Une fois n’est pas coutume, nous allons sortir du cadre militaire de ce blog pour nous intéresser à l’industrie haut-marnaise sous l’Empire. La riche présence de forêts, de rivières et de minerai de fer a permis en effet, dès le Moyen-Age, l’émergence d’une industrie au sein de laquelle la « métallurgie » tenait une part prépondérante.
Deux documents vont nous aider à aborder modestement ce sujet : l’annuaire de 1811 du département de la Haute-Marne, et surtout un catalogue des « objets envoyés à l’exposition des produits de l’industrie française », publié en 1806.
Un chiffre évocateur révélé par l’annuaire : la présence, sur le sol haut-marnais, de 975 usines, dont 87 forges, employant un total de 4 000 ouvriers. Ce sont ces forges qui vont attirer d'abord notre attention. Parmi les usines dont les produits ont été mis en valeur par le catalogue de 1806, figurent :
. les forges de Morteau et de La Crête (canton d’Andelot). Elles appartiennent alors à Jean-François Guyenot de Chateaubourg, qui a également acquis la fonderie de Manois au début de la Révolution. Selon la notice consacrée à Morteau, « la plus petite commune de France », le haut-fourneau de ce petit village date de 1676 et cessera de fonctionner au XIXe siècle,
. les forges d’Orquevaux (canton de Saint-Blin). Les recherches de l’abbé Humblot
(« Mémoires de la société des lettres de Saint-Dizier ») précisent que M. de Broglie en était le propriétaire avant la Révolution, avant qu’elles ne passent entre les mains de Nicolas Billot qui, en 1803, les a louées à Edme Gaide et Hubert Petitjean-Roger – c’est sous l’appellation de Gaide-Roger que le catalogue de 1806 évoque l’entreprise. Au décès de Billot, elles sont vendues à Nicolas Daguin, puis en 1810 à Denis-Simon Caroillon de Vandeul (de la famille de Diderot), que nous retrouverons pas ailleurs. Les forges, qui employaient une centaine d’ouvriers au moins sous la Révolution, fermeront vers 1854. Le village accueillait également une tréfilerie.
. la forge de Rochevilliers, entre Crenay et Villiers-sur-Suize (propriétaire :
M. Robin),
. la forge de Poissons (Mollerat de Riaucourt),
. la forge de Thonnance-lès-Moulins (Mathieu-Louis-Nicolas Marquette de Fleury, né dans l’Aisne en 1748, député au Corps législatif de la Haute-Marne de l’an X à 1815. Sa famille habitait le château de Poissons avec les Mollerat de Riaucourt, son beau-frère),
. la forge de Marnaval (Leblanc, de la famille dite Leblanc de Marnaval, qui s’établira dans l’Indre),
. la forge de Bienville (Jacquot – d’abord Pierre-François, mort en 1807 à Bienville, puis ses fils Léon, Marcel, Joseph, maîtres de forge),
. la forge de Montreuil-sur-Blaise (Jean-Baptiste Adrien, de Wassy, 1766-1843, qui s’est marié en 1789 à Chaumont avec la fille du maître de forge Lessertois),
. le fourneau de Brousseval (Adrien), d’où sortent biscaïens et boulets,
. les clous de Saint-Dizier (Augustin Deschamps),
. les poêles à frire et les cuillers de Biesles (Roch Bonnore et Popin), Selon l’annuaire de 1811, l’activité occupait 300 personnes,
. les couteaux de Langres (veuve Populus et Macquart).
L’on remarquera qu’à aucun moment, dans ce catalogue, n’apparaît le nom de Nogent, qui est pourtant aujourd’hui l’un des plus importants bourgs industriels du département. Toutefois, l’annuaire de 1811 rendra justice à ses artisans en signalant que l’activité coutelière à Langres (Diderot est issu de ce milieu) et Nogent employait 2 000 personnes.
Le catalogue de 1806 vante également les qualités :
. des gants de l’entreprise chaumontaise d‘Aubry et Genuys, et des articles de bonneterie de Lecuillier et Mollot-Simonnot, dans la même ville (en 1788, à Chaumont, Nicolas Mollot, originaire de Vignory, fils d’un marchand bonnetier, épouse une demoiselle Simonnot, fille… d’un marchand bonnetier). L’annuaire de 1811 indique que la ganterie et la bonneterie, tant à Chaumont qu’à Vignory, employait
2 500 ouvriers. Chaumont deviendra une capitale internationale de la ganterie jusqu’au XXe siècle,
. des peaux de vache et de mouton de M. Hastier-Bordet, à Châteauvillain (les Hastier sont des marchands chamoiseurs de ce bourg). Aujourd’hui, la tradition perdure avec la présence de l’usine de fabrication de bottes… Le Chameau,
. des articles de la tannerie de Vieux-Moulins,
. des papeteries de Perrancey et de Saint-Ciergues,
. du verre de Rouelles. Une étude de l’historien langrois Georges Viard précise qu’à la manufacture de glaces, créée en 1759, a succédé une verrerie, propriété de Caroillon de Vandeul, qui employait environ 50 ouvriers sous l’Empire et qui disparut à la moitié du XIXe siècle,
. des toiles peintes de Giey-sur-Aujon,
. du coton d’Auberive. Selon l’annuaire de 1811, la filature employait une centaine de personnes, environ. Il s’agit d’une entreprise installée, dans l’abbaye, par Caroillon de Vandeul (encore lui !). Elle n’est plus en activité à la fin de l’Empire.
N’est pas évoquée, dans le catalogue de 1806, la fabrique de pointes et de chaînettes de Chalvraines, qui selon l’annuaire de 1811 employait la bagatelle de 480 personnes ! Nous savons peu de choses sur cette entreprise, qui produisait des clous d’épingles, en 1802. Jolibois croit savoir que les pointes réalisées étaient dites de Paris.
Si l’on ajoute les 350 employés des « chantiers » de Saint-Dizier, il apparaît donc que l’industrie occupait, en 1811, près de 9 000 personnes, dans un département comptant alors près de 237 000 habitants, soit 3,8 % de la population.
samedi 20 février 2010
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