samedi 17 octobre 2009

Le colonel.... Habert

Il s’appelle Habert. Comme son presqu’homonyme, héros d’un héros de Balzac, il s’est hissé jusqu’au grade de colonel. Comme Chabert, il a été blessé, en 1807, lors de la Campagne de Pologne en chargeant à la tête des cuirassiers. Mais ici s’arrêtent les similitudes avec ce célèbre personnage de fiction : le Haut-Marnais ne meurt pas dans un hospice, mais dans une « grande et belle demeure à Nijon ». C’est ce qu’écrira son compatriote Alcide Marot, auteur d’une notice biographique de cet officier dont le manuscrit original est conservé par les Archives départementales.
Jean-Nicolas Habert voit le jour à Nijon, village du canton de Bourmont, le 27 octobre 1774. Il est le fils de Jean-Baptiste, coordonnier devenu marchand, et de Marie-Rose Reine. Coïncidence ? Un nommé Reine, sans doute un parent, sert comme maréchal des logis dans le 4e régiment de cavalerie. C’est dans ce corps que le jeune Haut-Marnais s’engage le 6 janvier 1794, à 19 ans et demi.
Patiemment, le cavalier haut-marnais gravit les étapes de la hiérarchie militaire, au fur et à mesure qu’il se bat (surtout aux abords du Rhin) : fourrier en 1795, maréchal des logis chef en 1799, adjudant-sous-officier en 1800. C’est la même année, à 25 ans, qu’il passe sous-lieutenant, le 5 juin 1800, lors d’une campagne d’Allemagne, sous les ordres du général Moreau, qui sera ponctuée par la victoire d’Hohenlinden.
Lieutenant en 1802, Habert sert en Italie en 1805 et 1806. Période au cours de laquelle il quitte le 4e devenu « de cuirassiers » pour être nommé adjudant-major du 6e de l’arme, en avril 1806. Ce corps basé au-delà des Alpes (à Lodi) et commandé par le colonel Rioult d’Avenay nous est bien connu parce qu’un de ses officiers, Aymar de Gonneville, laissera des mémoires fameux – dans lesquels Habert n’est d’ailleurs pas cité. Un corps qui, aussi, accueille des conscrits haut-marnais, notamment en février 1807 et en mai 1809.

Avec le 6e cuirs (brigade Reynaud, division Espagne), qui selon le lieutenant de Gonneville n’a pas « assisté » à la bataille d’Eylau, Habert se bat le 10 juin 1807 à Heilsberg où, notera Alcide Marot, il est blessé d’un coup de baïonnette au bas-ventre et d’un coup de lance au bras droit. Le régiment souffre particulièrement lors de cette rude bataille : Michel Legat, qui annotera les souvenirs du capitaine de Gonneville, précisera que le 6e a perdu ce jour-là 17 officiers sur 22 (le régiment déplore au total 30 tués, 98 blessés). A la suite d’Heilsberg, d’Avenay sera promu général de brigadie (il tombera en 1809 lors de la bataille de La Piave), et le Haut-Marnais Habert sera fait membre de la Légion d’honneur (le 1er juin 1807).
Capitaine en 1808, le Haut-Marnais se bat encore à Essling : un cheval meurt sous lui, sa jambe est touchée, et il est capturé. Après cette Campagne d’Autriche, il est promu chef d’escadron, le 1er septembre 1809. Deux ans plus tard, il voit arriver, comme nouveau colonel de son régiment, un compatriote : Jean-Baptiste-Isidore Martin, de Saint-Dizier, venu des chasseurs à cheval de la Garde.
Avec le 6e cuirs, Habert prend part à la Campagne de Russie, et après la bataille de La Moskowa, il est promu major (lieutenant-colonel), le 20 septembre 1812, mais pour servir au 9e cuirassiers (brigade Queunot, division Saint-Germain, 1er corps de cavalerie). Coïncidence : un de ses capitaines, Claude Oriot, est Haut-Marnais (il est né à Colombey-les-Deux-Eglises en 1773). Comme Oriot, comme Martin, comme un cousin de ce dernier (François-Eugène Payart, né à Saint-Dizier en 1785, sous-lieutenant au 6e cuirassiers), Habert fait partie du fameux « escadron sacré ». constitué d’officiers encore montés. Marot écrira que Habert « sut ramener tous ses officiers… Il les obligeait, racontait-il plus tard, à prendre du thé tous les jours avec lui, suivant la coutume russe… »
Après la Russie, la Saxe. Le 9e cuirs fait alors partie de la division Bordesoulle du 1er corps de cavalerie. Le régiment est toujours aux ordres du colonel de Murat-Sistrières. Marot écrira que celui-ci est tué lors de la bataille de Dresde. Faux : ce colonel n’est que blessé dans cette affaire. Pour le remplacer, le général Latour-Maubourg, qui commande le corps de cavalerie, songe à Habert. Il le présente à Napoléon. Lisons Marot : « L’Empereur dit ne pas le connaître. « Moi, dit le roi de Naples (Ndlr : le maréchal Joachim Murat), je m’en porte garant ». « Allez, colonel, dit alors l’Empereur ». Habert avait sauvé autrefois la vie à Murat en Italie et ce dernier s’en est toujours souvenu ». L’historien confond-il le roi de Naples avec le colonel de Murat-Sistrières ? Toujours est-il que nous ne voyons pas où Habert aurait pu sauver le maréchal, qui ne s’est plus battu en Italie depuis la campagne de 1800…
Mais voilà donc Jean-Nicolas Habert colonel, à 39 ans, d’un régiment de cuirassiers. Nouvelle coïncidence : celui qui le remplace dans ses fonctions de major, c’est encore un Haut-Marnais, Claude Maugery, un Wasseyen, qui comme chef d’escadron avait commandé les restes du 12e cuirassiers après la Campagne de Russie ! Et dans le 6e cuirs toujours commandé par le Bragard Martin, sert un demi-frère – un autre, Jean-François, sera lieutenant au 1er régiment de la Haute-Marne la même année - du nouveau promu, Nicolas-Victor Habert, né à Nijon en 1793, engagé à Chaumont début septembre 1812. C’est sans doute ce futur capitaine et médaillé de Sainte-Hélène (il vit alors à Soulaucourt-sur-Mouzon, où il décédera en 1863) qui rapportera à Alcide Marot des détails sur la vie du colonel Habert. Ainsi, cette phrase : «Lle malheureux, il se déshonore », lorsque le chef de corps apprend que son ancien chef de l’armée du Rhin, le général Moreau, sert dans les rangs ennemis.
A Leipzig, Habert a un cheval tué sous lui, et il est blessé au pied gauche. Son régiment se battra à Saint-Dizier, mais il semble que ces blessures aient tenu l’enfant de Nijon, officier de la Légion d’honneur depuis le 28 novembre 1813, éloigné de ce commandement. Vient la chute de Napoléon, et le retour des Bourbons. Le colonel Habert est tout d’abord distingué par le nouveau régime en se voyant accorder, par le duc de Berry, la croix de Saint-Louis en octobre 1814, mais quelques jours plus tard, il est placé en non activité, parce que selon Marot il aurait refusé d’aller commander un autre régiment que le sien.
Les Cent-Jours lui offrent une nouvelle fonction : la responsabilité du 4e cuirs.
C’est la campagne de Belgique. L’arme des cuirassiers est représentée par douze régiments (deux sont donc commandés par des Haut-Marnais, tous deux au 4e corps de cavalerie du général Milhaud : le 4e dans la brigade Dubois de la 13e division Walthier, le 6e dans la 14e division Delort), et leurs charges à Waterloo contre les carrés anglais sont restées légendaires. Le 18 juin 1815, le régiment du colonel Habert prend part aux rudes combats de la ferme de la Haie-Sainte (une source anglaise prétend que le Haut-Marnais y a été tué, il n’en est rien), et celui de Martin se bat sur le Mont-Saint-Jean où le Bragard perd un bras.
Sur les douze colonels, sept sont tués ou blessés. Mais pas Habert. Dont le biographe se demande même s’il s’est battu lors de l’ultime combat de Napoléon…
Pour Habert, la Restauration signe la fin de sa carrière. Mis en non activité en 1816 (et retraité en 1825), après avoir appartenu au conseil d’administration du 4e cuirs jusqu’en décembre 1815 (à Fontenay) au moins, il retrouve son village natal, dont il devient maire en 1821, et ce jusque janvier 1837. Il aurait été également conseiller général. Selon Marot, Habert s’avère être un grand chasseur.
C’est le 18 juillet 1842, à 8 h, que le colonel Habert, qui était marié à Henriette selon Marot, décède à Nijon, à l’âge de 76 ans.
Il n’était pas membre de la noblesse d’Empire.

mercredi 14 octobre 2009

Arc-en-Barrois, port d'attache du major Voirin

Charmant bourg baigné par l’Aujon, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Chaumont, Arc-en-Barrois est la localité de naissance de Pierre-Charles-Prudent Voirin, qui est baptisé le 7 octobre 1771. Epoux de Marie Paulin, son père, Charles, exerce la profession de chirurgien juré dans la commune.
C'est à la faveur de la Révolution que le jeune Arcquois devient officier : il sert comme capitaine au 21e bataillon des réserves, mis sur pied en 1792, et passe en l'an IV, via la demi-brigade de l'Yonne, dans la 16e demi-brigade d'infanterie de ligne, où il est confirmé dans son grade le 10 février 1799. Jusqu'alors capitaine de la 7e compagnie de fusiliers du 2e bataillon, à l'armée du Rhin, Voirin n'a pas 29 ans lorsque le 25 mai 1800, il est promu chef de bataillon au sein de sa demi-brigade. En poste à Fribourg-en-Brisgau, en l'an XI de la République, puis à Alexandrie, en l'an XII, il est à la tête du 2e bataillon d'un corps devenu 16e régiment d'infanterie de ligne. Le chef de bataillon Voirin devient père en mai 1805, lorsque son épouse Anne-Sibille (ou Sybille) Thilman donnera naissance, à Arc-en-Barrois, à un fils, Pierre-Albert. La même année, l'officier est blessé au combat de Trafalgar, selon Martinien. Il continue à commander le II/16e de ligne en Italie, au moins jusqu'en 1807, avant de prendre, deux ans plus tard, le commandement du 3e bataillon du 24e régiment d'infanterie de ligne, en remplacement d'un Poitevin également né en 1771, le commandant Jean-Baptiste-Frédéric Dunet, mortellement blessé en Espagne à Talavera (juillet 1809). Le 24e de ligne forme alors brigade, avec le 9e régiment d'infanterie légère, au sein du Ier corps du maréchal Victor. Membre de la Légion d’honneur (la base Léonore ne le recense pas), l’officier haut-marnais, papa d'une fille née à Arc-en-Barrois en septembre 1810, est membre du conseil d’administration du 24e de ligne. A ce titre, il contresigne la demande de proposition de la «croix» pour son compatriote Brulté, de Dammartin-sur-Meuse, né lui aussi en 1771, qui est le capitaine de la 2e compagnie du 1er bataillon. Brulté, qui est entré en service pendant la Révolution au 9e bataillon des Vosges, venait notamment de se distinguer à la bataille de Fuentes de Onoro (mai 1811) où il a été blessé (1). Voirin lui-même ne sera pas épargné lors de la campagne d’Espagne : il sera touché le 6 août 1811 en visitant les postes devant Cadix.
Il reste toutefois à la tête du III/24e, au moins jusqu’à octobre 1812 (selon le site Internet de Richard Darnault). Le régiment continuera à servir au-delà des Pyrénées, se battant au col de Maya (été 1813), où le commandant Roy, chef du I/24e, est mortellement blessé. Confié au commandant Mignot, ce bataillon rejoindra ensuite le 7e corps début 1814 et se battra notamment à Saint-Dizier. Les 2e et 3e bataillons sont entretemps partis se battre en Saxe où ils seront également versés au 7e corps fin 1813.
Entretemps, Voirin a été promu major (lieutenant-colonel) d’infanterie. Il est probable que cette nomination l’ait amené à quitter son cher 24e pour un autre régiment. Certainement diminué par ses campagnes, ses blessures, il obtient, le 8 septembre 1813, l’autorisation de venir retrouver son foyer arcquois. Un mois plus tard, le 15 octobre, à seulement 42 ans, il rend son dernier souffle. Il laisse une veuve qui se remariera et une fille qui s’unira avec le neveu d’un capitaine bourguignon, en 1830.
Outre Voirin et Brulté, au moins trois autres officiers haut-marnais ont servi au 24e :
. Hyppolite Delavenay, né en Suisse, sous-lieutenant, résidera en demi-solde à Chaumont puis servira dans la légion de la Haute-Marne ;
. François-Claude Couvreux, de Wassy, ancien tambour-major, sera promu sous-lieutenant en 1813 et blessé à Arcis-sur-Aube ;
. Nicolas Aubertin, capitaine, se retirera à Brottes.

(1) Le capitaine Brulté sera amputé de la jambe droite après une septième blessure reçue au col de Maya. Il se retirera à Gray (Haute-Saône).