Le départ pour la mer du Nord
4 septembre 1809. C'est l'heure du départ de Chaumont, après un rassemblement «sous ces grandes allées d'arbres qui décorent le faubourg de Buxereuilles», sous le soleil. Le préfet l'a écrit dès le 23 août au ministre de la Police : les hommes «devront (…) être armés et équipés à Saint-Omer». Jerphanion n'a en effet pu, à cette date, récupérer «que quelques fusils de calibre» ! Seuls les officiers auront une allure militaire...
Préalablement informé par le préfet de la Haute-Marne de cette situation, le général Gouvion, commandant de division de l'armée du Nord à laquelle le bataillon est destiné, ne pourra toutefois pas s'empêcher, le 23 septembre, de constater un état de «dénuement le plus absolu» parmi les gardes nationales haut-marnaises, une partie étant même sans chaussures ! Ce à quoi le représentant de l'Etat dans le département répondra : «Les hommes étaient loin, au moment du départ, de présenter l'aspect de dénuement».
Le 5, le 1er bataillon de la garde nationale de la Haute-Marne arrive à Joinville. Une fois accueillis à Rupt (patrie du sous-lieutenant de voltigeurs Simon de Bémont), des billets de logement sont distribués aux hommes, le maire de la cité, Royer, organise un banquet, et un spectacle est organisé le soir. Le lendemain, l'unité reprend la route. Le 7, étape à Saint-Dizier. Le 10, à Reims. Mais elle a laissé quelques effectifs en cours de route. Dans la Cité des sacres, ainsi que le major Azémar en informe le préfet, le bataillon déplore déjà 35 désertions. Mais «la plupart sont partis de Chaumont. Il n'y en a peu qui nous ont quitté en route». En outre, précisera, le 8 octobre, le lieutenant de gendarmerie Pierre-Nicolas Ignard, qui devait rechercher 32 de ces hommes, «la plupart ont rejoint les compagnies ou ont été ramenés. J'ai cessé de poursuivre les autres, alors que nous avons appris que M. le commandant-major avait au-delà de son complet de 1 000 hommes». Ayant faussé compagnie à ses compagnons à Vitry-le-François, Claude Guenit, d'Ormancey, a ainsi été appréhendé le 17 septembre 1809, près de Villiers-sur-Marne, par les gendarmes de Vignory.
Pas les seuls Champenois
Arrivés à Saint-Omer (Pas-de-Calais), les Haut-Marnais ne sont pas les seuls Champenois à être présents au camp. Les 1er et 2e bataillons des gardes nationales de la Marne sont ainsi partis dès le 30 août 1809, l'un de Châlons sous les ordres du major du 10e régiment d'infanterie légère, l'autre de Reims derrière celui du 32e régiment d'infanterie de ligne. L'Aube a également dirigé un bataillon, dont un dernier détachement a fait mouvement le 17 septembre.
Dès le 21 septembre 1809, depuis son quartier-général de Schoenbrunn, Napoléon décide de réorganiser le dispositif français. Il l'écrit au général Clarke, son ministre de la Guerre, estimant qu'«il y a beaucoup de désordre dans les gardes nationales. Mon intention n'a jamais été d'en lever plus de 30 000». Il ordonne que la 2e division des gardes nationales sera commandée par le général Lamarque, qu'elle «fera également partie de l'armée du Nord et sera réunie à Anvers». Cette division sera composée des deux bataillons des Ardennes, de la Marne, de la Meurthe et de la Moselle, et des bataillons de la Meuse et de la Haute-Marne. Celui de l'Aube restera à la 5e division du général Gouvion à Lille.
Quelle est la part prise par le bataillon haut-manais aux opérations dans les Flandres ? «De Saint-Omer, est-il précisé dans le dossier de médaillé de Sainte-Hélène d'un vétéran de Prez-sur-Marne, Jean-Jacques Ginot, il fut envoyé à Ostende et de là son bataillon fournissait à Blankenberg une compagnie qui chaque mois était relevée par une autre». Blankenberge est une commune située au bord de la Mer du Nord ; un document signale que le bataillon est à Ostende à compter du 12 octobre.
La cohorte ne prend part à aucun combat. Ce qui n'empêche pas quelques uns de ses hommes de se distinguer. Ainsi Jean-Baptiste Ladrange, né à Vignory en 1786, «a été blessé au bras gauche sur le fort Napoléon en allant au service d'un bâtiment français pris par les Anglais», stipule son dossier de médaillé de Sainte-Hélène. Autre vétéran, Etienne Clerc, ainsi que le signalera le maire de Chameroy, a arrêté «un espion anglais» le 15 mars 1810.
Quelques pertes sans combat
Plusieurs «gardes nationales» ne reverront pas la Haute-Marne. Nous en avons identifié cinq qui sont décédés en Belgique :
. Nicolas Meunier, de Viéville (7e compagnie), décède le 20 novembre 1809 à Ostende.
. Louis Garnier, de Thivet (1ère compagnie), meurt le 9 décembre 1809 à Ostende.
. Nicolas Gouy, de Vesvre-sous-Chalancey (2e compagnie), rend son dernier souffle le 10 janvier 1810 dans cette commune belge.
. Nicolas Figuet, de Genevrières, décède le 5 février 1810 à Bruges.
. Rémy Bachotin, de Praslay, le 14 février à Ostende.
Ce qui mine surtout le bataillon, ce sont les désertions, et elles sont nombreuses. Le 10 octobre 1809, neuf hommes quittent la 8e compagnie, dont Jean-Baptiste Petitot, de Hortes, «regardé comme le chef de complot». A la 6, il y a trois manquants. Le 18 décembre, trois hommes déclarent que neuf de leurs camarades sont partis jusqu'à Saint-Dizier. Le 30 décembre, un conseil de guerre juge, par contumace, le caporal Jean-Antoine Baillet, d'Esnoms-au-Val, «coupable du crime de désertion». Le gradé sera condamné à cinq ans de travaux et à une amende de 1 500 F. Mais il y aura pire. Le 19 janvier 1810, le major Azémar signale la disparition d'un officier, et pas n'importe quel : «M. Husson aîné (…) Cet officier manque à sa compagnie depuis le 2 présent mois». Il est parti sans rien dire, «pas même à son frère, laissant beaucoup de dettes». La défection du capitaine plonge le chef de bataillon dans la consternation : «On m'a donné cet individu comme l'un des meilleurs sujets du département. Je vois bien que l'on s'est trompé».
La fin du bataillon
L'évolution favorable de la situation justifie sans doute la dislocation progressive du bataillon. Ainsi, les Archives départementales de la Haute-Marne conservent la trace d'une liste de 26 gardes nationales qui devaient rejoindre le 122e régiment d'infanterie de ligne et qui sont finalement destinés (comme d'autres), à Lille, au Régiment des gardes nationales de la Garde impériale, créé par décret du 1er janvier 1810.
Licenciée le 15 mars 1810, la cohorte, désormais confiée au chef d'escadron Morlant, prend le chemin du retour le 26 mars. Le maire d'Ostende, ville où le bataillon tenait garnison depuis le 12 octobre 1809, atteste que les gardes nationales haut-marnais «se sont toujours fait remarquer par leur excellente conduite et leur exactitude dans le service, nonobstant toutes les privations que cette troupe a dû endurer pendant la rigueur de la saison». Le 27 mars, l'unité est à Roulers. Dans la nuit du 28 au 29, à Menin. Le 30, à Lille. Le 2 avril, à Cambrai. Le 3, à Saint-Quentin. C'est dans le département de l'Aisne, à l'hospice de Laon, que le fusilier Louis Coiffier, de la 2e compagnie, décède le 11.
Finalement, l'unité est de retour à Chaumont le 15 avril, accueillie par le préfet, le général Offenstein, commandant militaire du département, et le maire. «La cohorte est dissoute sur le champ», note Le Journal de la Haute-Marne.
Les officiers ne resteront pas longtemps inemployés. Le chef de corps, Azémar, sera colonel du 150e régiment d'infanterie de ligne, sera promu général de brigade en 1813... et tombera en Saxe peu après. Puis la presse haut-marnaise rapporte que le 10 février 1811, par un décret de Sa Majesté, dix lieutenants ou sous-lieutenants du bataillon seront incorporés dans la ligne. Il s'agit de Simon de Bémont, Regnaut, Goirot, Royer, Ariet, Pelletier, Alizé, Abraham, Guillaume et Humblot. Un autre document, daté du 9 mars 1810, signale que Morlant, Guignard, Falcony, Regnault, Girardot, Allizé, Abraham, Barbier, Bertrand, Léonard, Guillaume, Guillaumet et Humblot (ancien sergent-major) sont destinés à rejoindre le Régiment des gardes nationales de la Garde. A de rares exceptions, ce ne sera toutefois pas le cas.
Pour les sous-officiers et soldats haut-marnais qui ont servi à l'armée de Brabant et qui ont rejoint le Régiment des gardes nationales de la Garde impériale (futur 7e régiment de voltigeurs de la Garde impériale) le 1er avril 1810, une nouvelle campagne se profile : celle d'Espagne. Beaucoup, servant dans les rangs de la 2e compagnie du 1er bataillon, décéderont de maladie ou de blessures dans les hôpitaux de la péninsule.
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