Empire en Haute-Marne écrit : « Après s’être engagé comme volontaire au 3e bataillon d’Indre-et-Loire en mai 1793, Nicolas retrouve ses deux frères à la 21e demi-brigade en octobre 1800. Promu sous-lieutenant en juin 1809, il est capitaine en juin 1812 et part en retraite en juillet 1813. Remis en activité pour cinq mois en mars 1814. Blessé à Iéna, à Wagram et le 19 août 1812 à Valoutina. » Etienne-Nicolas était membre de la Légion d’honneur depuis le 14 avril 1807 (comme sergent-major). Lieutenant en mai 1810, officier payeur pendant plusieurs semaines, retraité à compter du 1er juillet 1813, il reprend du service durant les Cent-Jours avec le 21e de ligne et est décoré de l’ordre du Lys par le duc de Berry début août 1814. Il avait effectivement été blessé d’un coup de feu au bras droit à Iéna, de deux coups de feu à l’épaule droite et à la cuisse droite à Wagram, et d’un coup de feu au pied gauche à Valoutina. Qualifié de capitaine aide de camp, il est en non activité à Pressigny, en 1816, puis vit à Dijon lorsqu'il est pensionné par le roi et y meurt célibataire.

Sources principales : état civil de Pressigny, Pierrefaites, Dijon et Guyonvelle ; archives départementales de la Haute-Marne ; base Léonore ; "Victoires et conquêtes des Français" ; historiques des 21e et 69e de ligne ; tableau des officiers d'Empire tués et blessés (Martinien).

Chronologie croisée des carrières des trois fils de Nicolas Jobert, recteur d’école à Pressigny, et de Jeanne Mulson.

1775 : naissance de François à Pressigny (23 juillet).
1778 : naissance d’Etienne-Nicolas à Pressigny (1er mai).
1781 : naissance de Jean-Baptiste à Pressigny (20 mars).
1793 : entrée en service d’Etienne-Nicolas (6 mai) et de François (17 mai) dans le 3e bataillon d’Indre-et-Loire, affecté à l’armée du Nord.
1795 : François caporal (12 mars), capturé à Manheim (22 novembre), jusqu’au 18 janvier 1796.
1796 : la 129e demi-brigade (où a été versé le 3e bataillon d’Indre-et-Loire) passe dans la 21e demi-brigade.
1798 : entrée en service de Jean-Baptiste dans la 21e de ligne (26 septembre) ; François prisonnier au château de Milan (novembre 1798 – juillet 1800).
1800 : François sergent (25 juin) puis sergent-major (28 juin) ; Etienne-Nicolas caporal (8 décembre).
1802 : François adjudant-sous-officier (2 mars) ; Etienne-Nicolas sergent (17 juillet).
1803 : François sous-lieutenant (30 mai), à 28 ans ; Etienne-Nicolas sergent-major (23 juillet).
1804 : François lieutenant (16 avril).
1806 : Etienne-Nicolas blessé d’un coup de feu au bras droit à Iéna (14 octobre).
1807 : Etienne-Nicolas chevalier de la Légion d’honneur (14 avril) comme sergent-major au 21e.
1809 : François capitaine (20 février) ; Etienne-Nicolas sous-lieutenant (7 juin), à 31 ans, blessé de deux coups de feu à l’épaule et à la cuisse droites à Wagram (6 juillet) ; sous-lieutenant au 21e, Jean-Baptiste s’illustre au combat du 29 juin dans une île du Danube près de Presbourg, où il est blessé de cinq coups de feu, puis est blessé à Wagram, enfin fait membre de la Légion d’honneur (21 septembre), à 28 ans.
1810 : Etienne-Nicolas lieutenant (11 mai).
1811 : Etienne-Nicolas officier payeur (17 décembre), jusqu’au 14 janvier 1812.
1812 : François chevalier de la Légion d’honneur (2 septembre), promu chef de bataillon (23 septembre) à 37 ans ; Etienne-Nicolas capitaine (18 juin), blessé à Valoutina (19 août) ; Jean-Baptiste, capitaine, blessé à La Moskowa (7 septembre). Note : les trois frères étaient capitaines au 21e de ligne durant la Campagne de Russie.
1813 : Jean-Baptiste retraité (13 février) ; Etienne-Nicolas, retraité, cesse de servir le 1er juillet ; François major en premier (7 septembre), passé au 69e de ligne, blessé d’un coup de feu au mollet gauche à Kenmitz, en Saxe (18 septembre).
1814 : Jean-Baptiste marié à Pierrefaites, en Haute-Marne ; François chevalier de Saint-Louis (27 novembre) ; Etienne-Nicolas remis en activité au 21e de ligne (7 mars), décoré de l’ordre du Lys par le duc d’Angoulême (2 août).
1815 : Etienne-Nicolas commissionné aide de camp (12 janvier), jusqu’au 3 septembre (il se retirera à Pressigny) ; Jean-Baptiste capitaine de la 3e compagnie du 2e bataillon de chasseurs de la garde nationale de la Haute-Marne, durant les Cent-Jours ; François licencié du 69e de ligne.
1823 : décès d’Etienne-Nicolas à Dijon, en Côte-d’Or (12 août), à 45 ans.
1833 : décès de François à Guyonvelle, en Haute-Marne (15 mai), à 58 ans. Il était juge de paix du canton de Laferté-sur-Amance.
1857 : Jean-Baptiste médaillé de Sainte-Hélène.
1867 : décès de Jean-Baptiste à Pierrefaites (novembre), à 86 ans.

mercredi 28 avril 2010

"Grognards de Haute-Marne" à l'honneur


Notre ouvrage "Grognards de Haute-Marne", paru en juin 2009, vient de faire l'objet d'une présentation dans la publication de la Région Champagne-Ardenne (RCA Mag, n°72, printemps 2010).

L'ouvrage est toujours disponible aux éditions Dominique Guéniot, à Langres.

http://editionsgueniot.over-blog.com/

jeudi 8 avril 2010

Le capitaine Remy Henry : une captivité de six ans

Remy Henry voit le jour à Giey-sur-Aujon, dans le canton d’Arc-en-Barrois, le 7 novembre 1763. Son père, Claude, est blanchisseur dans la commune, effectivement réputée pour sa manufacture de toiles de coton. Mais Remy choisit la carrière militaire. En 1784, il est enrôlé au régiment d’Orléanais, futur 44e régiment d’infanterie. A la Révolution, on le retrouve, à sa création, instructeur au 2e bataillon de volontaires de l’Oise commandé par Langlois. Il est promu lieutenant le 19 ventôse an II (mars 1794), puis capitaine le 9 vendémiaire an III (30 septembre 1794), avant de passer, avec son bataillon, dans la 26e demi-brigade. Il a 31 ans.
Réformé en l’an VI, le capitaine Henry est rappelé au service pour rejoindre la 95e demi-brigade, l’année suivante. Il trouve le temps, en l’an VII, de se marier, dans son village natal, avec Marie-Françoise Humbert, fille d’un marchand.
Avec le 95e de ligne, Henry se bat en Pologne. Il s’y distingue, puisqu’il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 14 avril 1807, le même jour d’ailleurs qu’un homonyme servant dans le même régiment, le capitaine Henry.
Il semble que le Haut-Marnais passe ensuite dans le 6e régiment provisoire d’infanterie, créé notamment grâce au 95e de ligne, puisqu’il est fait prisonnier le 19 juillet 1808 à Baylen, en Espagne. Or le 95e, affecté au 1er corps du maréchal Victor, ne participe pas à cette bataille, première grande défaite de l’ère napoléonienne.
La captivité du capitaine Henry sera longue : six années. C’est le 26 mai 1814 qu’il peut enfin rentrer en France. Durant les Cent-Jours, qualifié de capitaine retraité, il est désigné capitaine de la 4e compagnie du 8e bataillon de la garde nationale de la Haute-Marne, le 25 juin 1815. En demi-solde, il reste domicilié à Giey, où il meurt le 7 mai 1847, à l’âge de 84 ans.

vendredi 26 mars 2010

Le colonel Horiot, tombé à Wagram

Il est couramment admis que Paul-Marie Horiot a vu le jour le 3 mars 1769 à Provenchères-sur-Meuse, dans le canton de Montigny-le-Roi. Date et lieu de naissancce sont par exemple donnés par l’historien Pierre-G. Jacquot dans sa thèse sur les bataillons de volontaires nationaux haut-marnais. Le fameux sergent Fricasse confirme qu’Horiot était natif de Provenchères. Et dans Les Cahiers haut-marnais, Henry Ronot précise que le nouveau-né est fils de Claude, commis dans les bois seigneuriaux de Provenchères, et de Marguerite Crance.
Toutefois, nous n’avons pas trouvé trace de ce baptême dans les registres paroissiaux de Provenchères. Ni dans ceux de Marcilly-en-Bassigny, où vivait le couple Horiot-Crance jusqu’en 1768 au moins. Ni encore dans ceux de Dammartin-sur-Meuse, dont dépendait le lieu-dit Malroy : car selon son dossier de légionnaire, c’est à Malleroy (sic) que serait né Paul-Marie Horiot… Des pages de registres seraient-elles manquantes ?

Toujours est-il que le jeune homme s’engage, à 25 ans, au régiment d’artillerie d’Auxonne (futur 6e régiment d’artillerie), le corps où servaient le futur général Dommartin et le futur colonel Le Masson du Chesnoy, tous deux originaires de Dommartin-le-Franc. Canonnier, Horiot quitte le service le 15 août 1791, et est élu capitaine au 3e bataillon de volontaires nationaux de la Haute-Marne, le 18 (ou 23) octobre 1792. Il en commande la 2e compagnie.
Avec ce bataillon, le capitaine Horiot se bat dans le Nord de la France, passe dans le 3e bataillon de la 127e demi-brigade, puis dans le 2e bataillon de la 3e.
Selon son colonel, Horiot était un officier « qui a beaucoup de tenue et de conduite, un homme de guerre des plus distingués… Le 13 messidor an II (Note : 1er juillet 1794), à la prise de Mons, il tourna une batterie de deux canons et un obusier dont il s’empara ainsi que de six caissons… A la bataille de Novi, le commandant Horiot servit utilement. » C’est surtout, à partir de 1799, en Ligurie, qu’il se distingue. Promu chef de bataillon le 21 germinal an VIII (11 avril 1800), il reçoit, quatre jours plus tard, un coup de feu à l’omoplate droite le 25 germinal an VIII (15 avril 1800), sur les hauteurs de Savone. Il passe ensuite, le 1er prairial an VIII (21 mai 1800), dans la 97e demi-brigade. Selon le docteur Ronot, Horiot aurait été capturé lors de la chute de Gênes (4 juin 1800).

Il obtient un congé de réforme pour infirmité le 15 brumaire an IX (6 novembre 1800). Temporairement, car Horiot reprend en effet du service et retrouve la 3e de ligne le 21 brumaire an X (11 novembre 1801), remplaçant Lavergne (mort à Gênes), commandant le 1er bataillon.
Rappelons quels sont les officiers haut-marnais de ce régiment, cantonné en l’an XI au camp de Bayonne : le chef de bataillon Horiot, les capitaines L.P. Cirel (Joinville), N. Létang (Saint-Dizier), J.P. Létang (le frère du précédent ?), P.J. Fleury (Saint-Dizier) et J.B. Laignelot (Valleroy), les lieutenants C.L. Matrot (Bourbonne), C. Bogny (Saint-Dizier), J. Cousin (Sarcicourt) et J.B. Ragot (Arc-en-Barrois), les sous-lieutenants J.B. Théveny (de Saucourt-sur-Rognon ?), J.B. Klein (Saint-Dizier), F. Cirel (Joinville) et J. Cordier.

Membre de la Légion d’honneur le 25 prairial an XII (14 juin 1804), il semble se battre en Autriche puisque selon Martinien, le chef de bataillon Horiot, du 3e de ligne, est blessé le 16 novembre 1805 à Hollabrunn. Il aurait même été fait prisonnier à cette occasion. Major du 23e léger le 27 septembre 1806, il se bat à Essling. Colonel de ce régiment (division Durutte de l’armée d’Italie) le 30 mai, il est tué Wagram le 6 juillet 1809, ayant eu la tête emportée par un boulet de canon.

mercredi 10 mars 2010

La curieuse destinée du général "Brassager"

Dans ses écrits, l'historien Jean Carnandet, repris par Alcide Marot, évoquait, parmi les enfants de Bourmont, un certain François-Félix Demange, né à la fin du XIXe siècle, fils d’armurier, qui a pris part à la campagne d’Espagne, est devenu officier, membre de la Légion d’honneur, s’est battu en Algérie puis surtout, après avoir été journaliste, aurait rejoint l’armée portugaise du roi Miguel, au sein de laquelle il serait mort, comme général, à l’attaque d’un pont, sous le pseudonyme de Brassager !
Si l’histoire est véridique, ce serait là une bien curieuse destinée.

Elle est authentique. Il existe bien un François-Félix Demange, membre de la Légion d’honneur, né non pas à Bourmont, mais à Aix-la-Chapelle, le 30 janvier 1799. Il est le fils de Hyacinthe Demange, militaire tombé le 2 mai 1813 à la bataille de Lutzen, et d’Isabelle-Victoire-Joséphine Behaghel. Il ne fait aucun doute qu’Hyacinthe Demange était Haut-Marnais d’origine (les Demange sont légion à Poissons, par exemple), puisque sa veuve est située à Clefmont, en 1820.

Si l’on en croit son dossier de légionnaire, François-Félix aurait été soldat au 1er régiment d'infanterie légère dès l’âge de 10 ans (en 1809), et promu sergent-major à seulement 14 ans ! Il prend en effet part à la Campagne d’Italie de 1813-1814 et est blessé le 12 mars 1814. Passé au 6e régiment d’infanterie de la garde royale (commandé par un Haut-Marnais), garde de corps du roi avec rang de sous-lieutenant en 1820, il participe effectivement à l’expédition d’Espagne de 1823, comme sous-lieutenant de grenadiers du 34e régiment d'infanterie de ligne.
Là s’arrête l’énumération de ses états de services dans son dossier.

C’est alors que L’Ami de la religion nous est d’un grand secours. Dans sa revue de presse, cette publication évoque l’existence d’un Français nommé Brassager qui, major se battant aux côtés de Miguel, roi du Portugal (en conflit avec son frère), a été promu lieutenant-colonel après sa conduite au siège d’Oporto, le 25 juillet 1833. L'officier correspondrait à un ancien chef vendéen nommé Diot. Faux, rétorque une publication marseillaise, La Gazette du Midi : elle affirme que « Brassager » n’est pas Diot, et qu’elle connaît, sans la révéler, sa véritable identité. Et pour cause ! De Mange (sic) est un de ses gérants… Il était même recherché, pour ses écrits, par la police marseillaise. Est-ce la raison de son départ pour le Portugal ? Toujours est-il, selon L’Ami de la religion, que « Brassager », après Oporto, après des combats devant Lisbonne, après s’être battu sur le Tage, après avoir coulé un bateau appartenant à don Pedro, a été tué, comme général de brigade aide de camp de don Miguel, à l’affaire de Santarem, le 18 février 1834.
Ainsi aurait pris la fin la destinée d’un Haut-Marnais d’origine, sous-officier à 14 ans, officier de l’armée du roi Louis XVIII puis de Louis-Philippe, journaliste et général portugais…

PS : l'excellent site de Frédéric Berjaud, "Soldats de la Grande-Armée" (http://frederic.berjaud.free.fr/), qui donne un historique détaillé du 1er léger, confirme la présence, comme maître armurier, au sein de ce régiment, en 1807, d'un certain Nicolas Demange, né en 1772. Sans doute le père de François-Félix, ce qui expliquerait la présence de ce dernier au sein du 1er léger.

mardi 9 mars 2010

Le raid du général Piré dans la vallée de la Marne

Du 22 au 29 mars 1814, la division de cavalerie légère du général de Rosnyvinen de Piré, un ancien chouan breton de 36 ans, a mené un véritable raid le long de la vallée de la Marne, dans le département de la Haute-Marne alors occupé par les troupes alliées. Cela commence par un « hurrah » dans les rues de Saint-Dizier puis, via Joinville et Cirey-sur-Blaise, se poursuit par l’entrée dans Chaumont et une pointe poussée jusqu’à Langres. Ce raid explique que la division Piré ne soit pas présente au combat de Saint-Dizier du 26 mars.
La relation qu’en a faite l’adjudant-commandant Petiet, chef d’état-major de la division, a cet intérêt de montrer tout le patriotisme dont faisaient preuve les Haut-Marnais.

Cette division se composait du 3e hussards, aux ordres du capitaine Barthélémy puis du chef d’escadron Roux, du 27e chasseurs à cheval du major Muteau, du 14e chasseurs du chef d’escadron Arnaudet, et du 26e chasseurs, dont le colonel Miller a été tué à Saint-Dizier le 27 janvier 1814 puis dont le chef d’escadron Müller puis le colonel Robert ont pris le commandement.

"Le 22 (mars), le 5e corps de cavalerie se met en marche à six heures du matin, et reprenant le chemin de Vitry, se dirige vers cette place. En arrivant sur la Marne, nous trouvons l'empereur qui nous avait précédés avec une partie de sa garde. Il ordonne au comte Milhaud (Note : général commandant le 5e corps de cavalerie) de passer la rivière à gué, de se mettre en bataille avec ses dragons vis-à-vis de Vitry, qui était occupé par une garnison russe, de sommer le gouverneur de se rendre, en le prévenant que s'il s'y refusait, il serait enlevé de vive force. Ce gouverneur ne se laissa pas intimider. Cependant les colonnes de l'armée arrivaient successivement ; Napoléon fait appeler le général Piré, lui dit de joindre à sa division une brigade de dragons et une demi-batterie d'artillerie légère, puis, malgré l'heure avancée et la longueur du chemin, de se rendre avant la nuit à Saint-Dizier, de s'emparer de cette ville et d'en chasser l'ennemi qui y avait établi un grand dépôt. L'empereur prévient en même temps le général Piré que la cavalerie sous ses ordres formera la tête de colonne, et qu'il sera immédiatement soutenu par les généraux Defrance (Note : ce Wasseyen commande les gardes d’honneur) et Saint-Germain.
Surprise de Saint-Dizier.
La division passe le gué de la Marne, se jette sur la grande route de Vitry à Saint-Dizier, et marche avec célérité sur cette dernière ville. Un officier d'état-major, qui nous rejoint à quelque distance, arrête la brigade Ludot (Note : des dragons du 5e corps de cavalerie) par ordre supérieur. Nous regrettons beaucoup les deux braves régiments qu'on nous ôte ; mais nous continuons notre entreprise avec la même ardeur et la même confiance. Les renseignements que nous recueillons en route et particulièrement à Perthes, nous font connaître que l'on ne nous attendait pas à Saint-Dizier, et que nous avons toute certitude d'y surprendre l'ennemi. Un bataillon russe et un bataillon prussien, appuyés d'un certain nombre de cosaques composaient la garnison de la ville. Un équipage de pont du général russe comte de Langeron venait d'en partir pour Joinville, et tous les débouchés de Saint-Dizier étaient encombrés de voitures russes, de vivres et de bagages. Le général Piré, qui connaissait bien les localités, se décide à risquer une charge dans la ville ; il en fait prévenir le général Defrance, et l'avertit qu'environ 200 chevaux d'attelage ou de cosaques sont occupés à fourrager sans aucune précaution à Haute-Fontaine et Ambrière-sur-Marne, villages à une demi-lieue à droite de la route. Il l'engage à couper leur retraite sur Saint-Dizier, et à tâcher de s'en rendre maître. La charge s'exécute avec succès dans la ville, aux acclamations des habitants ; les deux bataillons ennemis attaqués au moment où ils essaient de se former, sont entièrement sabrés ou pris, et on s'empare de deux à trois cents voitures. Le colonel Lebailly, commandant la place pour les Prussiens (Note : nous n’avons trouvé aucun renseignement relatif à cet officier sans doute Français ou d’origine française), reste au nombre des morts. Son adjudant et le commissaire des guerre sont faits prisonniers : nous prenons encore 900 hommes, 300 chevaux et les magasins. La division poursuit les Cosaques dans la direction de Ligny et de Joinville. On atteint aussi quelques fuyards ainsi que l'équipage de pont. Le général Subervie (Note : brigadier dans la division Piré. En théorie, il commande le 3e hussards et le 27e chasseurs) s'empare, sur la route de Joinville, de six charrettes chargées de pain. Les paysans, qui avaient beaucoup souffert des excès de l'ennemi, arrivèrent en foule, firent des prisonniers et se jetèrent sur les bagages et l'équipage de pont qu'ils pillèrent et brûlèrent avant qu'on put y mettre ordre. D'un autre côté, le général Defrance avait fait de si bonnes dispositions, qu'il enleva les 200 fourrageurs ennemis. Le général comte Saint-Germain s'était arrêté à Perthes. Les généraux Piré et Defrance, avec leur cavalerie, occupèrent Saint-Dizier en se gardant sur tous les points, la campagne étant remplie des partis de l'armée alliée. Les habitants de Saint-Dizier nous reçurent avec la plus vive allégresse, et s'empressèrent de donner à nos troupes tous les secours et vivres qui leur furent nécessaires.
L'empereur, dont le quartier-général était à Frignicourt, ayant reçu le rapport de cette affaire, en fait témoigner sa satisfaction par le major-général.
II détache aussitôt la division du ( ?) corps de cavalerie ; informe le général Piré des mouvements de troupes qu'il projette pour les jours suivants, et lui enjoint de marcher sur Joinville et de jeter des partis sur la route de la Lorraine et de Chaumont. Nous sommes chargés de détruire les nombreux dépôts de l'ennemi établis dans ces diverses contrées et surtout d'intercepter ses communications ; c'était la conséquence de la marche qu'on venait de faire et qui avait coupé sa ligne d'opération.
La division ne comptait plus que 450 chevaux fatigués par une campagne fort active. Nous ferons connaître comment elle exécuta ces instructions avec si peu de monde.
Le 23, à six heures du matin, on rallie les régiments; nous suivons le chemin de Joinville. Nous y arrivons sans obstacle. L'officier autrichien qui commandait cette place s'enfuit à notre approche avec une soixantaine de cavaliers, mais si précipitamment, qu'il n'a pas le temps de faire prévenir un détachement de 80 gardes du corps prussiens, cantonnés au village de Mathons, à deux lieues de la ville. Ces jeunes gentilshommes arrivaient de Prusse pour rejoindre leur armée. Un parti des 3e de hussards et 26e de chasseurs, commandé par le colonel Robert (Note : il a succédé au colonel Miller, tué à Saint-Dizier le 27 janvier 1814, puis au chef d’escadron Müller), se porte sur le champ vers le point indiqué. Les Prussiens, dans la plus parfaite sécurité, sont pris dans les diverses maisons du village, sans faire aucune résistance. Amenés à Joinville, 100 chevaux de race sont répartis dans la division, et cette remonte double le prix de notre succès. Le général comte de Saint-Germain, qui nous avait suivi, s'était posté avec son corps de cavalerie à Eurville. Vingt-cinq hommes de la garde nationale conduisirent les prisonniers à Saint-Dizier. Dans la nuit nous reçûmes l'ordre de revenir sur Doulevant et d'y précéder l'armée qui devait s'y rendre dans la journée du 24.
Nous marchons jusqu'à la hauteur de Courcelle (Note : sans doute Courcelles-en-Blaise), sans avoir de nouvelles de l'ennemi. Notre escadron d'avant-garde l'ayant rencontré sur le chemin de Doulevant, prend une centaine de Bavarois, des officiers supérieurs, des voitures richement chargées et quelques beaux chevaux de main. Ce détachement bavarois se rendait au dépôt général des alliés à Nancy. Les habitants de Doulevant nous indiquent les établissements de l'ennemi, et nous préviennent que nous pourrons lui faire beaucoup de mal, parce qu'il ne soupçonne pas notre présence. On nous informe qu'il a un grand dépôt à Chaumont ; que 450 voitures de vivres et de fourrages sont réunies à Colombey-les-Deux-Eglises, sur le chemin de Bar-sur-Aube à Chaumont ; enfin, que des officiers d'état-major vraisemblablement blessés ou malades, se trouvent avec leurs chevaux de main, et leurs équipages dans les villages sur la route de Doulevant à Bar-sur-Aube, et dans la vallée de Cirey. Nous envoyons aussitôt des patrouilles dans ces directions, et le grand quartier-général étant arrivé à Doulevant, la division se place à Daillancourt, en passant par Cirey. Les éclaireurs rentrent en ramenant des prisonniers, des chevaux et des voitures. Un grand nombre de lettres particulières de l'ennemi tombent en nos mains, et nous font connaître combien les étrangers sont irrités contre la France, et surtout contre Napoléon.
Le 23, tandis que la division Hcnrion, de la Jeune garde, occupait Bar-sur-Aube, nous nous séparons de nouveau de l'armée qui rétrogradait sur Saint-Dizier. L'empereur, avec le peu de forces qui lui restait, avait espéré éloigner de la capitale le théâtre de la guerre, en donnant de l'inquiétude aux alliés sur leurs communications avec le Rhin. Ceux-ci n'avaient fait suivre l'armée française que par le corps de Wintzingerode, et s'étaient dirigés en masse vers Paris. D'après les dispositions de Napoléon, les maréchaux ducs de Trévise (Note : Mortier) et de Raguse (Note : Marmont, commandant le 6e corps), placés sur la Marne, devaient venir nous joindre avec leurs troupes à Saint-Dizier ; mais ils rencontrèrent l'ennemi en force supérieure, qui les fit replier avec perte sur la capitale. Les rapports des prisonniers ayant fait soupçonner à l'empereur le véritable mouvement des alliés, il rétrograda pour s'en assurer, et poussa une forte reconnaissance sur saint-Dizier.
Pendant ce temps, la division de cavalerie légère prend la route de Chaumont, par Colombey-Ies-Deux-Eglises. Nous nous emparons, chemin faisant, d'une soixantaine de fourrageurs, parmi lesquels se trouvent des officiers russes. Nous apprenons que l'ennemi a occupé Vignory la veille avec 500 chevaux qui en sont partis le matin pour se retirer à Cliaumont. La plus grande confusion régnait dans cette dernière place depuis 24 heures ; à la nouvelle de notre approche, on s'était hâté d'évacuer sur Langres les troupes et le matériel. Ces détails nous furent confirmés à notre arrivée à Juzennecourt par un postillon de Chaumont, expédié à cette poste comme estafette avec le paquet de la correspondance des alliés. Le général de division envoya ce paquet par un aide-de-camp, au major-général (Note : Berthier). Nous entrâmes à Chaumont qui ne nous fut point disputé. Une de nos reconnaissances dirigée sur Langres, rendit compte que l'ennemi s'y retranchait et qu'il y réunissait quelques troupes. L'empereur d'Autriche avait quitté Bar, la veille, peu de temps avant l'arrivée des Français, et s'était rendu à Dijon. Les autres patrouilles rapportèrent que l'esprit du pays était excellent, qu'elles avaient été reçues partout avec enthousiasme, qu'on leur donnait avec empressement tous les renseignements possibles, et que les habitants, indignés de l'oppression des troupes étrangères, demandaient des armes et voulaient combattre avec nous.
La journée du 26 est employée à envoyer des partis et des estafettes sur tous les points. Le bruit de notre arrivée s'étant rapidement répandu dans le pays, les maires des communes les plus rapprochées s'empressent de nous adresser des courriers, pour nous faire part des bonnes dispositions des habitants. Ils nous offrent leurs services et sollicitent leur armement, afin de chasser les alliés dont la conduite, dans cette partie de la France , a exaspéré tous les esprits. On envoie ces renseignements au quartier impérial, en même temps qu'un nouveau paquet de la correspondance de l'ennemi. Le maître de poste de Clefmont, qui nous l'apporte, nous remet aussi une circulaire de M. le comte d'Alopéus, gouverneur de la Lorraine pour les Russes (Note : David, comte d’Alopeus, diplomate russe né en 1769). Cette circulaire prescrit aux maîtres de poste sur la ligne, de tenir prêts 20 chevaux pour le passage de personnages importants, qui doivent partir de Nancy le 26 au matin, pour se rendre près des souverains alliés.
Pendant que nous cherchions à deviner quels pouvaient être ces personnages importants, et qu'on se perdait en conjectures, un exprès de Neufchèteau nous instruisit que les voyageurs venaient d'y arriver; c'étaient des agents diplomatiques, et on tâchait par toutes sortes de moyens, de leur cacher notre présence à Chaumont. L'exprès ajouta que leur intention étant de partir le lendemain pour cette ville, ils ne pouvaient manquer d'être pris. D'après ces renseignements, un détachement du 27e de chasseurs se mit en marche par la traverse pour se rendre à Prey (Note : Prez-sous-Lafauche), en laissant Andelot sur la gauche. L'officier avait l'ordre le plus formel de veiller à la sûreté des voyageurs, et de les amener le plus promptement possible au quartier-général de la division ; mais déjà une troupe nombreuse de paysans, armés pour la défense de leur territoire, s'était réunie à Morvilliers (Note : dans les Vosges) et s'y était placée en embuscade. Le corps diplomatique parti de Neufchâteau sans aucune défiance le 27 dans la matinée, et occupant cinq voitures, dont deux à six chevaux, fut arrêté par ce rassemblement, en entrant à Morvilliers. l1 y eut d'abord un grand tumulte ; cependant le convoi se mit en marche pour Chaumont, sans avoir éprouvé aucun mauvais traitement. Le détachement de chasseurs qui se trouvait à Prey (Note : Prez-sous-Lafauche), le prit sous son escorte, et il entra à Chaumont à huit heures du soir. Ces agents diplomatiques, accompagnés d'une douzaine de domestiques, étaient au nombre de huit, savoir : pour l'Autriche, M. le baron de Wesseinberg, ministre plénipotentiaire à Londres, et M. le comte de Palfi, secrétaire d'ambassade, arrivant tous les deux d'Angleterre ; pour la Suède, M. le lieutenant-général de Skiœldebrand, porteur d'une lettre autographe du prince royal de Suède pour l'empereur Alexandre ; un ministre du roi de Prusse venant de Francfort ; deux officiers de la garde impériale russe porteurs de dépêches de Saint-Pétersbourg, et deux autres envoyés ou secrétaires d'ambassade des cours allemandes (Note : selon Alfred de Beauchamp, il s’agit de Wissemberg, ministre d’Autriche en Angleterre, le comte Palfi, son secrétaire de légation, Skioldebrand, ministre de Suède auprès de l’empereur de Russie, Peguilhen, conseiller de guerre prussien, MM. De Tolstoï et de Marcof, officiers d’ordonnance russes. Ces diplomates ont été capturés en fait à Saint-Thiebault, près de Bourmont. Selon la préfecture de la Haute-Marne, un agent des Eaux et Forêts de Bourmont, Henrys, et un négociant bourmontais, Baudoin, sont les principaux acteurs de cette capture.)
Le baron de Vitrolles, envoyé du comte d'Artois, se trouvait avec les ambassadeurs ; sa présence d'esprit le fit sortir d'une position qui aurait pu avoir pour lui les suites les plus funestes. Redoutant d'être reconnu, il conçut le projet, qu'il exécuta à la tombée de la nuit, de se revêtir d'une des capotes de livrée de l'ambassadeur d'Autriche, et il put sur la route et sans se faire remarquer du groupe nombreux et tumultueux qui entourait les voitures, lacérer successivement les papiers qui pouvaient le compromettre. A Chaumont, placé au milieu des domestiques, le baron de Vitrolles fit partie d'une troupe de prisonniers dont il s'évada le lendemain.
Les ambassadeurs remettent les portefeuilles contenant leurs dépêches et instructions au général Piré qui les confie à son chef d'état-major pour les porter à l'empereur. Le corps diplomatique se place sur un grand char-à-bancs qui avait amené les domestiques. Attelée de quatre chevaux de poste, escortée par 50 hussards, la voiture part vers onze heures du soir pour Saint-Dizier; à Joinville, le détachement est relevé par une escorte de gardes d'honneur. Le lendemain 28 à neuf heures du matin, les postillons s'étaient arrêtés au pont de Saint-Dizier sur lequel passait un long convoi d'artillerie, le colonel Pétiet leur prescrit de prendre le gué le long du pont ; ils venaient d'obéir, quand une petite roue de la voiture se détache et tombe dans la rivière. De l'autre côté de ce pont se trouvait la maison occupée par l'empereur qui, en ce moment, la lorgnette à la main, placé à une fenêtre, voyait défiler le convoi d'artillerie ; les uniformes étrangers dans une voiture de poste engagée dans la rivière, frappent naturellement ses regards. Napoléon donne aussitôt l'ordre de débarrasser le pont, et le colonel Petiet livre les prisonniers et leurs portefeuilles à l'empereur au moment où l'armée était déjà en marche pour revenir à Paris par Bar-sur-Aube et Troyes.
Il paraît que Napoléon trouva des renseignements très précieux dans les papiers des agents diplomatiques. Il en parla plusieurs fois avec vivacité, soit au prince de Wagram (Note : Berthier), soit au duc de Bassano, et il s'empressa de faire repartir le baron de Wessemberg, en le chargeant pour l'empereur François, d'une lettre, dont il espérait le résultat le plus avantageux.
Pendant les journées des 25, 26 et 27, que la division passa à Chaumont, le terrain, à quinze lieues à la ronde, avait été parcouru et occupé par nos hussards et chasseurs. De nombreux équipages appartenant à des généraux russes et autrichiens avaient été saisis. Des correspondances s'étaient formées par estafettes avec les maires de la Bourgogne et de la Lorraine, provinces au pouvoir de l'ennemi. Un mouvement général se préparait dans ces contrées, et on ne craint pas d'affirmer d'après les rapports positifs qui nous parvinrent à cette époque, qu'on aurait organisé sur les derrières des alliés une insurrection tellement considérable, que toutes leurs communications se seraient trouvées interceptées. Un rapport très détaillé à ce sujet fut adressé à l'empereur, et on lui proposait d'employer la division de cavalerie légère à fomenter, organiser et soutenir ce mouvement national. Mais Napoléon, préoccupé des événements qui menaçaient Paris, dont le danger lui avait été démontré par la défaite de Wintzingerode (Note : le 26 mars à Saint-Dizier) qu'aucun corps ennemi ne soutenait, ne songea plus qu'à rétrograder sur la capitale, et négligea le meilleur moyen, peut-être, d'en rendre l'invasion inutile et momentanée.
Le 28, le général de division, informé par une dépêche du major-général du retour de nos troupes par la Champagne, évacua Chaumont, et se porta à Vignory pour réunir ses détachements et couvrir le flanc gauche de l'armée. Il reçut bientôt une autre dépêche du prince de Wagram, qui lui prescrivait de ne s'arrêter que le temps nécessaire pour rafraîchir les chevaux, jusqu'au moment où il aurait repris l'avant-garde.
Dans la nuit, la cavalerie légère se mit en mouvement par Colombey-les-Deux-Eglises, Bar-sur-Aube et Vandœuvres, et ne s'arrêta qu'à Daudes ( ?), le 29 au soir. Cette marche forcée continua le lendemain par Troyes et la route de Sens jusqu'à Paizi-Caudon ( ?). Tout ce pays entièrement ravagé par la guerre dont il avait été plusieurs fois le théâtre, ne présentait plus de ressources, et nous eûmes beaucoup de peine à nous procurer des vivres et des fourrages."

vendredi 5 mars 2010

Le combat de Laferté-sur-Aube, 27 février 1814

Livré, hors du commandement direct de Napoléon, pendant la bataille de Bar-sur-Aube, le combat de Laferté-sur-Aube, qui intervient les 27 et 28 février 1814, est moins connu en Haute-Marne que ceux de Choignes ou de Saint-Dizier. Plusieurs relations en ont été faites. Voici d’abord celle de celui qui était alors l’adjudant-commandant (colonel d’état-major) Auguste Petiet, né à Rennes en 1784. Fils de ministre, ancien aide de camp de Soult, promu colonel en 1813, il était le chef d’état-major de la division de cavalerie légère du général Piré – un Rennais lui aussi. Général aux Cent-Jours, il servira en Algérie, sera député et mourra en 1858.

Cette division Piré, appartenant au 5e corps de cavalerie du général Milhaud, comprenait notamment le 14e chasseurs à cheval dont le chef de corps en titre était un Haut-Marnais, le colonel Hilaire Lemoyne, de Chaumont. Lisons Petiet.

"Le 26 (février), la cavalerie légère et une brigade de la division Brayer (Note : du 11e corps du maréchal Macdonald) se portent à Fontette, observant le chemin qui traverse la forêt de Clairvaux, pour se rendre à Laferté. L'ennemi couvre le défilé par une grand'garde de 200 hommes. La division Briche (Note : composée de dragons du 5e corps de cavalerie) se place à Essoyes, la division L'Héritier sur la route de Chatillon à Mussy, le général Albert à Mussy-l'Évéque, quartier du maréchal Macdonald, commandant en chef. Le parc d'artillerie reste provisoirement à Bar.
Le 27, les Russes présentent environ 600 chevaux, qui sans doute venaient nous reconnaître. Au même instant, le général Piré, ayant reçu l'avis que l'armée se portait en avant, fait attaquer les 600 chevaux ennemis par sa cavalerie légère, et ils sont enfoncés et culbutés dans la forêt de Clairvaux. En débouchant sur les hauteurs qui couronnent Laferté-sur-Aube, nous avions déjà fait souffrir à l'ennemi une perte de 160 hommes tués, blessés ou prisonniers : affaire brillante, où le 3e régiment de hussards se distingua particulièrement. Nous trouvons l'arrière-garde ennemie en bataille devant Laferté, et l'armée du prince de Schwartzenberg, formée en plusieurs lignes sur la rive droite de l'Aube. La division Briche et l'infanterie du général Brayer étant arrivées, une forte canonnade s'engage. L'arrière-garde des alliés tient obstinément pendant deux heures, quoique l'avantage de la position soit pour nous et que, placée dans un fond, elle perd à chaque instant des hommes et des chevaux enlevés par nos boulets. Enfin, elle est rejetée dans Laferté, et, à onze heures du soir, après une fusillade bien nourrie, on parvient à l'en chasser entièrement. La cavalerie légère qui avait pris une belle part à la gloire de cette journée, occupa Villars, et se garda avec précaution pendant la nuit. »


Il s'agit là d'une première affaire, positive. D'autres engagements auront lieu le lendemain, à Laferté et à Silvarouvres, et ils ne prendront pas la même tournure (à suivre).

jeudi 4 mars 2010

La courte carrière du sous-lieutenant de Baudel

La carrière militaire du sous-lieutenant de Baudel a été courte : sept mois. La notice que nous lui consacrons ici sera donc brève.

Nicolas-Errard de Baudel de Baudrecourt est né à Bourmont le 11 juillet 1795. Il est le fils de Claude-François-Xavier Baudel de Vaudrecourt, avocat, et d'une demoiselle de Landrian.
Nicolas est donc le cousin issu de germain de Prosper de Baudel, de Bourmont lui aussi, maréchal des logis au 2e régiment de gardes d'honneur en 1813 (après avoir été élève à l'école de cavalerie de Saint-Germain), futur chef d'escadron de cavalerie et maire d'Haguenau (Moselle).

Il intègre l'école spéciale militaire de Saint-Cyr (ex-Fontainebleau) et en sort au printemps 1813 comme sous-lieutenant. Affecté au fameux 4e de ligne, il prend part à la deuxième partie de la Campagne de Saxe. Nous l'avons exposé : sa carrière militaire est très courte. Le 30 octobre 1813, il est blessé lors de la bataille d'Hanau remportée sur les Bavarois il y a peu encore alliés. Le sous-lieutenant de Baudel succombe à ses blessures le 14 novembre 1813. Il avait 18 ans. Il s'agit de l'officier imparfaitement orthographié Beaudels dans le fameux tableau des officiers tués et blessés dressé par Martinien.
Ces informations ont essentiellement été puisées dans un ouvrage consacré à la famille de Landrian.

mardi 23 février 2010

Un autre éclairage sur l'industrie

Un autre éclairage sur l’industrie haut-marnaise sous l’Empire nous est apporté par l’almanach du commerce de 1809. Le recensement des productions principales du département fait la part belle à l’agriculture : il cite le blé, le seigle, l’orge, l’avoine, la graine de navette (une plante), le colza, le chanvre, les bestiaux, des « vins de seconde qualité parmi lesquels ceux d’Aubigny, qui valent bien ceux de Bourgogne », le bois pour la construction de bateaux, enfin les fers.

Un rapide tableau des principales forges montre une prédominance de l’arrondissement de Chaumont, devant ceux de Langres et, plus surprenant, de Wassy (une seule !). La tendance s’est depuis bien inversée.

Les forges citées sont :
. Chevroley, à Dancevoir (Poussy). Elle appartenait avant la Révolution à l’abbaye de Longuay.
. Ecot-la-Combe (Michel frères). Les deux frères – Claude-Joseph-Alexandre (1767-1839) et Gaspard Nicolas (1768-1835) – possèdent, sous l’Empire, les établissements de Noncourt-sur-le-Rongeant, La Crête et Ecot.
. Forcey (Gavet). Un chef de bataillon d’Empire, Pierre Magnien, de Millières, travaillera sous la Restauration auprès du sieur Gavet.
. Marault (Richard).
. Ormoy-sur-Aube et Lanty-sur-Aube (Saint-Maur).
. Riaucourt (Robin).
. Colmier (Maître). Il existait en effet une forge à Colmier-le-Bas (canton d’Auberive).
. Montreuil-sur-Blaise (Adrien).
A titre de comparaison, la Côte-d’Or voisine possède, la même année, 41 forges, en particulier dans l’arrondissement de Châtillon-sur-Seine ! La Haute-Marne était donc loin d’être la capitale métallurgique qu’elle deviendra à la moitié du XIXe siècle.

Dans le domaine de la coutellerie, rapidement évoqué dans notre précédent article, l’almanach tient à citer les artisans de Nogent (Renault, Mongin, Milliard Guichenot) et de Langres (parmi lesquels Béligné, toujours en activité, la Veuve Populus, Mocquart). Et si Saint-Dizier deviendra plus tard un haut-lieu de la métallurgie française, c’est surtout pour ses bateaux et pour son bois (un « commerce considérable » dira même le document) que la cité sur la Marne était alors renommée.

samedi 20 février 2010

L'industrie haut-marnaise sous le Premier Empire

Une fois n’est pas coutume, nous allons sortir du cadre militaire de ce blog pour nous intéresser à l’industrie haut-marnaise sous l’Empire. La riche présence de forêts, de rivières et de minerai de fer a permis en effet, dès le Moyen-Age, l’émergence d’une industrie au sein de laquelle la « métallurgie » tenait une part prépondérante.

Deux documents vont nous aider à aborder modestement ce sujet : l’annuaire de 1811 du département de la Haute-Marne, et surtout un catalogue des « objets envoyés à l’exposition des produits de l’industrie française », publié en 1806.

Un chiffre évocateur révélé par l’annuaire : la présence, sur le sol haut-marnais, de 975 usines, dont 87 forges, employant un total de 4 000 ouvriers. Ce sont ces forges qui vont attirer d'abord notre attention. Parmi les usines dont les produits ont été mis en valeur par le catalogue de 1806, figurent :

. les forges de Morteau et de La Crête (canton d’Andelot). Elles appartiennent alors à Jean-François Guyenot de Chateaubourg, qui a également acquis la fonderie de Manois au début de la Révolution. Selon la notice consacrée à Morteau, « la plus petite commune de France », le haut-fourneau de ce petit village date de 1676 et cessera de fonctionner au XIXe siècle,
. les forges d’Orquevaux (canton de Saint-Blin). Les recherches de l’abbé Humblot
(« Mémoires de la société des lettres de Saint-Dizier ») précisent que M. de Broglie en était le propriétaire avant la Révolution, avant qu’elles ne passent entre les mains de Nicolas Billot qui, en 1803, les a louées à Edme Gaide et Hubert Petitjean-Roger – c’est sous l’appellation de Gaide-Roger que le catalogue de 1806 évoque l’entreprise. Au décès de Billot, elles sont vendues à Nicolas Daguin, puis en 1810 à Denis-Simon Caroillon de Vandeul (de la famille de Diderot), que nous retrouverons pas ailleurs. Les forges, qui employaient une centaine d’ouvriers au moins sous la Révolution, fermeront vers 1854. Le village accueillait également une tréfilerie.
. la forge de Rochevilliers, entre Crenay et Villiers-sur-Suize (propriétaire :
M. Robin),
. la forge de Poissons (Mollerat de Riaucourt),
. la forge de Thonnance-lès-Moulins (Mathieu-Louis-Nicolas Marquette de Fleury, né dans l’Aisne en 1748, député au Corps législatif de la Haute-Marne de l’an X à 1815. Sa famille habitait le château de Poissons avec les Mollerat de Riaucourt, son beau-frère),
. la forge de Marnaval (Leblanc, de la famille dite Leblanc de Marnaval, qui s’établira dans l’Indre),
. la forge de Bienville (Jacquot – d’abord Pierre-François, mort en 1807 à Bienville, puis ses fils Léon, Marcel, Joseph, maîtres de forge),
. la forge de Montreuil-sur-Blaise (Jean-Baptiste Adrien, de Wassy, 1766-1843, qui s’est marié en 1789 à Chaumont avec la fille du maître de forge Lessertois),
. le fourneau de Brousseval (Adrien), d’où sortent biscaïens et boulets,
. les clous de Saint-Dizier (Augustin Deschamps),
. les poêles à frire et les cuillers de Biesles (Roch Bonnore et Popin), Selon l’annuaire de 1811, l’activité occupait 300 personnes,
. les couteaux de Langres (veuve Populus et Macquart).

L’on remarquera qu’à aucun moment, dans ce catalogue, n’apparaît le nom de Nogent, qui est pourtant aujourd’hui l’un des plus importants bourgs industriels du département. Toutefois, l’annuaire de 1811 rendra justice à ses artisans en signalant que l’activité coutelière à Langres (Diderot est issu de ce milieu) et Nogent employait 2 000 personnes.

Le catalogue de 1806 vante également les qualités :
. des gants de l’entreprise chaumontaise d‘Aubry et Genuys, et des articles de bonneterie de Lecuillier et Mollot-Simonnot, dans la même ville (en 1788, à Chaumont, Nicolas Mollot, originaire de Vignory, fils d’un marchand bonnetier, épouse une demoiselle Simonnot, fille… d’un marchand bonnetier). L’annuaire de 1811 indique que la ganterie et la bonneterie, tant à Chaumont qu’à Vignory, employait
2 500 ouvriers. Chaumont deviendra une capitale internationale de la ganterie jusqu’au XXe siècle,
. des peaux de vache et de mouton de M. Hastier-Bordet, à Châteauvillain (les Hastier sont des marchands chamoiseurs de ce bourg). Aujourd’hui, la tradition perdure avec la présence de l’usine de fabrication de bottes… Le Chameau,
. des articles de la tannerie de Vieux-Moulins,
. des papeteries de Perrancey et de Saint-Ciergues,
. du verre de Rouelles. Une étude de l’historien langrois Georges Viard précise qu’à la manufacture de glaces, créée en 1759, a succédé une verrerie, propriété de Caroillon de Vandeul, qui employait environ 50 ouvriers sous l’Empire et qui disparut à la moitié du XIXe siècle,
. des toiles peintes de Giey-sur-Aujon,
. du coton d’Auberive. Selon l’annuaire de 1811, la filature employait une centaine de personnes, environ. Il s’agit d’une entreprise installée, dans l’abbaye, par Caroillon de Vandeul (encore lui !). Elle n’est plus en activité à la fin de l’Empire.

N’est pas évoquée, dans le catalogue de 1806, la fabrique de pointes et de chaînettes de Chalvraines, qui selon l’annuaire de 1811 employait la bagatelle de 480 personnes ! Nous savons peu de choses sur cette entreprise, qui produisait des clous d’épingles, en 1802. Jolibois croit savoir que les pointes réalisées étaient dites de Paris.

Si l’on ajoute les 350 employés des « chantiers » de Saint-Dizier, il apparaît donc que l’industrie occupait, en 1811, près de 9 000 personnes, dans un département comptant alors près de 237 000 habitants, soit 3,8 % de la population.

jeudi 18 février 2010

Les Sirodot, deux frères artilleurs langrois

De récentes recherches nous ont permis de retrouver la trace de deux nouveaux officiers. Deux frères, d’ailleurs, les Sirodot, tous deux artilleurs, nés dans une ville qui a déjà donné naissance à de brillants serviteurs de cette arme (Aubert, Lavilette, Maillard de Liscourt, Borelly, Jayet) : Langres.

Joseph Sirodot, qui a vu le jour dans la cité épiscopale le 25 janvier 1774, et Pierre, le 21 juillet 1775, sont les fils d’un avocat langrois, Jean-Baptiste Sirodot (époux de Madeleine Roy), originaire de Bèze en Côte-d’Or.

Les deux frères servent, dès la Révolution, dans l’arme de l’artillerie. L’aîné est promu capitaine le 12 ventôse an VI (2 mars 1798) et occupe, dès 1800 au moins, la fonction de quartier-maître-trésorier du 1er bataillon de pontonniers, qui est basé à Douai (Nord) et dans lequel notamment sert le capitaine Gillet, un Vosgien qui se mariera à Andelot. C’est à Douai que Joseph Sirodot prend pour épouse, en l’an XIII, Ernestine-Alexandrine-Chrétienne Remy de Cantin. L’officier a pour témoin le futur général Armand d’Hautpoul. Il restera quartier-maître-trésorier au moins jusqu’en 1811, année où il figure parmi les membres de la Société libre d’agriculture, sciences et arts du département du Nord, à Douai. Sirodot se reconvertit ensuite dans l’intendance militaire. Chevalier de Saint-Louis (1817), membre de la Légion d’honneur, il est en poste à Vesoul puis à Perpignan (au moins jusqu’en 1835). Il revient dans le village de Bèze, commune dont il est maire et où il décède le 21 décembre 1847. Son fils Napoléon-Adolphe sera à son tour officier et épousera la fille du capitaine Berchet, de Dommarien.

Le cadet, Pierre, appartient, en 1798, à l’état-major du général d’artillerie Dulauloy, lui aussi présent à Douai. Il sert à Naples puis est situé, en 1800, capitaine en second au 3e régiment d’artillerie à pied. Aide de camp du Dulauloy, à l’armée du Hanovre, il est promu chef de bataillon, en 1803 ou 1804 : il n’a pas 30 ans. Membre de la Légion d’honneur, il est rapidement nommé à l’inspection de la manufacture d’armes de Tulle, en Corrèze. Sirodot se fera remarquer en publiant, le 1er vendémiaire an XIII (septembre 1804), un « mémoire sur les ouvriers des manufactures d’armes », dans lequel il prône l’institution d’une masse de secours en direction de ces employés. Il semble que des soucis de santé le contraignent précocement à mettre un terme à sa carrière militaire – en 1810, c’est un chef d’escadron d’artillerie à cheval, Bouchotte, qui occupe le poste d’inspecteur à Tulle.
Entretemps, le 25 octobre 1806, il se marie, à Bèze, commune d’origine de son père, avec Reine-Caroline Rochet, fille de Frédéric, maître de forges – comme de nombreux membres de la famille de celui-ci.
Sirodot s’établira lui-même à Bèze, comme maître de forges associé à Rochet. La société Sirodot-Rochet et compagnie (où l’on fabrique de la tôle d’acier) obtiendra, en 1819, une médaille d’argent. Pierre est encore en vie en 1833, au mariage de sa fille à Bèze (en présence, d’ailleurs, du Haut-Marnais Henrys-Marcilly, conseiller à la cour d’appel de Dijon), et en 1841, mais son décès n’apparaît pas dans l’état civil du village. Son épouse mourra en 1865.

Sources : état civil de Langres et de Bèze ; geneanet ; état militaire de la République française (1804) ; annuaire du département du Nord (1811) ; mémoires du général Boulart ; souvenirs d’Armand d’Hautpoul ; site Internet « Les armées de Napoléon ».

dimanche 14 février 2010

L'odyssée du chevalier Berthemy


Pierre-Augustin Berthemy est, du moins dans son département natal (aucune rue ne lui est dédiée dans sa cité de Montier-en-Der…), l’un des généraux haut-marnais les plus méconnus. Sa vie a été pourtant particulièrement riche en péripéties, l’homme se trouvant à plusieurs reprises aux premières loges de l’histoire impériale : aide de camp du général d’Hautpoul, l’un des plus fameux cavaliers de la Grande-Armée, officier d’ordonnance de Napoléon (avec l’Eclaronnais Deponthon), attaché à la personne du général Savary lors de son ambassade à Saint-Petersbourg, gouverneur du palais des princes d’Espagne, aide de camp du maréchal Murat (roi de Naples), en mission auprès du lieutenant-général russe Koutousov lors de la Campagne de Russie, et pour finir général à titre napolitain. Il y a eu pourtant plus extraordinaire dans la vie de cet « étrange personnage », ainsi que le qualifiera le célèbre historien Frédéric Masson : ce sont ces péripéties qui ont duré plus d’un an et qui l’ont conduit, alors capitaine, de Majorque à Alger… Berthemy les raconte dans ce courrier figurant dans son dossier de la Légion d’honneur.

Il a tenu en effet à rapporter « les événements (qui lui sont) arrivés depuis le 17 mai 1808, partant de Madrid comme officier d’ordonnance pour annoncer, d’après les ordres de SM L’Empereur et roi et ceux de SM le roi de Naples, alors régent du royaume d’Espagne, l’avènement au trône de SM catholique le roi d’Espagne et des Indes et donner des instructions à la flotte espagnole de Mahon. Je m’embarquai à Alicante et ayant eu les vents contraires, je fus contraint de relâcher dans l’île d’Ivica (Ndlr : Ibiza). J’arrivai le 27 mai à Palma, île de Majorque, je trouvai la population dans la révolte la plus complète et je ne dus mon salut qu’en me réfugiant au château de St-Charles. Le 1er juin, je fus transféré à celui de Bellever (Ndlr : Bellver), n’ayant de communication avec qui que ce fût. En juillet 1808, ma blessure s’étant ouverte et ma poitrine me donnant la plus vive inquiétude, je fis demander un chirurgien pour statuer sur mon état. Le rapport fut exact et la junte m’autorisa à me rendre à mes frais, en barbarie. Je quittai donc ma prison le 28 juillet et j’arrivai à Alger le 1er août 1808, après avoir traversé un convoi de 60 voiles anglaises. Le 8 du dit mois, j’en repartis sur un bâtiment marchand algérien. Et le 14, à la hauteur du golfe de Roses, un corsaire catalan armé nous prit et nous conduisit dans les cachots de cette place. Nous y restâmes jusqu’au 25 novembre 1808. Pendant ces quatre mois, nous éprouvâmes toutes les privations imaginables, ayant en outre été pillé et n’ayant aucune ressource, quoi qu’ayant journellement les fièvres. La junte de Gironne craignant la guerre avec le dey d’Alger (si ?) ne s’emparait d’un bâtiment barbaresque, nous autorisa à poursuivre notre voyage jusqu’à Marseille ; mais au vu de cette dernière ville, deux tempêtes consécutives nous rejetèrent des côtes de France à celles de Sardaigne et d’Afrique. Le bâtiment faisant beaucoup d’eau, en n’ayant que six matelots en état de faire la manœuvre, les autres ayant la fièvre, nous fûmes très heureux, après d’aussi grands dangers, d’arriver le 5 décembre 1808 au port de Bougy (Ndlr : Bougie) (Afrique), à 70 lieues à l’est d’Alger. Instruit des événements qui venaient d’avoir lieu à Alger, relativement à la personne du dey, je débarquai, je me déguisai en turc, je formai ma caravane, je traversai une partie de la montagne de l’Atlas, et après avoir couru de nouveaux dangers parmi les peuples des deux contrées, qui sont continuellement en guerre les uns contre les autres, j’arrivai à Alger, pour la seconde fois, le 15 décembre. En janvier 1809, je commençai à me rétablir et j’allais partir pour France (sic), lorsque le dey d’Alger, sur de vains prétextes, ordonna que tous les Français dans son état soient retenus prisonniers de guerre jusqu’à nouvelle décision. Nous restâmes cinq mois constamment menacés de la chaîne et des travaux et consignés aux portes de la ville. Enfin, le 21 juin dernier, nous quittâmes la Barbarie au nombre de sept bâtiments où étaient embarqués une quarantaine de Français. Un coup de vent nous dispersa et le 1er juillet dernier nous arrivâmes au nombre de trois aux atterrages de Marseille lorsqu’une frégate anglaise nous visita et nous conduisait à Mahon, sur le prétexte que les côtes de France étaient bloquées. Mais le capitaine du corsaire algérien sur lequel je m’étais embarqué, par une manœuvre hardie, quitta l’ennemi et nous conduisit finalement aux îles de Pomègue (Ndlr : Pomègues). Le 2 juillet dernier, j’entrai au Lazaret de Marseille et après une quarantaine longue et sévère, le bâtiment étant chargé de coton du Levant, je me rendis à l’armée où (Duroc), me présenta le 20 septembre dernier (à Napoléon) qui daigna m’accueillir avec bonté et me rappeler lui-même les époques des mes malheurs… »
Ce rapport, daté du 6 novembre 1809 – Berthemy réside alors au 7, rue de Lille, hôtel de l’Elysée à Paris -, et dont le destinataire nous est inconnu (Berthier ? Le ministre de la Guerre ?), appelle plusieurs commentaires et précisions.

L’officier l’a rédigé le plus souvent à la première personne du singulier. Mais parfois, il emploie la première du pluriel. C’est qu’il n’était pas seul à avoir vécu ces péripéties : l’accompagnait un homme dont le nom n’apparaît à aucun moment dans ce récit et qui deviendra illustre, puisqu’il s’agit du scientifique – et futur ministre - François Arago, un Pyrénéen alors âgé de 22 ans. Un polytechnicien qui, en outre, a consigné ce voyage dans un récit, lequel, en revanche, il cite abondamment l’officier Berthemi (sic).

Globalement, le témoignage d’Arago recoupe celui de Berthemy quant à la chronologie. Venu aux Baléares pour des raisons scientifiques, Arago avait dû, lui aussi, échapper à la population de Majorque révoltée et se réfugier à Bellver. Selon le jeune homme, c’est grâce à la complicité du gouverneur du château qu’il a pu embarquer, avec Berthemy (qu’il pense protestant, ce qui est faux, puisque Pierre-Augustin a été baptisé), sur un esquif piloté par des Majorquains, précisant que le Haut-Marnais a dû se faire passer pour son domestique afin de dissimuler sa qualité d’officier d’ordonnance de l’empereur des Français honni.

Effectivement, l’embarcation, qui a fait escale à Cabrera – bien avant d’être la prison de sinistre mémoire – est arrivée à Alger, où le consul de France a délivré aux deux hommes de faux passeports – de marchands hongrois – et d’où ils ont pu embarquer sur un navire du dey d’Alger – avec deux lions de ce dignitaire ottoman – avant d’être capturés. Arago précisera que c’est lui-même qui a pu alerter le dey de leur mésaventure, et c’est celui-ci qui a pu obtenir leur libération des pontons de Roses.

Et c’est toujours avec le savant – et non seul – que Berthemy a gagné Alger depuis Bougie, en effet déguisés pour ne pas passer pour des « roumis » et devant même se plier au rite de la prière musulmane... Enfin, si Arago et Berthemy ont été ensuite retenus à Alger, c’est que le dey qu’ils connaissaient a été massacré et que son successeur exigeait de la France le paiement d’une dette…

Reste, après ces compléments d’information, que si dans son récit Berthemy s’attribue l’ « exclusivité » de cette odyssée, il ne l’a pas moins retracée fidèlement.

Revenons à la carrière de Pierre-Augustin Berthemy, né le 16 mai 1778 à Montier-en-Der (et baptisé le lendemain), fils du perruquier Pierre Berthemy et de Marie-Anne Lurat.
Le jeune homme, qui semble avoir fait des études, s’engage le 20 décembre 1798 dans le 8e régiment de cavalerie, le seul de l’arme qui porte la cuirasse.
Deux de ses frères sont sous les armes, et mourront en campagne. Selon Paul Percheron, auteur de notes biographiques qui lui sont consacrées (déposées aux Archives départementales de la Haute-Marne), il s’agit de Joseph et Remi, morts l’un en Italie, l’autre à Turckeim. Nous n’avons retrouvé la trace que de Jean-Baptiste (sic), brigadier au 8e hussards, blessé d’un « coup de balle », mort le 22 messidor an VIII (11 juillet 1800) à Saint-Gall (Suisse).

Servant à l’armée du Rhin (1799-1801), Pierre-Augustin est promu successivement fourrier (30 mars 1800) puis, après les batailles d’Engen et Messkirch (3 et 5 mai 1800), maréchal des logis (11 mai), enfin, à titre provisoire, sous-lieutenant (14 août 1800), par le général Moreau (commandant l’armée du Rhin), sur proposition du conseil d’administration du 8e de cavalerie et en vertu des notes flatteuses du général d’Hautpoul, qui commande la division de grosse cavalerie de l’armée dont fait partie le régiment.
C’est le 12 septembre 1800 que l’officier de 22 ans est attaché comme aide de camp à la personne d’Hautpoul. Après Hohenlinden, il est confirmé sous-lieutenant le 8 février 1801.
Pour une raison que nous ignorons, le Dervois quitte le service le 24 septembre 1803, et le reprend le 3 mars 1804, toujours comme aide de camp du général. Il se bat à Austerlitz où il reçoit un coup de feu au côté gauche. Membre de la Légion d’honneur le 14 mars 1806, promu lieutenant le 5 septembre 1806, il est à nouveau blessé le 8 février 1807 à Eylau, d’un coup de biscaïen. « Bien que sa blessure soit considérée comme mortelle, il est pansé et transporté au village de Grossmurjng (sic) », écrira Paul Percheron.
Passé capitaine le 14 février 1807, Pierre-Augustin Berthemy reçoit l’insigne honneur de figurer parmi les officiers d’ordonnance de Napoléon, aux côtés de l’Eclaronnais Deponthon.
Puis le Dervois est choisi pour accompagner, avec le lieutenant de Talhouet, le général Savary dans sa mission de plénipotentiaire (entre juillet 1807 et janvier 1808) à Saint-Petersbourg.
C’est le maréchal Murat qui, en 1808, l’envoie à son tour en mission aux Baléares. Mission qui se conclut par les péripéties évoquées plus haut.

Diminué par ses blessures, par ces épreuves, promu chef d’escadron (soit en son absence, soit rétroactivement) à compter du 17 juillet 1808, Berthemy reçoit un poste un peu plus reposant : celui de gouverneur du château de Valençay (propriété du ministre Talleyrand) où sont « logés » les princes d’Espagne depuis l’avènement sur le trône de cet Etat de Joseph Bonaparte.
C’est en mars 1810 que cet officier de 32 ans entre en fonction. Selon P. Ollendorf, auteur d’un ouvrage sur les « Aventuriers politiques », c’est à la protection de généraux distingués (Savary, Duroc) que Berthemy doit cette fonction. « Sa santé s’était délabrée, ses blessures d’Austerlitz et d’Eylau s’étaient rouvertes dans la prison d’Espagne, le faisaient si affreusement souffrir que l’usage du cheval lui fut totalement défendu », écrira l’historien, qui souligne, de la part du Haut-Marnais, certes, de « nombreuses qualités », une « instruction assez soignée », mais qui « manquait de cette distinction native caractéristique de race ».Durant sa mission – « veiller à la sécurité des princes » (selon les instructions de Duroc), Berthemy « gagne l’estime des princes », offrant à Ferdinand des dessins qu’il a faits à la façon d’Isabey. Il entre dans l’Histoire en faisant arrêter un aventurier piémontais se faisant passer pour un baron irlandais, Kolli, soupçonné de vouloir enlever les princes d’Espagne. C’est le 6 avril 1810 que Berthemy annonce cette arrestation à Fouché, ministre de la Police.

Chevalier d’Empire en septembre 1810, le Dervois cesse ses fonctions en février 1811, « à la suite d’une intrigue avec Mme d’Amezaga, femme de l’écuyer du roi », précisera Percheron.
Promu major en second le 19 avril 1812, Berthemy entre, le 10 mai, au service d’un autre monarque européen : le maréchal Joachim Murat, comme aide de camp. Il prend part à ses côtés à la Campagne de Russie. Promu colonel le 4 août, le Haut-Marnais est blessé pour la troisième fois lors de la bataille de La Moskowa. Ce qui ne l’empêche pas d’être choisi pour porter à Koutousov, général en chef de l’armée russe, une lettre signée du maréchal Berthier, les 21 et 22 octobre 1812. Commandeur de la Légion d’honneur le 5 décembre 1812, Berthemy est toujours au service de Murat qui, le 5 juillet 1813, demande au général Clarke la mise en retraite de son aide de camp, officier « distingué », dont « le froid et la fatigue ont augmenté les douleurs que lui causent les blessures, de manière à ne plus lui permettre de monter à cheval ».

Non seulement Berthemy n’est pas mis en retraite, mais il est promu maréchal de camp (général de brigade) à titre napolitain le 14 décembre 1813. Fidèle à son souverain, il remplit une mission auprès de la grande-duchesse Elisa, puis signe, le 25 janvier 1814, une convention avec le général Graham, aide de camp de lord Bentinck. Contre les intérêts de l’Empire français…

Rappelé en France en juillet 1814, Berthemy va s’employer à obtenir les faveurs des Bourbon. C’est même, en décembre 1814, Kolli lui-même qui intercède en sa faveur, soulignant la « délicatesse » du Haut-Marnais !

Le 23 janvier 1815, il obtient du maréchal Soult un congé de deux mois pour « régler » des affaires à Naples. Il démissionne de ce service le 4 mars 1815, avant que Murat ne soit fusillé.
Redevenu colonel français, Berthemy sert à l’état-major royal après avoir été fait chevalier de Sant-Louis (1818). Chef d’état-major de la division de cuirassiers Roussel d’Hurbal, il prend part à l’expédition d’Espagne et est fait maréchal de camp (à titre français).

Mis en disponiblité jusqu’en 1830, il reprend du service sous Louis-Philippe et commande successivement, jusqu’en 1840, les départements des Basses-Alpes, de la Manche, de la Mayenne, de l’Aisne.

Il décède sous le Second Empire, le 31 janvier 1855. Il repose au fameux cimetière parisien du Père-Lachaise.

De son union avec Claire-Félicité-Caroline Greswold (auteur de souvenirs portant sur la Restauration – elle est qualifiée de baronne), qui a vu le jour en France en 1797 d’un père Américain, Edward Greswold, sont nés, à partir de 1822, trois enfants, dont Jules-François-Gustave (1826-1902), qui sera ministre plénipotentiaire en Chine.

Le portrait du général Berthemy figure sur le site des Amis du Père-Lachaise.

jeudi 4 février 2010

Lamoureux, ce Haut-Marnais qui a donné son nom à un régiment...

Jean-Baptiste Lamoureux naît à Chaumont-la-Ville (canton de Bourmont) le 13 octobre 1756 (et baptisé le 14). Fils de Jean-Baptiste et de Barbe Liebaut, petit-fils d’Anne de Thumery (un membre de cette famille sera arrêté avec le duc d’Enghien), il s’oriente vers la carrière militaire : il entre comme simple dragon dans la légion de Lorraine (futur 9e chasseurs à cheval) en juin 1773, mais passe sous-lieutenant le 15 mai 1776, puis lieutenant le 10 août 1785, et capitaine le 5 février 1792. Lamoureux fait les campagnes de 1792 et 1793 à l’armée de Moselle, celles des ans II et III à Sambre-et-Meuse. Le 14 septembre 1793, il est blessé de trois coups de sabre à Pirmasens. Selon Les Cahiers haut-marnais, il est emprisonné comme royaliste en 1793, et n’est réintégré dans l’armée que deux ans plus tard.
Lamoureux passe alors dans l’armée de l’Ouest le 15 floréal an IV et est promu colonel du régiment de chasseurs à cheval « de son nom » (sic) le 29 vendémiaire an V (20 octobre 1796).

Unité peu connue, les « chasseurs de Lamoureux » constituent en fait un corps-franc formé de volontaires issus de divers régiments, mis sur pied à Morlaix le 2 novembre.
Avec cette unité, le Haut-Marnais embarque à Brest, le 20 novembre 1796, sur le « Nicodème », dans le cadre de l’expédition d’Irlande du général Hoche. Lamoureux ne prend pas pied sur le sol irlandais mais reste pendant cinq jours dans la baie de Bantry, avant de retrouver la rade de Brest le 12 janvier 1797.
Les états de services du colonel ne le précisent pas, mais le régiment prend part également à la deuxième expédition, destinée à voler au secours des rebelles irlandais.
Nous sommes un peu mieux renseigné sur cette campagne, grâce à la relation qu’en a faite un officier du régiment, Joseph-François Gérard, né à Vaucouleurs (Meuse) en 1770, relation rapportée 100 ans plus tard par le bulletin de la Société philomatique vosgienne.
Le 20 août 1798, le régiment, qui a quitté Morlaix quelques jours plus tôt, appareille de Brest. Il est embarqué sur la frégate « L’Immortalité » commandée par le capitaine Legrand. Cette expédition est marquée par la victoire, remportée par le général vosgien Humbert sur les troupes britanniques, de Castlebar : un lieutenant de chasseurs à cheval français originaire de Villegusien, Jean Moisson, 45 ans, y trouve la mort. Mais à nouveau, les hommes de Lamoureux ne pourront débarquer. Le 20 octobre, faisant route vers Brest, « L’Immortalité » est attaquée par le navire anglais «Fisgard ». Le général Ménage, qui commande les troupes à bord, le capitaine Legrand sont tués, des dizaines de soldats meurent ou sont blessés. Les autres sont faits prisonniers. Selon le bulletin vosgiens, seuls 38 officiers et chasseurs parviennent à revenir à Auray où ils retrouvent le colonel Lamoureux qui ne s’est pas embarqué. Gérard et ses camarades seront conduits sur les pontons de Plymouth et ne rentreront en France que début 1799.

A noter que parmi les hommes ayant servi dans ce régiment, soit en l’an V, soit en l’an VI, figurent de futurs grands officiers de l’Empire :
. le lieutenant-colonel Alexis Pinteville, né à Vaucouleurs en 1771, qui servait au 11e dragons (futur général) ;
. le capitaine Guy Faverot de Kerbrech, né en 1773 à Pontivy, capitaine adjoint à l’état-major de l’armée des Côtes de l’Océan, passé capitaine aux chasseurs de Lamoureux le 12 novembre 1795 (futur colonel d’Empire et général) ;
. sous-lieutenant Jean-Louis Paultre ;
. lieutenant Jean-Baptiste Rapatel, né à Rennes en 1776, qui servira ensuite au 16e chasseurs, sera l’aide de camp du général Moreau et sera tué par une balle française lors de la Campagne de France ;
. lieutenant Augustin Rapatel, son frère, né à Rennes en 1775 (futur général) ;
. le maréchal des logis (en août 1798) Mathurin Galbois, né à Rennes en 1778, futur colonel de lanciers à Waterloo, puis général…
D’autres documents font état du capitaine Jourdan (ex-adjoint au général Champeaux), du sous-lieutenant Cheron, du lieutenant Dubourg, du lieutenant-colonel Bochonnier (sic)…

Nommé président du conseil de guerre de la 13e division militaire par le général Michaud (an VII), chargé par le ministre de la Guerre de la levée de 40 000 chevaux dans le département des Côtes-du-Nord (an VIII), Lamoureux part le 17 mai 1809 pour l’armée d’Allemagne. Le 29 juin, il est nommé commandant du cercle miliaire de l’Innviertel (aujourd’hui en Autriche), puis remis à la disposition du ministre de la Guerre le 13 janvier 1810, enfin employé général au dépôt de cavalerie de l’armée d’Espagne à Libourne le 17 mai. La même année, il réclame la Légion d’honneur.
Retraité le 13 juin 1811, il retrouve Chaumont-la-Ville, accompagnant toutefois deux ans plus tard les contingents de gardes d’honneur haut-marnais destinés au 2e régiment de gardes d’honneur à Metz.
Chevalier de Saint-Louis, maire de Chaumont-la-Ville, veuf de Marie-Anne Chrétiennot, il décède dans son village le 20 décembre 1838. Son fils Marie-Louis-Charles était alors propriétaire à Huilliécourt.
L’historien haut-marnais Alcide Marot, dans le Pays lorrain (1822), rapportera que lors de l’une des invasions de la France en Haute-Marne (1814 ou 1815), le colonel d’un régiment bavarois est venu saluer à Chaumont-la-Ville Jean-Baptiste Lamoureux - qui, en 1809-1810, s’était fait apprécier des habitants -, après avoir fait présenter les armes. Quel plus bel hommage rêver pour ce cavalier...