vendredi 6 octobre 2017

Pierre Druge (1766-1798), un "intrépide guerrier"

Son nom figure, comme celui du chef de brigade Gilles Despres (ou Desprez) ou de Margot, brigadier des guides de l'armée d'Italie, parmi les militaires de Bourbonne-les-Bains ayant été blessés depuis le début des guerres de la Révolution. Ce qui interpelle dans cette liste, c'est le nombre de blessures qu'auraient reçues le capitaine de hussards Pierre Druge : 38 ! 

 Selon son acte de mariage, Pierre Druge est né le 23 février 1766 à Vienne (Isère), fils de feu Joseph Druge, vinaigrier. D'après le général Thoumas, qui a évoqué la carrière de l'officier dans le journal Le Temps, en 1889, Pierre Druge s'enrôle en 1789 dans le 8e régiment de chasseurs à cheval. C'est en juillet 1793 qu'il se voit confier, comme capitaine, le commandement d'un escadron de partisans réunissant 50 puis 150 hommes recrutés dans les régiments de cavalerie de l'armée du Rhin, à l'initiative du général Landrémont et du représentant du peuple. Avec ce corps, Druge va se couvrir de gloire. 
Le futur maréchal Gouvion-Saint-Cyr se souvient ainsi d'un de ses faits d'armes, dans ses Mémoires sur les campagnes des armées du Rhin et de Rhin-et-Moselle. Le 2 décembre 1793, lors du combat de Berstheim, face notamment à la cavalerie du corps d'émigrés du prince de Condé qui sema la panique dans une colonne républicaine, «il nous arriva dans ce moment l'escadron de partisans, formé par le capitaine Truche (sic) avec des hommes choisis dans tous les corps. La bravoure de ceux qui le composaient est connue de tout ce qui a fait partie de l'armée du Rhin ; cet escadron n'appartenait à aucune division, il se portait sur un point ou sur un autre, ne suivant d'autre règle que la volonté de son chef ; on le lança au travers de la cavalerie des émigrés : c'était dans ces sorties affaires qu'il brillait particulièrement». 
Le 31 juillet 1794, vers Mücherein, Druge commande 40 hussards lorsqu'il est entouré par huit hussards bleus. Ainsi que le Dauphinois le racontera (témoignage cité dans la «Revue de Vienne»), il tue un adversaire mais son cheval est touché. Il reçoit alors deux coups de sabre sur la tête, un aux épaules, trois à l'avant-bras, et sa monture est prise. Druge parvient à la récupérer en tuant un deuxième cavalier ennemi avant d'être à nouveau entouré. 
Les nombreux faits d'armes du capitaine lui valent la reconnaissance de la Convention nationale, alors qu'il est capitaine au 7e régiment de hussards, dits de la Liberté. Il s'agit en fait du 7e régiment bis de hussards, qui a accueilli le corps de partisans de l'armée du Rhin le 30 mai 1794 (ainsi le lieutenant Fiteau, futur général) ou le 25 août. A noter que parmi les officiers de ce corps figure un Haut-Marnais, le futur chef d'escadron François-Nicolas Remy. 
Le 3 novembre 1794, Druge est présent à la barre de la Convention où «un membre observe qu'il a reçu 35 coups de sabre et cinq coups de feu... Le président a donné à ce brave hussard l'accolade au milieu des plus vifs applaudissements.» Le décret note que ces blessures «reçues à la défense de la patrie, le forcent de suspendre la continuation de ses services (…)» Puis, le 12 novembre 1794, un décret lui accorde 2 400 livres d'indemnité. Les députés parlent d'un «intrépide guerrier», souhaitant que le Comité de salut public obtienne «l'avancement auquel il a droit par ses actions héroïques, et par les blessures honorables qu'il a reçues». En effet, dans une missive datée du 8 novembre 1794, les représentants du peuple demandent que lui soit conféré le grade de chef de brigade du 1er hussards. 
Mais le Dauphinois doit aller se soigner à Bourbonne. Là, il fait la connaissance de Jeanne-Claude Chapelle, 39 ans, fille d'un homme de loi. Ils se marient le 15 août 1795, en présence notamment du chef de bataillon Ferdinand Deschamps (127e demi-brigade d'infanterie de ligne), des capitaines Louis Petit (16e demi-brigade) et Antoine Gault ou Got (94e demi-brigade). L'année suivante, il est toujours qualifié de capitaine au 7e hussards lorsqu'il est témoin du mariage d'un vétéran, toujours à Bourbonne. Finalement, sans avoir vraisemblablement servi à nouveau sous l'uniforme, Pierre Druge est victime d'un accident avec une voiture. Ce brave cavalier succombe à ses blessures en son domicile de la rue Porte-Galon, à 10 h du soir, le 23 septembre 1798. L'acte de décès, qui ne précise pas sa profession, indique que Druge avait environ 27 ans. Selon Charles Thoumas, il avait notamment été blessé grièvement les 23 mai et 30 juillet 1794, recevant, de juillet 1793 à juillet 1794, quatorze coups de sabre et trois coups de feu. Son nom a été donné à une rue de sa ville natale.