En 1908, la Société d'histoire
départementale de la Révolution dans l'Aube a publié, dans son
bulletin, les lettres d'un sergent de la 56e cohorte de la garde
nationale, Edme-Alexis Garnier. L'homme servait ainsi dans la même
unité que le sergent-major Marcq, d'Eclaron, dont les souvenirs ont été présentés sur le blog de Christophe Bourrachot, "L'Estafette".
Que savons-nous du sous-officier ?
Qu'il est né le 24 mars 1789 à Prunay-Saint-Jean, hameau de la
commune de Saint-Jean-Bonneval, dans l'Aube, fils de Jean-Alexis et
de Marguerite Thiryon. Il a été incorporé en avril 1812 dans cette
cohorte, comme de nombreux compatriotes et Haut-Marnais, destinée à
être organisée à Dijon.
La première lettre
adressée à ses parents est d'ailleurs écrite depuis la capitale
des ducs de Bourgogne, le 24 juin 1812 (nous avons rectifié
l'orthographe et la syntaxe) : «Nous avons reçu l'ordre pour partir
de Dijon le 25 du courant pour (nous) diriger vers Utreik (Utrecht)
en Hollande rejoindre nos camarades qui sont partis le 25 mai ; nous
avons 31 jours de marche et 100 lieues (à faire), ce qui causera
beaucoup de fatigue à bien des soldats, car les grandes chaleurs
accablent les hommes en marche, et nous quitterons le vin (sic) au
bout de huit jours. Je vous dirai que le second ban marche dans
plusieurs départements, ce qui est l'auteur de notre départ, parce
que nous lui (faisons) place pour (tous) entrer dans la division, ce
qui me fait de (la) peine de m'éloigner si loin de vous tous et de
ne pas avoir le bonheur de recevoir de vos nouvelles avant mon
départ… Je quitte Dijon sans regret attendu, que le soldat ne peut
pas vivre.» Dans ce courrier où il cite les noms de conscrits
aubois (Léon Ménuel, cousin de son maître d'école, Patrois,
Millot, Baudouin, etc.), Edme-Alexis Garnier, qui est sergent depuis le 4
mai, ajoute : «J'ai oublié de vous dire que nous sommes habillés
en uniforme et armement complet, ce qui nous charge beaucoup. Nous
avons fait présent de tous nos effets pour la monnaie d'une
bouteille.»
La 56e cohorte du premier
banc de la garde nationale fait mouvement vers les Pays-Bas. La
deuxième lettre publiée par la Société est donc datée du 27
juillet 1812, à Utrecht. Sous-officier dans la 5e compagnie, Garnier
raconte à ses parents son «voyage» : «Je m'empresse, le coeur
navré de douleur, de vous écrire ces lignes pour m'informer de
l'état de vos santés. Quant à moi, je me porte assez bien, gloire
à la Providence… Nous sommes casernés en arrivant ; le pays est
très malsain. Plusieurs tombent malade ; mon camarade de lit est à
l'hôpital pour la fièvre. Plusieurs sont restés en route par la
fatigue, moi je n'ai pas fatigué du tout ; nous avons eu de très
mauvais temps les premiers jours de marche, il tombait de l'eau tous
les jours… Nous avons passé dans de très mauvais pays, surtout
dans les Ardennes. Je suis passé à Luxembourg où j'ai eu
l'avantage de voir l'ami Nicolas Papin...»
Après Utrecht, direction
Brême (Allemagne), sur le fleuve Weser. Le sergent Garnier évoque,
dans cette troisième et dernière lettre publiée, le 24 décembre
1812, les conditions climatiques : «Je réponds à votre (lettre)
datée du 27 novembre dernier, que j'ai reçue la veille de notre
départ d'Aurich… S'il m'était possible de vous
embrasser ! Mais la distance qui nous sépare y met un obstacle bien
pénible. Souhaiter la bonne année est un usage général, chacun
s'en fait un devoir… Nous sommes dans un endroit très froid. La
gelée a commencé le premier décembre, dont la continuation a
augmenté tous les jours ; l'on a remarqué que dans neuf heures de
temps la glace avait six pouces d'épaisseur...»
Que devient ensuite
l'enfant du hameau de Prunay-Saint-Jean ? L'article ne l'indique pas.
Mais le registre matricule du 153e régiment d'infanterie de ligne
nous renseigne sur son destin. Le 22 février 1813, Edme-Alexis
Garnier est incorporé dans la 1ère compagnie du 2e bataillon.
Celui-ci a été formé par la 56e cohorte, et il est aux ordres d'un
jeune Troyen de 30 ans, le chef de bataillon Alexandre De
Jougla-Lamothe. Sa compagnie est aux ordres du capitaine Bertrand,
avec Jean-Joseph Vincent comme lieutenant et Claude Richier comme
sous-lieutenant. Engagé dans la Campagne de Saxe, l'Aubois se bat le
26 mai 1813 à Hainau, où il est blessé. Puis le registre note
qu'il a été rayé pour cause de longue absence le 5 novembre
1813...
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