Originaire d'Arras, né vers 1759, Philippe-Joseph
Tabary est devenu Haut-Marnais par son mariage. Fils de Pierre-Ghislain,
originaire de Bailleulmont (Pas-de-Calais), et de Marianne Duhamel, il a en effet pris pour épouse, le 18 octobre 1784, à Wassy,
Margueritte-Elisabeth Rassenet, fille d'un blanchisseur. La profession du jeune marié, originaire de la paroisse Sainte-Croix d'Arras, n'est
pas précisée dans l'acte, pas plus qu'au moment du baptême de son
fils Philippe-Guislain-Joseph, né dans la paroisse Saint-Géry d'Arras le 2 décembre 1785.
C'est à Joinville que la famille vient s'installer. Tabary, qui mesure 1,72 m, a 32 ans lorsqu'il se porte volontaire pour défendre la patrie le 18 septembre 1791 en
mairie de Joinville, au moment de la formation du 1er bataillon de
volontaires nationaux de la Haute-Marne. S'il rejoint cette unité,
il y sert peu, puisque Pierre-Gérard Jacquot ne le mentionne pas parmi les cadres de l'unité en 1793. On le retrouve cette année-là comme adjoint aux
adjudants-généraux. Tabary sert à l'armée de l'Ouest, lorsque,
d'après Baguenier-Désormeaux («Kléber en Vendée»), le général Rossignol, «d'après la connaissance
certaine qu'il avait de son patriotisme et de sa bravoure», demande
pour lui, au ministre de la Guerre, le grade d'adjudant-général, le
29 août 1793.
Commandant à Saint-Georges-sur-Loire, le Joinvillois fait l'objet
d'une première demande d'arrestation, le 5 octobre 1793, par le
Comité de surveillance et révolutionnaire d'Angers. Ce qui ne l'empêchera pas de combattre quelques jours
plus tard contre les Vendéens marchant sur Nantes et Angers. Dès
1809, un récit raconte que le 18 octobre 1793, 2 à 3 000 Vendéens,
«arrivés les premiers à Varades, avaient repoussé jusqu'aux
portes d'Angers le peu de troupes que leur avait opposé
l'adjudant-général Tabary, défendant le poste d'Ingrandes. Tabary perdit deux canons...» Lorsque les éclaireurs
ennemis se replièrent sur Caudé, «l'adjudant Tabary et le
commissaire Duverger les suivirent, et s'engagèrent imprudemment à
trois lignes de l'armée, sans pouvoir être soutenus. Arrivés à
Ingrandes, ils mirent pied à terre. Les éclaireurs vendéens filèrent
pour les envelopper dans les vignes qui bordaient la route.
L'adjudant général Tabary s'élance sur son cheval et fuit au grand
galop. Le commissaire Duverger voulut le suivre, mais sa selle tourna
et le fit tomber. Il reçoit dans cet instant un coup de fusil...»
Le malheureux est achevé, tandis que «les hussards républicains se
sauvèrent à bride abattue vers Chantocé...»
Ce revers valut à Tabary d'être de nouveau arrêté et
emprisonné à Angers. Dans le Bulletin historique et monumental de
l'Anjou, M. du Réau, autre détenu de cette période tourmentée,
raconte : «Le général Tabary, qui partageait notre sort quoique
forcené républicain, élève la voix et dit : Camarades
d'infortune, voici le moment le plus critique, il ne convient de
témoigner ni crainte ni espérance, soyons calmes. Ce général
Tabary, qui était accusé d'avoir abandonné le poste d'Ingrandes
aux Vendéens, était furieux de se croire confondu avec des
royalistes ; il murmurait et jurait à tous moments contre
l'ingratitude de son parti. Oui, me dit-il, toujours j'ai tout
sacrifié pour la république ; j'étais à Sedan (sic) à la tête d'une
manufacture d'amidon, je me suis engagé avec 40 de mes ouvriers, et
voilà le prix de mon dévouement».
Traduit devant la justice révolutionnaire, «malgré
tout l'étalage de ses services et la jactance de son habit qui lui
était ordinaire» (du Réau), l'officier «subit son arrêt en
criant vive la République». Condamné à mort le 3 février 1794,
il est guillotiné le lendemain, place du Ralliement à Angers. Le
Mercure précisera qu'il était «convaincu de haute trahison dans
(son) commandement», comme le général Destimanville.
Quelques jours plus tard, le 15 février 1794, le Comité
de surveillance de la commune de Joinville vient poser des scellés
sur la demeure de l'adjudant général Tabary. La confiscation des
biens est justifiée par le fait que l'officier «vient de subir la
peine de mort pour trahison par lui commise dans le commandement de
l'armée à laquelle il était attaché». L'on apprend, par l'acte,
que sa veuve ne réside plus dans la demeure : son état de santé
l'a amenée en effet à loger chez un prêtre voisin, Andoire. Les
scellés seront finalement levés quinze jours plus tard. Ce
compte-rendu permet d'apprendre que la maison Tabary donnait sur le
faubourg du Grand-Pont, que l'homme louait également une grange au
quai des Péceaux et une maison du faubourg de Lorraine, enfin qu'il
avait signé une séparation de biens avec son épouse le 10 juillet
1790 et qu'il possédait bien un étal d'amidonnerie, sans qu'il soit
précisé s'il était situé à Joinville ou en un autre lieu.
Concluons cette évocation en signalant que la famille Tabary restera attachée à la cité, puisqu'au moment d'être mis en demi-solde, le fils Philippe-Ghislain-Joseph, devenu capitaine d'infanterie légère de Napoléon, s'y retirera provisoirement en 1814 et 1815, avant d'être admis dans l'armée du roi.
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