Il s’appelle Habert. Comme son presqu’homonyme, héros d’un héros de Balzac, il s’est hissé jusqu’au grade de colonel. Comme Chabert, il a été blessé, en 1807, lors de la Campagne de Pologne en chargeant à la tête des cuirassiers. Mais ici s’arrêtent les similitudes avec ce célèbre personnage de fiction : le Haut-Marnais ne meurt pas dans un hospice, mais dans une « grande et belle demeure à Nijon ». C’est ce qu’écrira son compatriote Alcide Marot, auteur d’une notice biographique de cet officier dont le manuscrit original est conservé par les Archives départementales.
Jean-Nicolas Habert voit le jour à Nijon, village du canton de Bourmont, le 27 octobre 1774. Il est le fils de Jean-Baptiste, coordonnier devenu marchand, et de Marie-Rose Reine. Coïncidence ? Un nommé Reine, sans doute un parent, sert comme maréchal des logis dans le 4e régiment de cavalerie. C’est dans ce corps que le jeune Haut-Marnais s’engage le 6 janvier 1794, à 19 ans et demi.
Patiemment, le cavalier haut-marnais gravit les étapes de la hiérarchie militaire, au fur et à mesure qu’il se bat (surtout aux abords du Rhin) : fourrier en 1795, maréchal des logis chef en 1799, adjudant-sous-officier en 1800. C’est la même année, à 25 ans, qu’il passe sous-lieutenant, le 5 juin 1800, lors d’une campagne d’Allemagne, sous les ordres du général Moreau, qui sera ponctuée par la victoire d’Hohenlinden.
Lieutenant en 1802, Habert sert en Italie en 1805 et 1806. Période au cours de laquelle il quitte le 4e devenu « de cuirassiers » pour être nommé adjudant-major du 6e de l’arme, en avril 1806. Ce corps basé au-delà des Alpes (à Lodi) et commandé par le colonel Rioult d’Avenay nous est bien connu parce qu’un de ses officiers, Aymar de Gonneville, laissera des mémoires fameux – dans lesquels Habert n’est d’ailleurs pas cité. Un corps qui, aussi, accueille des conscrits haut-marnais, notamment en février 1807 et en mai 1809.
Avec le 6e cuirs (brigade Reynaud, division Espagne), qui selon le lieutenant de Gonneville n’a pas « assisté » à la bataille d’Eylau, Habert se bat le 10 juin 1807 à Heilsberg où, notera Alcide Marot, il est blessé d’un coup de baïonnette au bas-ventre et d’un coup de lance au bras droit. Le régiment souffre particulièrement lors de cette rude bataille : Michel Legat, qui annotera les souvenirs du capitaine de Gonneville, précisera que le 6e a perdu ce jour-là 17 officiers sur 22 (le régiment déplore au total 30 tués, 98 blessés). A la suite d’Heilsberg, d’Avenay sera promu général de brigadie (il tombera en 1809 lors de la bataille de La Piave), et le Haut-Marnais Habert sera fait membre de la Légion d’honneur (le 1er juin 1807).
Capitaine en 1808, le Haut-Marnais se bat encore à Essling : un cheval meurt sous lui, sa jambe est touchée, et il est capturé. Après cette Campagne d’Autriche, il est promu chef d’escadron, le 1er septembre 1809. Deux ans plus tard, il voit arriver, comme nouveau colonel de son régiment, un compatriote : Jean-Baptiste-Isidore Martin, de Saint-Dizier, venu des chasseurs à cheval de la Garde.
Avec le 6e cuirs, Habert prend part à la Campagne de Russie, et après la bataille de La Moskowa, il est promu major (lieutenant-colonel), le 20 septembre 1812, mais pour servir au 9e cuirassiers (brigade Queunot, division Saint-Germain, 1er corps de cavalerie). Coïncidence : un de ses capitaines, Claude Oriot, est Haut-Marnais (il est né à Colombey-les-Deux-Eglises en 1773). Comme Oriot, comme Martin, comme un cousin de ce dernier (François-Eugène Payart, né à Saint-Dizier en 1785, sous-lieutenant au 6e cuirassiers), Habert fait partie du fameux « escadron sacré ». constitué d’officiers encore montés. Marot écrira que Habert « sut ramener tous ses officiers… Il les obligeait, racontait-il plus tard, à prendre du thé tous les jours avec lui, suivant la coutume russe… »
Après la Russie, la Saxe. Le 9e cuirs fait alors partie de la division Bordesoulle du 1er corps de cavalerie. Le régiment est toujours aux ordres du colonel de Murat-Sistrières. Marot écrira que celui-ci est tué lors de la bataille de Dresde. Faux : ce colonel n’est que blessé dans cette affaire. Pour le remplacer, le général Latour-Maubourg, qui commande le corps de cavalerie, songe à Habert. Il le présente à Napoléon. Lisons Marot : « L’Empereur dit ne pas le connaître. « Moi, dit le roi de Naples (Ndlr : le maréchal Joachim Murat), je m’en porte garant ». « Allez, colonel, dit alors l’Empereur ». Habert avait sauvé autrefois la vie à Murat en Italie et ce dernier s’en est toujours souvenu ». L’historien confond-il le roi de Naples avec le colonel de Murat-Sistrières ? Toujours est-il que nous ne voyons pas où Habert aurait pu sauver le maréchal, qui ne s’est plus battu en Italie depuis la campagne de 1800…
Mais voilà donc Jean-Nicolas Habert colonel, à 39 ans, d’un régiment de cuirassiers. Nouvelle coïncidence : celui qui le remplace dans ses fonctions de major, c’est encore un Haut-Marnais, Claude Maugery, un Wasseyen, qui comme chef d’escadron avait commandé les restes du 12e cuirassiers après la Campagne de Russie ! Et dans le 6e cuirs toujours commandé par le Bragard Martin, sert un demi-frère – un autre, Jean-François, sera lieutenant au 1er régiment de la Haute-Marne la même année - du nouveau promu, Nicolas-Victor Habert, né à Nijon en 1793, engagé à Chaumont début septembre 1812. C’est sans doute ce futur capitaine et médaillé de Sainte-Hélène (il vit alors à Soulaucourt-sur-Mouzon, où il décédera en 1863) qui rapportera à Alcide Marot des détails sur la vie du colonel Habert. Ainsi, cette phrase : «Lle malheureux, il se déshonore », lorsque le chef de corps apprend que son ancien chef de l’armée du Rhin, le général Moreau, sert dans les rangs ennemis.
A Leipzig, Habert a un cheval tué sous lui, et il est blessé au pied gauche. Son régiment se battra à Saint-Dizier, mais il semble que ces blessures aient tenu l’enfant de Nijon, officier de la Légion d’honneur depuis le 28 novembre 1813, éloigné de ce commandement. Vient la chute de Napoléon, et le retour des Bourbons. Le colonel Habert est tout d’abord distingué par le nouveau régime en se voyant accorder, par le duc de Berry, la croix de Saint-Louis en octobre 1814, mais quelques jours plus tard, il est placé en non activité, parce que selon Marot il aurait refusé d’aller commander un autre régiment que le sien.
Les Cent-Jours lui offrent une nouvelle fonction : la responsabilité du 4e cuirs.
C’est la campagne de Belgique. L’arme des cuirassiers est représentée par douze régiments (deux sont donc commandés par des Haut-Marnais, tous deux au 4e corps de cavalerie du général Milhaud : le 4e dans la brigade Dubois de la 13e division Walthier, le 6e dans la 14e division Delort), et leurs charges à Waterloo contre les carrés anglais sont restées légendaires. Le 18 juin 1815, le régiment du colonel Habert prend part aux rudes combats de la ferme de la Haie-Sainte (une source anglaise prétend que le Haut-Marnais y a été tué, il n’en est rien), et celui de Martin se bat sur le Mont-Saint-Jean où le Bragard perd un bras.
Sur les douze colonels, sept sont tués ou blessés. Mais pas Habert. Dont le biographe se demande même s’il s’est battu lors de l’ultime combat de Napoléon…
Pour Habert, la Restauration signe la fin de sa carrière. Mis en non activité en 1816 (et retraité en 1825), après avoir appartenu au conseil d’administration du 4e cuirs jusqu’en décembre 1815 (à Fontenay) au moins, il retrouve son village natal, dont il devient maire en 1821, et ce jusque janvier 1837. Il aurait été également conseiller général. Selon Marot, Habert s’avère être un grand chasseur.
C’est le 18 juillet 1842, à 8 h, que le colonel Habert, qui était marié à Henriette selon Marot, décède à Nijon, à l’âge de 76 ans.
Il n’était pas membre de la noblesse d’Empire.
samedi 17 octobre 2009
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