vendredi 18 septembre 2009

Nicolas Laveine, chef d'escadron de dragons

Un nouvel officier supérieur a été identifié depuis la parution de « Grognards de Haute-Marne » : le chef d’escadron de cavalerie Laveine.
C’est dans le petit village de Charmoy, dans le canton de Fayl-Billot, que naît, le 26 octobre 1768, Nicolas, fils de Jean Laveine et de Marguerite Drouot.
Il est probable, au vu de sa date de naissance, que le jeune homme serve d’abord dans l’armée du roi. Sa trace est croisée une première fois en 1800, en qualité de sous-lieutenant au 18e régiment de dragons (ex-régiment des Dragons du roi), un corps qui sert alors en Egypte. Il est promu lieutenant le 14 mai 1802 dans ce régiment qui se battra, en 1805 à Elchingen et Austerlitz, en 1807 en Pologne, puis en Espagne.
Laveine est déjà membre de la Légion d’honneur lorsque l’annuaire du département de la Haute-Marne de 1811 le qualifie de capitaine au 9e régiment provisoire de dragons. Un régiment à l’existence éphémère qui a reçu deux escadrons (les 3e et 4e) du 18e dragons après leur entrée en Espagne en janvier 1810.
En 1813 (il a 45 ans), de retour au 18e, Nicolas Laveine est chef d'escadron, et lors de la bataille de Leipzig, il a un cheval tué sous lui par un boulet. Après l'abdication de Napoléon Ier, le régiment, qui s'est notamment battu à Saint-Dizier, devient, sous la Première Restauration, 13e dragons. Laveine est fait chevalier de l’ordre de Saint-Louis, le 16 janvier 1815. Durant les Cent-Jours, le régiment retrouve son numéro : il ne combat pas en Belgique, mais relève de l’armée des Alpes. A la fin de l’année, le Haut-Marnais appartient au conseil d’administration du régiment, basé à Lunel, dans l’Hérault, qui va être bientôt dissous.
Laveine qui, si l’on en croit Martinien, n’a pas été blessé durant les campagnes impériales, n’apparaît pas dans l’annuaire des officiers d’active de l’armée de Louis XVIII. Chef d’escadron retraité, il retrouve… son village natal, où il exerce la fonction d’adjoint au maire, notamment en 1823. Il est présent au mariage d'un officier de son régiment, le capitaine Jobard, maire de Rougeux, en 1819. Veuf de Marie Lamotte, propriétaire, cet officier de la Légion d’honneur décède à Charmoy le 18 juillet 1839, à l’âge de 71 ans. Curieusement, il n’apparaissait auparavant pas dans les listes de membres de la Légion d’honneur et de l’ordre de Saint-Louis résidant dans le département de la Haute-Marne.
Sources : état civil de la commune de Charmoy ; site Internet de Richard Darnault (« Les armées de Napoléon ») ; base Léonore (site Internet des Archives nationales) ; annuaire de la Haute-Marne de 1811 ; base Internet des chevaliers de Saint-Louis ; historique du 18e dragons.

Campagne de France (III) : des militaires décédés à l'hôpital de Saint-Dizier

Entre le 25 mars (donc à la veille du deuxième combat de Saint-Dizier) et le 18 avril 1814, 23 militaires français sont décédés dans la cité bragarde, en grande majorité à l'hôpital civil. Parmi eux : un officier, le seul d'ailleurs au sujet duquel il est précisé qu'il est mort des suites de blessures.
En voici la liste, avec toutes les précautions d'usage liées à une orthographe pouvant être approximative.
A noter que sept d'entre eux appartenaient à la Garde impériale (dont deux lanciers et un mamelouk alsacien), et que quatre sont originaires du seul département de l'Ain.

ARROT Pierre, 32 ans, de l’Indre-et-Loire, conscrit, mort le 25 mars.
BASSET Jean-François, 21 ans, du Loiret, soldat au 7e tirailleurs de la Garde, mort le 17 avril.
BLIN François, 20 ans, de l’Orne, soldat au 5e d’artillerie à pied, mort le 18 avril.
BRILLON Jean-Pierre, 28 ans, de l’Ain, carabinier au 17e léger, 1er bataillon, mort le 17 avril.
CADANEC François, 37 ans, du Finistère, grenadier au régiment de Brest, mort le 4 avril.
CANARD Pierre, 36 ans, de la Creuse, soldat de la Jeune Garde, mort le 16 avril.
CLAR (ou GLAR) Jacob, 18 ans, soldat au 1er régiment de mamelouks de la Garde, du Bas-Rhin, mort le 17 avril.
CLICHY Frédéric, 33 ans, d’Eure-et-Loir, maréchal des logis du 4e chasseurs à cheval, mort le 25 mars.
LACROIX Jean, 28 ans, de la Corrèze, soldat au 36e de ligne, mort le 15 avril.
LANGLOIS Claude, 21 ans, d’Eure-et-Loir, soldat au 6e régiment de tirailleurs de la Garde, 1er bataillon, 1ère compagnie, mort le 7 avril.
LEFEVRE André, 18 ans, de l’Ain, tirailleur au 5e régiment de tirailleurs de la Garde, 8e bataillon, 1ère compagnie, mort le 28 mars.
LOSTE (ou LORTA) Joseph, 20 ans, des Pyrénées-Orientales, soldat au 54e de ligne, mort le 4 avril.
MONNIOT Antoine, 29 ans, de Nancy, capitaine au 11e dragons, mort le 28 mars des suites de blessures.
NEGRET Antoine, 23 ans, de Parme, soldat au 3e de ligne, mort le 7 avril.
PIGEON Jean, 20 ans, des Deux-Sèvres, soldat au 70e de ligne, 3e bataillon, 4e compagnie, mort le 13 avril.
QUIDARD Joseph, 26 ans, de l’Ain, soldat au 101e de ligne, mort le 4 avril.
RENAUD François, 22 ans, des Vosges, tirailleur dans la Garde, mort le 18 avril.
SALETTE Michel, 37 ans, de l’Ain, carabinier au 17e léger, mort le 17 avril.
SATARD (ou JATARD) François, 22 ans, du Tarn, soldat au 24e dragons, mort le 10 avril.
SCHRISDLOISKY Mathieu, 22 ans, de Pologne, lancier au 1er régiment de la Garde, 4e escadron, 4e compagnie, mort le 27 mars.
STEPHANIE Pierre-Joseph, 27 ans, de Sambre-et-Meuse, canonnier au 2e d’artillerie de marine, mort le 17 avril.
VAILLOT Lazare, 24 ans, de Haute-Saône, du 14e dragons, mort le 27 mars.
ZELIS Constant, 22 ans, de l’Escaut, soldat au 2e lanciers de la Garde, mort le 17 avril.

Sources : état civil de la commune de Saint-Dizier (collection Archives départementales de la Haute-Marne).

Campagne de France (II) : les officiers de cavalerie tués et blessés à Saint-Dizier

Lors des différents combats de Saint-Dizier, c’est la cavalerie impériale qui a été la plus éprouvée, et particulièrement le 26 mars 1814. En témoigne le recensement des officiers tués et blessés effectué par Martinien, qui identifie quatre morts et 33 blessés, essentiellement parmi les dragons et les chasseurs à cheval. En voici la liste, complétée par nos informations (provenant de la base Léonore, notamment). A noter que certaines dates de blessures (22 janvier 1814, 17 et 19 mars 1814) paraissent sujettes à caution, car nous n’avons pas eu connaissance d’engagements ces jours-là.

Officiers tués ou mortellement blessés :Abriot, sous-lieutenant au 11e dragons, blessé le 22 (sic) janvier 1814, mort le 25 (selon Jean-Pierre Mir, auteur d’ouvrages sur la Campagne de 1814, Pierre Abriot était plutôt maréchal des logis-chef dans ce régiment, né en 1779 dans le Jura, tué le 26) ;
Bulot, sous-lieutenant au 2e dragons, tué le 27 janvier 1814 ;
Mennetier, lieutenant adjudant-major au 10e chasseurs à cheval, tué le 25 janvier 1814 (donc sans doute lors de la perte de la ville) ;
Miller Joseph, comte d’Empire, colonel du 26e chasseurs à cheval, tué le 27 janvier 1814 vers 11 h d’une balle à la tête sur la route de Joinville (selon l'état civil de la commune de Saint-Dizier).

Officiers blessés :
Algay Jacques-Blaise-Pierre, né en 1771 en Corrèze, chef d’escadron (1813) au 20e dragons, blessé le 26 mars 1814 près de Saint-Dizier par un coup de feu à la jambe gauche. Sera promu major le 3 avril 1814. Membre de la Légion d’honneur, il avait été blessé à Leipzig. Frère d’un chef d’escadron de carabiniers.
Ardouin, sous-lieutenant au 18e dragons, blessé le 25 mars 1814.
Bouillon Jacques, né en 1776 dans les Basses-Pyrénées, lieutenant (1814) au 30e dragons, blessé le 26 mars 1814, membre de la Légion d’honneur (1813), mort en 1836.
Bureaux de Pusy Joachim-Irène-François, né à Vesoul en 1783, chef d’escadron (1813) au 11e dragons, blessé le 26 janvier 1814. Son dossier de la Légion d’honneur précise : « En 1814, le 26 janvier, en avant de Saint-Dizier, il commandait l’avant-garde, forte de 300 chevaux. Il chargea de l’artillerie et de l’infanterie, son cheval fut tué dans une de ses charges. Il remonta sur un second cheval, avec lequel il continua à poursuivre l’ennemi, en ralliant ses dragons. Il fut atteint d’un biscaïen à la tête, qui le jeta à terre et le mit hors de combat ». C’est le fameux chirurgien Larrey qui le soignera. Déjà blessé en 1809, il servira sous la Restauration. Frère d’un colonel de dragons sous la Restauration.
Buys G.G., né en 1788 à Nimègue, lieutenant au 2e lanciers de la Garde, blessé le 26 mars 1814. Sera fait membre de la Légion d’honneur le 5 avril 1814 à Fontainebleau. Note : Martinien cite un lieutenant Buys, du 5e lanciers, blessé le 27 janvier 1814 (est-ce le même ?).
Cazeneuve François dit Théodore, né en Alsace en 1787, lieutenant (janvier 1814) au 13e dragons, blessé le 22 (sic) janvier 1814, membre de la Légion d’honneur.
Clément, sous-lieutenant au 11e dragons, tué le 22 (sic) janvier 1814.
Collinet Etienne, né en Haute-Marne, sous-lieutenant au 2e dragons, blessé le 27 janvier 1814. Sera blessé à Waterloo. Membre de la Légion d’honneur.
Cosnard Pierre-Jean-René, né en 1769 dans l’Orne, chef d’escadron (1813) au 19e dragons, blessé le 26 mars 1814 d’un coup de lance. A été auparavant blessé à quatre reprises. Officier de la Légion d’honneur.
Delapille Charles-Richard, né en 1784 dans l’Eure, sous-lieutenant au 13e dragons selon Martinien (ou lieutenant depuis 1813 au 18e dragons selon la base Léonore), blessé le 26 mars 1814 d’un coup de lance au bras droit, mort en 1823.
Dinglemarre, lieutenant au 25e dragons, blessé le 26 mars 1814. Note : un lieutenant d’Inglemarre, du 14e dragons, blessé le 26 mars, est cité par Martinien (il y a sans doute un doublon).
Duchevreuil Jacques-Antoine-Henry, né en 1786 en Normandie, sous-lieutenant au 5e chasseurs à cheval, blessé d’un coup de feu au bras droit et à l’épaule le 25 mars 1814.
Fonville François, né en 1790 dans l'Ain, sous-lieutenant (8 janvier 1814) au 27e chasseurs à cheval, blessé le 19 (sic) mars 1814. Ou plutôt officier du 4e chasseurs à cheval, blessé d'un coup de feu au genou gauche à Saint-Dizier (sans précision de date).
Fournier, sous-lieutenant au 16e dragons, blessé le 26 mars 1814.
Gauguier Charles-Séraphin-Joseph, né à Lille en 1793. Elève à l'école de cavalerie de Saint-Germain-en-Laye (1811), sous-lieutenant (mars 1813) au 19e dragons, blessé le 26 mars 1814 d'un coup de lance. Chevalier de la Légion d'honneur (3 avril 1814). Sera maître de forges à Neufchâteau, député des Vosges (1831). Mort en 1855.
Gisancourt (de), sous-lieutenant au 20e dragons, blessé le 26 mars 1814.
Joanet Pierre-Laurent, né à Reims en 1784, sous-lieutenant au 11e dragons, blessé le 26 mars 1814 dans une reconnaissance - ou plutôt, selon son dossier de légionnaire, à Fère-Champenoise.
Lallemand Sébastien,né en 1783 à Fleury-lès-Saint-Loup (70), chevalier de la Légion d'honneur (1809), sous-lieutenant (1813) au 20e dragons, blessé le 26 mars 1814 à l’épaule (lire le témoignage du cavalier Gougeat sur ce blog). Ou plutôt, après avoir été blessé à Brienne, d'un coup de lance au ventre, promu lieutenant le 30 mars.
Lamy, capitaine adjudant-major au 2e dragons, blessé le 27 janvier 1814. Blessé auparavant comme capitaine à Sainte-Croix. Sera blessé à Waterloo.
Le Flo-De Kerleau, capitaine au 13e dragons, blessé le 22 (sic) janvier 1814.
Lestocoquoy, capitaine au 22e chasseurs à cheval, blessé le 26 mars 1814.
L’Hermitte, lieutenant au 24e chasseurs à cheval, blessé le 17 (sic) mars 1814.
Migneret, sous-lieutenant au 19e dragons, blessé le 22 (sic) janvier 1814.
Millet, sous-lieutenant au 27e chasseurs à cheval, blessé le 19 (sic) mars 1814.
Molard, capitaine au 25e dragons, blessé le 26 mars 1814.
Paradis, sous-lieutenant au 19e dragons, blessé le 26 mars 1814 (Antoine, né à Roye, blessé à la jambe).
Parent, sous-lieutenant au 4e dragons, blessé le 26 mars 1814.
Ricolfo, sous-lieutenant au 25e dragons, blessé le 26 mars 1814.
Souspiron (Etienne de), sous-lieutenant au 15e dragons, blessé le 26 mars 1814. Sans doute un parent de l'officier de dragons avignonnais guillotiné durant la Révolution.
Spada (de), capitaine au 22e dragons, blessé le 26 janvier 1814.
Suchel, capitaine au 2e dragons, blessé le 27 janvier 1814. Blessé auparavant à Sainte-Croix.
Vernier, capitaine (1813) au 2e dragons, né à Strasbourg en 1787, blessé le 27 janvier 1814. A été blessé comme sous-lieutenant en Espagne en 1808 et 1809, et comme capitaine en Espagne en 1813.
Viora, capitaine au 18e dragons, blessé le 25 mars 1814.

Par ailleurs, l’état civil de Saint-Dizier conserve la trace du capitaine Antoine Monniot, né à Nancy, âgé de 29 ans, servant au 11e dragons, mort le 28 mars 1814 à l’hospice civil des suites de blessures. Martinien situe la mort de ce fils d'officier haut-marnais (et frère d'un capitaine) le 26 février 1814 au pont de Dolancourt (Aube). Et l’historique du 8e cuirassiers évoque la blessure du sous-lieutenant Lallemand, le 26 mars 1814 à Saint-Dizier. Mais toujours selon Martinien, c'est ce même jour, près de Sézanne (Marne), que cet officier a été touché, avant de décéder le 11 avril.

jeudi 17 septembre 2009

Campagne de France (I) : un témoignage méconnu sur le combat de Saint-Dizier (26 mars 1814)

Nous commençons aujourd’hui à mettre en ligne des documents relatifs à la Campagne de France en Haute-Marne. Inauguration avec un témoignage méconnu d’un dragon ayant assisté au combat du 26 mars 1814 à Saint-Dizier, et curieusement natif de la région bragarde : Louis-Antoine Gougeat, né à Larzicourt (au bord du lac du Der) en 1788, engagé en 1806 au 20e dragons, et alors cavalier d’ordonnance du capitaine de Marcy. Un témoignage publié dans les carnets de la Sabretache en 1901.

Au 26 mars 1814, le 20e dragons, commandé par le colonel Desargus, appartient à la division Lhéritier du 5e corps de cavalerie. Martinien indique que ce régiment a déploré ce jour-là trois officiers blessés, dont le chef d’escadron Algay et le lieutenant Lallemand.

« Nous partons, le lendemain, par la route de Montierender, nous arrivons au pied du village de Moelain (Note : Moeslains), au-dessous et loin de Saint-Dizier. Ce village est situé au sommet d’une petite côte de vignes au bas de laquelle coule la Marne. De l’autre côté est le bourg d’Hoericourt, avec une vaste plaine. Il est 10 h du matin, le temps est splendide, le soleil brille d’un vif éclat. L’armée russe évolue dans la plaine. A la vue de l’ennemi, notre armée, guidée par des habitants du pays, traverse la Marne au gué d’Hoericourt, en masse et dans un ordre parfait. Parvenue sur l’autre rive, elle est accueillie par la cavalerie russe dont elle reçoit le choc sans broncher, notre cavalerie la charge à son tour ; une terrible mêlée s’engage pendant laquelle les escadrons ennemis sont ramenés plusieurs fois. Enfin, après deux heures de rude combat, l’Empereur lance sur les Russes la cavalerie de la Garde qui les sabre et les met dans une déroute complète. Ils se débandent et fuient au galop une partie dans la direction de Vitry et le reste par la route de Bar-le-Duc. Je ne pris pas part à l’action, mais je la vis se dérouler à mes pieds, du haut de la petite colline de Moelain, où je me trouvais avec l’officier payeur du régiment. La traversée de la Marne par notre cavalerie, dont les chevaux ne nous paraissaient pas plus gros que des moutons au milieu de la rivière, et le choc des escadrons dans la plaine d’Hoericourt aux rayons d’un beau soleil qui faisait jaillir des milliers d’étincelles des armes et des casques, constituaient l’un des plus beaux spectacles qu’il m’ait été donné de contempler. Passant, le soir, sur le champ de bataille, je reconnais, parmi les morts, plusieurs dragons de mon régiment et un officier du 19e dragons (Note : Martinien ne mentionne pas d’officier du 19e mort ce jour-là, mais trois blessés, dont le chef d’escadron Cosnard et le sous-lieutenant Paradis). Je rencontre M. Lallement, officier dans ma compagnie, blessé à l’épaule, et qui me prie de panser sa blessure. Tout près de la grande route se tiennent des cavaliers qui offrent, mais sans succès, de vendre à leurs officiers des chevaux qu’ils ont pris à l’ennemi. »