jeudi 22 décembre 2011

Des émigrés ayant servi l'empereur

Les armées impériales n'ont pas hésité à ouvrir leurs bras à d'anciens émigrés, qui pour certains ont combattu dans différentes armées contre-révolutionnaires. Pour le meilleur, souvent, et pour le pire, parfois. Exemples puisés en Haute-Marne (avec des officiers, coïncidence, tous originaires de la région langroise).

Le meilleur, c'est le capitaine Nicolas-Laurent de Montarby, né à Dampierre en 1769. Il est d'abord élève à l'école de Brienne, où il côtoie Bonaparte, qu'il accompagne d'ailleurs au moment de rejoindre l'école militaire royale de Paris. Sous-lieutenant de dragons en 1787, capitaine des gardes du corps du roi Louis XVI, il participe à l'expédition de Nancy puis à la défense des Tuileries. Orphelin (ses parents seront guillotinés), lui qui a émigré en 1792 se battra notamment à Quiberon face aux troupes du général Hoche. Rentré en France sous le Consulat, il sert brièvement dans un régiment d'infanterie légère. Epoux d'une dame d'honneur d'Elisa Bonaparte, il reprend du service en 1813, comme capitaine au 4e régiment de gardes d'honneur, et s'illustre à Hainau. Lieutenant-colonel du roi, il commandera des troupes dans l'île Bourbon, qu'il refusera de rendre aux Anglais après les Cent-Jours, et mourra colonel en Martinique, quelques années plus tard. Son frère sera un brillant capitaine des dragons de la Garde impériale.

Fils du seigneur de Changey, né dans ce village en 1770, Claude-Bernard Pietrequin de Changey est sous-lieutenant en 1786. C'est un opposant convaincu aux idées révolutionnaires : émigré en 1791, il est fait prisonnier l'année suivante lors de la retraite de Champagne, est blessé en 1796. Rentré en France deux ans plus tard, il reprend du service en 1812 au sein de la 56e cohorte de la garde nationale (qui accueille des conscrits haut-marnais et sera versée dans le 153e de ligne), puis passe en 1813, comme lieutenant, dans le 1er régiment étranger. Il est blessé à la bataille du Mincio en février 1814. Brigadier la même année dans les gendarmes de la Garde du roi, il sera chef de bataillon dans la Légion de la Haute-Marne en 1816 et mourra en 1834.

Enfant d'Etienne-Bernard Delcey, écuyer lieutenant, né le 14 janvier 1771 à Langres, Jean-Christophe Delecey de Changey, émigré, blessé lors de l'expédition de Quiberon, commandera à partir de 1810 la garde nationale de sa ville natale et fera preuve de fermeté lors du siège de la ville (lire sa relation inédite sur le blog de Didier Desnouvaux : http://histo52.blogspot.com/2010_04_01_archive.html). Il meurt en 1846. Autre Langrois, son beau-frère Jean-François Bichet de Chalancey se battra lui aussi à Quiberon comme lieutenant et sera, lui aussi, un des défenseurs de Langres, comme capitaine de chasseurs, avant de devenir colonel (1815) de la Légion de la Haute-Marne.

Etonnante destinée que celle du capitaine de Cendrecourt. Fils d'un capitaine de cavalerie, chevalier de Saint-Louis, Jean-François Richard de Cendrecourt naît à Vicq, près de Varennes-sur-Amance, en 1760. Garde du corps du roi en 1785, émigré en 1791, il combat avec l'armée des Princes, puis dans un régiment à la solde de la Grande-Bretagne. C'est en 1802 qu'il passe comme lieutenant de cavalerie... au service du Portugal. Marié à Lisbonne, il est le père de deux jumeaux, nés en 1803 dans ce pays, qui deviendront officiers supérieurs d'infanterie de marine... française. L'expédition du général Junot au Portugal l'amène à reprendre du service, en 1807, dans l'armée française, mais toujours à titre portugais : il est en effet capitaine adjoint à l'état-major de la division Delaborde ! Au service de la France jusqu'en 1811, passé au dépôt de la Légion portugaise la même année, il servira Louis XVIII. Chef d'escadron, chevalier de Saint-Louis, membre de la Légion d'honneur, il prendra le nom de Richard de Cendrecourt. Son parent Philippe-Henri Richard de Cendrecourt, né à Pouilly-en-Bassigny en 1772, se ralliera lui pour le pire. Surnuméraire aux gardes du corps du roi jusqu'en 1790, émigré de 1792 à 1797, lieutenant d'artillerie de marine en l'an VI, il sera lieutenant aide de camp du maréchal Kellermann, passera dans le régiment de La Tour d'Auvergne, puis capitaine (1809) aide de camp du général Marulaz. Ce vétéran de la campagne d'Orient passe pour avoir adressé des signaux à l'ennemi lors du blocus de Besançon.

Jean-Baptiste Petitjean de Rancourt n'est pas, à proprement parler, un émigré de la Révolution, mais sa destinée mérite d'être contée. Né lui aussi dans le Pays langrois (le 10 février 1770, dans la cité épiscopale), il est le fils de Jean, conseiller au bailliage et présidial de Langres, et de Maillot de Courchant. Selon une enquête diligentée par la préfecture de la Haute-Marne, il part à l'âge de 7 ans à Metz où il va étudier. Protégé d'un officier d'artillerie, M. Babelon, il le suit en Espagne, en 1787. Membre des chasseurs de la couronne, puis receveur des recettes grâce à M. Beurnonville, il devient chef d'escadron de la gendarmerie royale espagnole. En 1812, Rancourt sollicite des lettres patentes pour rester au service du roi d'Espagne. Epoux d'Elisabeth Rasmendy, originaire de Bayonne, il est le père de Frédéric-Auguste-Firmin-Alexandre de Rancourt, né en 1808 à Sonia (Espagne), futur saint-cyrien et chef de bataillon (1845) au 62e de ligne, et d'un autre garçon futur inspecteur principal des douanes - ayant vu le jour en 1815 à Quimper. Lieutenant-colonel de gendarmerie, il vit à Bordeaux, en 1833. Officier de la Légion d'honneur, il n'est pas recensé par la base Léonore.