mardi 4 janvier 2011

Notre père ce héros, ou la charge du lieutenant Huot de Goncourt à Pordenone (1809)

Il est curieux de constater combien les illustres plumes françaises du XIXe siècle ont été fortement marquées par l’épopée napoléonienne, ne seraient-ce que par leurs origines familiales. Victor Hugo, Alexandre Dumas étaient fils de généraux, George Sand, d’un lieutenant-colonel aide de camp du maréchal Murat mort précocement. « Mon père ce héros, au visage si doux », a chanté le premier. « Notre père, ce héros », auraient pu également écrire les frères Goncourt, davantage rendus immortels par le prix littéraire qui perpétue leur souvenir que par leurs écrits. Car Marc-Pierre Huot de Goncourt a mérité, par son attitude lors de la bataille de Pordenone, de figurer dans les annales des armées impériales.

Fils d’un avocat et député, Jean-Antoine Huot, il voit le jour à Bourmont le 28 juin 1787. A 16 ans, le 19 juillet 1803, il intègre la toute nouvelle Ecole spéciale militaire créée à Fontainebleau. Moins de deux ans plus tard, en février 1805, il en sort comme sous-lieutenant et affecté au 35e régiment d’infanterie de ligne. Un corps au sein duquel, après la première Campagne d’Autriche, il sert de 1806 à 1810 en Italie, en Dalmatie et en Istrie.

En 1809, le 35e, que commande le colonel Breissand, sert dans l’armée d’Italie du prince Eugène de Beauharnais. Les opérations militaires commencent le 10 avril, et cinq jours plus tard, intervient le combat de Pordenone.
C’est en arrière-garde que deux bataillons du 35e et un régiment de cavalerie légère se trouvent dans cette cité du Frioul, sous les ordres du général Sahuc, lorsqu’ils sont assaillis par des troupes autrichiennes.
Selon l’anthologie « Victoires et conquêtes », Huot de Goncourt (ou plus simplement Huot), lieutenant depuis le 12 août 1808, est affecté à la défense d’une porte de Pordenone, avec 20 hommes. Même effectif, à une autre porte, pour le lieutenant Richard de Tussac. Ils vont faire face aux « charges réitérées de deux régiments de cavalerie ennemie qui voulait traverser la ville pour couper la retraite à l’infanterie française ».
Voici quel fut le comportement du Haut-Marnais, tel que les rapportent ses états de services : « Avec une faible portion de sa compagnie, le lieutenant Huot, déjà blessé, fut enveloppé par une force importante de cavalerie ennemie, et sommé de mettre bas les armes. Dans cette circonstance critique, ne prenant conseil que de son courage, il ne répondit à la proposition qui lui était faite qu’en ordonnant de charger l’ennemi. Déjà de sa main, il avait renversé mort un des cavaliers qui le menaçaient, et à son exemple chaque homme qu’il commandait s’ouvrait un passage, lorsque succombant au nombre qui croissait à chaque instant, et à deux coups de sabre qui lui furent portés sur la tête, il tomba baigné dans son sang, et resta au pouvoir de l’ennemi. »
Après ce fait d’armes, Huot de Goncourt sera promu capitaine en 1811, puis attaché, durant la Campagne de Russie, au général de cavalerie Roussel d’Hurbal en qualité d’aide de camp. Blessé à La Moskowa, passé chef d’escadron en 1813 (il a 26 ans), il sert toujours aux côtés de Roussel d’Hurbal à Waterloo. En demi-solde sous la Restauration, il meurt à Paris en 1834. Son frère aîné Pierre-Antoine-Victor, polytechnicien, sera capitaine d’artillerie, se battra à Wagram et fait chevalier de la Légion d’honneur, avant d’être, comme son frère, aide de camp d’un général (Pouget). Ayant cessé de servir en 18111, il reprendra du service durant les invasions de 1814 et 1815, et sera député des Vosges, avant de mourir à Neufchâteau en 1857.